Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

résolution, ou que la vigueur de l'observance (nous n'osons le penser) ne vienne à éprouver des atteintes considérables; c'est pourquoi, mes chers fils en Dieu, nous prêtant avec joie à vos justes réclamations, à l'exemple de notre père et prédécesseur de sainte mémoire, le pape Eugène, nous vous prenons aussi sous notre protection et sous celle de saint Pierre; nous voulons que l'ordre monastique établi, par la grâce de Dieu, sous la règle de saint Benoît et de l'ordre de Citeaux, fleurisse à perpétuité au milieu de vous. Nous voulons, en outre, que tous les biens que vous possédez et que vous pourrez posséder dans la suite, selon les lois divines et humaines, soient votre propriété inviolable. » Alors le pape entre dans le détail des biens que possédait alors l'abbaye. Outre les onze terres déjà mentionnées, on trouve celle de Roncenay, le fief de Revisy, la forêt de Contest, les vignes, les terres et les prés de Chablis, l'ile du Moulin-Neuf, l'usage des bois et des terres de ces parties de la forêt d'Othe qu'on appelait le bois de Saint-Loup, du Chasseur, du château Witon, provenant des donations d'Atton, évêque de Troyes, et d'autres biens.

Enfin le pape, désirant donner à l'abbaye toute la protection de son autorité apostolique, défend, sous les peines les plus graves, de pénétrer dans l'enceinte des granges qui lui appartiennent, d'y commettre des vols, d'y exercer des violences, d'y mettre le feu, d'enlever ou de tuer les serfs (1); et

(1) Pour exprimer le nom de serf, les bulles se servent toujours du mot latin homo, qui veut dire homme, et non serf. Le père commun des fidèles regardait tous les hommes comme

si jamais des ecclésiastiques ou des laïques sé rendaient coupables de pareils crimes, et qu'après avoir été avertis deux ou trois fois, ils ne donnassent pas une satisfaction convenable, il veut qu'ils soient dégradés de leur rang, excommuniés, privés de la participation au corps et au sang de Jésus-Christ notre Rédempteur. Quant à ceux qui respecteront ce qui appartient à l'abbaye, il appelle sur eux les grâces de Dieu et la protection de saint Pierre et de saint Paul. Il termine en répétant trois fois amen. La bulle est datée du palais de Latran, le trois des ides de novembre de l'année 1166. Suivent les signatures de douze cardinaux. L'abbaye eut dèslors à se défendre de cet esprit de guerre, d'indépendance, de rapines, qui était comme l'esprit national de cette singulière époque.

On est étonné, avec nos lois et nos mœurs, qu'une abbaye aille chercher un appui temporel à trois cents lieues : c'est qu'alors les campagnes étaient entre les mains d'un petit nombre de seigneurs qui gouvernaient en despotes. S'emparer des biens de religieux sans défense, s'introduire dans leurs fermes, enlever le bétail, maltraiter les serfs, étaient des crimés sur lesquels les lois féodales étaient muettes ou impuissantes, surtout lorsque le malfaiteur était assez fort pour imposer au comte, ou pour faire valoir les détours de la chicane. Comme la foi était grande, le pape, chef de l'Eglise, en appelait à la conscience; s'il n'était pas toujours écouté, au moins est-il certain que sa voix puissante était entendue, et qu'elle arrêtait bien des maux.

égaux devant Dieu. Sans approuver l'esclavage, il le tolérait comme un désordre que la religion devait détruire avec le temps.

[Hist. de l'ab. da

La faiblesse des lois était telle, que si un père faisait un don à une église ou à un monastère, son fils, son petit-fils ou tout autre héritier, reprenait impunément ce don. C'est pourquoi on faisait ratifier les donations par le pape, par le roi, par les évêques ou par les plus puissans seigneurs de la contrée. Les donateurs mêmes en appelaient à l'épée des chevaliers voisins pour maintenir leurs dernières volontés, ou bien ils invoquaient sur eux les malé– dictions du ciel. Par Dieu, en Dieu et tous ses saints, disait Guillaume, fondateur de l'abbaye de Cluny, p. 29. Cluny, et sous la menace redoutable du jugement dernier, je prie, je supplie que ni prince séculier, ni comte, ni évêque, n'envahisse les possessions que je donne aux serviteurs de Dieu. » Guillaume III, comte d'Auxerre, ayant fait une donation importante à l'abbaye de Pontigny, en 1156, et craignant T., p. 348. qu'après sa mort on ne renversåt ses intentions, pria l'évêque d'Auxerre d'apposer le sceau de ses armes à côté du sien, sur l'acte de donation, et il prie ses successeurs de maintenir la bonne œuvre qu'il a faite, contre toutes les attaques de l'ambition ou de la mauvaise foi. Je veux, dit-il, que ce don passe à la postérité dans toute son intégrité; si quelqu'un voulait l'enlever aux moines, moi-même, ou mes héritiers après moi, nous prendrons leur défense et nous le leur conserverons envers et contre tous les ravisseurs de bien d'autrui. Toutes ces. précautions indiquent le peu de fond qu'il y avait à, faire sur la bonne foi publique.

Voici un exemple de ces spoliations si communes T. III, p. 57, alors: En 1139, le chevalier Gaufride de Bouilly

et l'écuyer Salet de Boisjardin s'emparèrent d'une partie du bois de Revisy, y firent des coupes, en vendirent pour cent livres et en firent enlever une quantité considérable. L'abbé de Pontigny les cita à comparaître pardevant l'official de Sens; ils répondirent que le bois leur appartenait, qu'ils usaient de leur droit. L'official obligea les deux parties à prouver par témoins leur droit de possession. Les témoins de Gaufride et de son complice, la plupart attachés à la maison de chacun d'eux, dirent que Gaufride et de Boisjardin avaient joui d'un droit d'usage dans ce bois. Les témoins de l'abbaye produisirent des preuves irrécusables du droit de propriété qu'avait cette maison. Comme Gaufride et de Boisjardin persistaient à dire que le bois leur appartenait, l'official cita les deux parties à comparaître le jeudi d'après la Saint-Vincent, pour entendre prononcer son jugement. Le procureur de l'abbaye s'y rendit, mais les deux autres parties refusèrent de comparaître. L'official les attendit jusqu'au lendemain. Enfin, dit le jugement, la présence de Dieu suppléant à l'absence des contumaces, ils furent déclarés convaincus de mauvaise foi, condamnés à se désister de toute espèce de prétentions sur le bois de Revisy, à restituer tous les dommages qu'ils avaient causés, et à dix livres d'amende pour les frais et les dépens. L'histoire ne dit pas s'ils se sont conformés au jugement, surtout s'ils ont réparé les dommages qu'ils avaient causés et payé l'amende.

[ocr errors]

Tandis que l'abbé Guérin s'occupait à défendre. les biens de son abbaye au-dehors, et à faire régner la régularité au-dedans, il fut enlevé à sa commu

nauté et porté sur le siége archiepiscopal et primatiał de Bourges. L'hérésie des Albigeois avait déjà pénétré dans ce diocèse et dans la province d'Aquitaine. Le nouvel archevêque la parcourut comme primat, afin de poursuivre l'hérésie jusque dans ses derniers retranchemens. Il encouragea les sciences en donnant les prébendes à des hommes instruits. Pour qu'on y attachât plus d'importance, il en diminua le nombre. Il assista au concile de Latran, et depuis, au couronnement de Philippe-Auguste, roi de France. Sa mort arriva le 16 avril 1181. H demanda à être inhumé à Pontigny, vers les abbés ses prédécesseurs. Son tombeau est près du grand autel, du côté de l'évangile. On lisait autrefois sur sa tombe cette inscription en latin: Ci-git dom Guérin, archevêque de Bourges et troisième abbé de ce monastère. Il avait été abbé pendant neuf ans (1).

PIERRE Ier.

SON élection eut lieu lorsqu'il était prieur: c'est T. 1, p. 17. à lui qu'Etienne de Tournay adressa son épître à l'occasion de la prise d'habit de saint Guillaume et de quelques novices de Grandmont. A peine fut-il abbé, qu'on l'élut évêque d'Arras, en 1180. II vécut jusqu'en 1203. Son corps fut rapporté à Pon

(1) Les auteurs de la Gaule chrétienne ajoutent après lui deux abbés, Guillaume et Pierre. Ces deux abbés ne sont point cités dans Viole; les Cartulaires de Pontigny, que nous suivons de préférence, parlent seulement du second.

« ZurückWeiter »