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En 1291, cette dime fut échangée pour une rente de cinquante livres tournois.

Tandis que Gérard était occupé du soin de son monastère, le pape Innocent III le nomma cardinal et évêque de Préneste. Il ne jouit pas long-temps de cette éminente dignité. Manrique rapporte qu'il mourut cette même année, le 14 juin 1202: On voit de quelle considération les abbés de Pontigny jouissaient dans l'Eglise. En mourant, Gérard demanda à être inhumé auprès des abbés ses prédécesseurs. Pontigny est désormais la terre sacrée où veulent reposer non-seulement les abbés, en quelque pays et en quelque dignité qu'ils meurent, mais encore tout ce qu'il y a de plus distingué parmi la noblesse du pays.

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JEAN II.

APRÈS la mort de Gérard, Jean fut élevé au gouvernement de l'abbaye par le suffrage unanime de ses confrères. Son humilité, ses lumières, sa tendre charité, le rendaient propre à continuer l'œuvre de ses illustres prédécesseurs pour la prospérité de l'abbaye de Pontigny. Au mois de juillet 1202, le pape Innocent III lui écrivit pour l'engager à mettre la paix dans son ordre. C'était l'abbé de Citeaux, qui voulait avoir une primauté trop étendue sur les quatre premiers pères, qui se piquaient d'être ses égaux. La Carte de charité, sur laquelle les deux parties basaient leurs réclamations, disait que l'abbé

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de Citeaux serait regardé comme le supérieur des Nomastic. Cist., abbés mêmes; qu'il ferait la visite de tous les monastères de l'ordre, et qu'il prendrait, de concert avec les abbés de chaque maison, des mesures pour réformer les abus. Il était dit aussi que chaque abbé ferait tous les ans la visite des maisons de sa dépendance; que les quatre premiers abbés, qui sont ceux de La Ferté, de Pontigny, de Clairvaux et de Morimond, visiteraient aussi tous les ans, en personne, le monastère de Citeaux ; qu'ils en auraient l'administration après la mort de l'abbé, et qu'ils assembleraient les abbés des filiations de Citeaux pour lui donner un successeur. Si un abbé transgressait la règle, il devait être repris par celui de Cîteaux, qui le déposait s'il ne voulait pas se corriger; et si l'abbé de Cîteaux vivait d'une manière opposée à son état, il devait être averti de ses fautes, puis déposé par les quatre premiers pères, à moins qu'il ne rentrât en lui-même, et qu'il ne changeât de conduite.

Le pape, sans entrer dans leur discussion et sans porter de jugement, se contente de leur rappeler que si la bonne renommée de l'ordre s'est étendue d'une mer à l'autre, c'est qu'ils ont tenu une conduite droite, simple et irréprochable, et que les supérieurs, loin de dominer sur leurs subordonnés, en sont devenus les modèles. « On ne les a point vus, dit-il, se disputer le premier rang, ni parler de démissions sous prétexte de soutenir leurs priviléges. Ils ont compris ces paroles de l'Écriture, que les princes dominent sur les nations, mais qu'il n'en est pas de même des disciples du Seigneur. Le pre

mier doit être le serviteur des autres; commander et obéir sont deux conditions égales. Les premiers abbés qui ont honoré votre ordre ne se regardaient pas les supérieurs, mais les frères de leurs religieux, mais leurs inférieurs, puisqu'ils étaient obligés, par leur place, à pourvoir à la nourriture de leur âme et de leur corps. Tout récemment, ajoute le pape, des bruits désavantageux sont parvenus jusqu'à nous; l'or a perdu sa belle couleur et s'est couvert de rouille; il y en a qui cherchent la prééminence, leurs intérêts, et non ceux de Jésus-Christ; ils paraissent s'éloigner du chemin de la justice, et de cette simplicité qui a jusqu'ici distingué votre ordre. Nous vous en conjurons avec ce zèle dont nous brûlons pour l'ordre de Citeaux, que notre siècle n'ait pas à vous reprocher la plus légère insubordination, et qu'il ne voie pas ternir votre bonne renommée. C'est pourquoi nous vous avertissons, nous vous exhortons charitablement par nos lettres apostoliques, de marcher avec courage dans la carrière que vous avez embrassée si généreusement, afin de ne donner aucun sujet de scandale; car si quelqu'un troublait votre ordre, soit en usurpant une autorité arbitraire, soit en refusant l'obéissance, nous le livrerions à la puissance de Satan, pour le salut de l'ordre. » Ces paroles du pape furent accueillies avec respect; on garda le silence de part et d'autre, mais on ne demeura pas convaincu de la subordination réciproque qui devait exister entre les quatre premiers pères et l'abbé de Citeaux. Nous ne comprenons plus tout l'intérêt et toute l'importance de ces discussions, qui ont agité l'ordre de

Citeaux pendant si long-temps. Mais quand les premiers abbés de l'ordre, hommes pleins de mérites et de vertus, quand les papes eux-mêmes y prenaient tant de part, il fallait bien que l'ordre. en fût vivement préoccupé.

L'abbé Jean reçut cinq bulles du pape Innocent III. Rien de plus admirable que les rapports directs que l'abbaye de Pontigny entretenait avec les souverains pontifes: leurs bulles sont un témoignage bien honorable en sa faveur. Innocent II avait adressé deux bulles à l'abbaye de Pontigny', Adrien IV deux également, trois furent envoyées par Alexandre III, une par Célestin III, huit par Innocent III, sept par le pape Honoré, depuis 1216 jusqu'en 1225; Grégoire IX lui en expédia six dans l'espace de huit ans ; Innocent IV lui en adressa dix, Alexandre IV trois seulement, en 1255 et en 1260. On possède encore une bulle envoyée par Urbain IV, deux autres envoyées par Clément IV, et deux par Grégoire X. Martin IV, Boniface VIII, Clément V, Jean XXII, Benoît XII, Martin V, Innocent VIII, adressèrent chacun une bulle à l'abbaye de Pontigny; Pie IV en envoya une en 1561; la bulle de Clément V est datée de Poitiers en 1306; celles de Jean XXII et de Benoît XII furent expédiées d'Avignon en 1319 et en 1336.

Les originaux de ces bulles, au nombre de plus de cinquante, étaient conservés à Pontigny avec un soin religieux. Depuis 1790, ils sont déposés à la préfecture d'Auxerre, parmi les archives du département. On ne peut voir sans un vif sentiment d'intérêt ces vieux parchemins, expédiés de Rome,

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que nos pères environnaient de tant de respect, et dont la publication faisait faire une halte à la barbarie dans la contrée.

Dom Robinet parle de plusieurs autres bulles intéressantes qui sont perdues; celles qui sont adressées à l'ordre en général, sont réunies dans un recueil imprimé à Liége en 1714. Lorsque la communauté était plongée dans quelque tribulation, elle exhalait sa douleur au pied des saints autels; ensuite elle portait ses plaintes au chef de l'Eglise, qui se hâtait de les consoler, en prenant leur défense, avec toute la tendresse d'un bon père pour ses enfans.

Les religieux de Pontigny offraient toujours le spectacle le plus édifiant leur silence, leur humilité, leur recueillement, fixaient l'admiration de tous ceux qui visitaient le monastère. Les exercices spirituels étaient partagés par les heures que l'on donnait, chaque jour, au travail des mains. Tandis que les plus habiles copiaient des livres, les autres se partageaient, à tour de rôle, tous les travaux domestiques de leur habitation.

Deimbert, baron de Seignelay, donna alors à l'abbaye de Pontigny tout son clos de vigne du Mont-Saint-Sulpice, en reconnaissance de ce que l'abbé Jean et ses religieux lui avaient accordé, ainsi qu'à Marguerite, son épouse, une part aux prières et aux autres biens spirituels de l'abbaye, un droit de sépulture dans leur maison, et à leur inhumation les mêmes honneurs qu'à un des frères. Ce qui montre qu'on apportait beaucoup de solennité à ces inhumations, auxquelles la communauté

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