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utions qui ont existé dans nos pays, ou qui existent encore. Depuis cinquante ans, il s'est fait une telle révolution dans les esprits, que nous sommes devenus aussi étrangers au genre de vie des cénobites qui étaient établis dans nos contrées, que nous le sommes à celui des solitaires de la Thébaïde : de sorte qu'ils ne peuvent plus nous être connus que par l'histoire. Au lieu d'admirer le généreux sacrifice de ces hommes qui quittaient tout pour Dieu, qui furent de sublimes ornemens de la retraite, de saintes illustrations de la pénitence, on s'attache à relever quelques misères de l'humanité. De là viennent ces faux jugemens que les hommes de notre époque portent sur les anciens religieux. On ne considère pas qu'un grand nombre de fidèles, entraînés dans le tourbillon du monde, auraient été victimes du déréglement de leurs passions, s'ils n'avaient trouvé un asile assuré dans les monastères. Les uns y entraient, poussés uniquement par le désir d'obtenir une couronne plus brillante dans les cieux, et y vivaient pour l'édification des hommes et la joie des anges: placés dans une région plus voisine du ciel que celle où nous rampons, ils secouaient ce qui est de l'homme pour se faire esprits. D'autres, après avoir

fait naufrage dans le monde, et être devenus à charge à la société et à eux-mêmes, trouvaient dans la solitude d'un monastère un refuge où la miséricorde de Dieu les consolait. S'ils cessaient de rendre des services à la société, l'exemple de leur pénitence n'en était pas moins propre à arrêter les méchans dans leurs désordres. Restés dans le monde, leur vie se fût éteinte dans l'opprobre, au lieu que, dans le cloître, leur âme flétrie se ravivait en prenant de nouvelles forces. Mais quoi! de nos jours encore, des souverains ont dans leurs états de ces maisons renfermant des familles spirituelles, où la matière est sacrifiée à l'esprit, où l'on surmonte les passions par la pensée de l'éternité, où l'on dompte la chair par la méditation, la prière et la pénitence, et ils retranchent un pareil exemple de la société. C'est un véritable suicide dans l'ordre moral. Je veux parler de la suppression récente des couvens de Portugal, d'Espagne, de Pologne, et d'une partie de ceux de la schismatique Russie.

Ne sommes-nous pas pleins de vénération pour ces frères des écoles chrétiennes, pour ces admirables filles de saint Vincent-de-Paul, et pour tant d'autres dévoués, ou à l'instruc

tion de la jeunesse, ou au soulagement de l'humanité souffrante? On ne peut donc s'empêcher d'applaudir au zèle charitable et éclairé des pieux fondateurs de ces utiles institutions.

Le chrétien ne se rappellera pas, sans un regret amer, qu'elles ont cessé d'exister, ces retraites salutaires et laborieuses, d'où sont sortis tant de saints et savans prélats, qui ont édifié et éclairé l'Église; tant de missionnaires intrépides, qui ont franchi la vaste étendue. des mers, pour porter aux nations lointaines. le flambeau de la foi et de la civilisation; tant de savans et d'artistes auxquels les peu-. ples policés sont redevables des plus beaux monumens de l'antiquité, et des principes de toutes les connaissances dont nos contemporains sont si fiers. Sans les manuscrits précieux des moines, que nous resterait-il des monumens de la religion, de l'histoire, des sciences, des arts et des lettres? On pourrait même défier les contempteurs des ordres religieux de citer une science, ou un genre de littérature qui n'ait pris naissance, ou qui n'ait fleuri dans quelque couvent. Les philosophes du dix-huitième siècle savaient que les cloîtres étaient, la plupart, comme des gymnases où les athlètes de la vérité se préparaient à combattre le mensonge

et l'erreur; c'est pourquoi leur premier retour vers la barbarie fut la suppression des ordres religieux. L'Eglise ne se consolera de leur destruction que lorsque de nouveaux cénobites seront venus réjouir son cœur.

Quel siècle aurait plus besoin de monastères que celui où nous vivons? On ne pourrait rien établir de plus vénérable, de plus consolant que ces saints asiles où l'on pût vivre, penser et mourir. Dans les siècles où la foi catholique était identifiée avec l'existence sociale, le cloître pouvait paraître comme une création sans motifs. Il n'en serait pas de même de nos jours, où l'on voit des âmes si désolées, des douleurs si profondes, des joies si stériles, des cœurs si découragés, si oppressés du présent, si gros de regrets et de mécomptes : ici des positions sociales déplacées par la cupi dité et l'ambition; là, d'incroyables souffrances, surtout pour ceux qui ne rencontrent plus rien ici-bas de conforme à leur mélancolie, à leurs affections, à leur tendresse, à leur penchant pour l'infini. Quel remède pour ces cœurs souffrans et si nombreux dans un siècle. comme le nôtre? Une demeure isolée où ils puissent vivre dans le recueillement et la prière : voilà l'arche de paix et de salut!

Malgré l'indifférence, le dédain peut-être, de la génération actuelle pour les hommes qui ont habité les vieux cloîtres, réveillons un peu ces moines endormis dans leurs tombes séculaires, ils nous diront avec quel succès ils ont rempli pour eux-mêmes et pour la société la grande tâche qui leur fut assignée par la Providence. Que nos contemporains rendent à ces moines le pieux tribut de leur hommage et de leur vénération; qu'ils cessent de prendre en pitié les institutions qui les ont précédés, s'imaginant follement que leur état social résistera au torrent des siècles, comme si un peuple destitué de ses anciennes croyances, sans mœurs arrêtées, agité par les idées d'une liberté vague et indéfinie, avait droit de compter sur l'avenir.

Les monastères ont duré près de quatorze cents ans dans nos pays; ils durent encore ailleurs ce fait suffit pour qu'on accorde une grave attention aux institutions monastiques. Il faut quelque chose de surnaturel à un établissement pour qu'il compte autant de siècles. Qu'on cherche dans l'histoire des choses humai-, nes des sociétés qui aient accompli une pareille destinée. Que sont devenues tant de dynasties. royales? Combien dureront nos royaumes,

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