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LETTRE AUX ÉDITEURS

DU BIEN ET DU MAL QU'ON A DIT DES FEMMES.

Ce 24 décembre 1854.

Permettez-moi de souhaiter au Bien qu'on a dit des Femmes la fortune qu'a obtenue le Mal qu'on a dit des Femmes.

Cette fortune a été complète. Ce petit livre a eu pour lui les gens d'esprit, et contre lui les sots. Le suffrage des premiers l'a servi sans aucun doute, mais nous pensons que les attaques des seconds lui ont été pour le moins aussi utiles.

Quoi de plus propre à piquer la curiosité que le dénigrement brutal appliqué à une œuvre légère? On a jeté quelques pavés à votre mouche; cela n'a rien ôté à la légèreté de son vol, et les jeteurs de pavés en ont été pour leurs frais d'injures et de violences.

Qui aurait pu le penser ? Il s'est trouvé deux bons apôtres pour crier qu'un tel livre était un scandale, que cette œuvre innocente de curiosité littéraire, qui annonçait d'ailleurs qu'elle aurait un pendant, que le Bien qu'on a dit des Femmes serait publié après le Mal, était une œuvre de parti pris définitif contre tout le beau sexe.

Deux journaux, l'un à Gand, qui est l'Univers de cette ville, et l'autre à Paris, qui est le Pays, tous deux peu connus à Bruxelles, je l'avoue, se sont armés en guerre contre ce petit livre.

L'intérêt du journal de Gand est clair: il a voulu, comme son article l'indiquait assez maladroitement, du reste, battre sur le dos de votre livre les journaux libéraux qui avaient eu l'audace de le louer.

L'intérêt du Journal de l'Empire est plus clair encore. Les Français qui écrivent à Bruxelles, les professeurs qui viennent demander, dans notre ville, aux lettres et aux travaux de l'esprit le repos que la politique leur a enlevé, ces Français-là ne sauraient être ses amis. Ils sont sans doute moins embarrassés de ses injures qu'ils ne le seraient de ses éloges.

L'instrument des rancunes du journal dont il s'agit a été bien choisi, car cet instrument avait à se venger du peu de cas que l'anteur du Mal qu'on a dit des Femmes semblait avoir fait de sa prose. Il a eu la sottise de ne pas s'en taire, et sa déconvenue perce deux ou trois fois dans le courant de l'article dont nous signalons ici l'existence.

On lit dans cet article que, dans sa nomenclature des littérateurs de notre temps qui ont écrit contre les femmes, l'auteur en omet un assez grand nombre et des meilleurs...!

Quoi! on a omis des noms! et des meilleurs ! Quoi! il n'y a rien de M. Pierre Durand, par exemple, dans le

Mal qu'on a dit des Femmes ! M. Pierre Durand ne s'était pas fait faute d'en dire pourtant: il a fait des vaudevilles grivois, il a fait des articles de modes et d'étrennes pour tout le monde, il a fait des livres pour les villes de jeu et pour les hôtels des bords du Rhin. Est-ce que vous n'auriez donc pas trouvé dans ee beau bagage cinq ou six lignes à citer, de façon à désintéresser l'amour-propre de ce pauvre homme et à en faire un client de votre petit livre ?

Hélas! hélas ! vous l'eussiez pu sans doute, si votre auteur eût été un homme habile! Mais comment songer à tout, même à M. Pierre Durand? Comment songer surtout à ce qu'on ne connaît pas ? N'est-on pas excusable, quand on ne s'est jamais occupé que de belles-lettres, quand on a été tout simplement un des officiers les plus distingués de l'université de France, quand on a été une des grandes espérances, un des généraux de vingt ans de cette université, de n'avoir jamais su que cet important inconnu qui s'appelle M. Eugene Durand était de ce monde, et qu'il y tenait une plume? Non, on ne l'est pas, et c'est M. Pierre Guinot lui-même qui se chargera de vous le dire.

M. Pierre ou Eugène Guinot est l'homme, maniéré dans le lourd, que cachait le plébéien Durand, avant que Durand eût reçu son congé du Siècle.

Si quelques-uns de ces écrivains à part, dont M. Eugène Guinot est une des dernières, une des plus fatigantes expressions, qui sont les causeuses, les dames de compagnie, pour ne pas dire les portières de quelques journaux de France, qui leur racontent ce qui ne s'est pas passé dans un monde où ils ne sont jamais reçus, qui font pour déjeuner des articles aimés des tailleurs, pour diner des articles agréables aux couturières, pour souper des articles que recommandent les coiffeurs, si ces écrivains n'étaient pas

méchants incidemment, qu'est-ce qu'ils seraient? S'ils n'essayaient pas de faire du mal, en un mot, à ceux à qui ils n'ont aucun intérêt à faire du bien, qui est-ce qui saurait qu'ils existent? pourquoi existeraient-ils, et de quoi vivraient-ils ?

M. Eugène Guinot a voulu être mauvais; il l'a été, il a bien fait. J'espère pour vous qu'il ne restera pas en si bon chemin, et que son journal lui permettra de dire sur un autre air un peu de mal du Bien qu'on a dit des Femmes.

Quant au beau sexe, que M. Guinot semble vouloir compromettre, nous lui souhaitons d'autres chevaliers. Et cependant ce doit être un homme agréable que M. Guinot, et bien varié surtout ! Quand il ne dit pas aux femmes : «Vous êtes le beau sexe, »il leur dit : Vous êtes la plus belle moitié du genre humain, belles dames ! »>

Maintenant, si l'on désire savoir pourquoi je m'occupe, et pourquoi je vous occupe de M. Durand, il me sera aisé de répondre. Son article nous est tombé par grand hasard sous la main, à moi et à quelques amis. Il a inspiré à ceux qui l'ont lu un mouvement de dégoût qu'ils n'ont pu vaincre, et ils ont trouvé bon que l'auteur sût qu'écrire dans le Journal de l'Empire, non une critique, mais une diatribe contre l'œuvre impersonnelle (il s'agit d'une compilation, d'une œuvre d'érudition) d'un homme frappé par l'empire, que poursuivre ce vaincu jusque dans ses délassements littéraires, peut-être jusque dans son labeur nécessaire, c'est un haut fait auquel il faut infliger, pour tout châtiment, la plus grande publicité possible.

Si c'est à l'influence de l'air qu'on respire en Belgique, à l'influence de notre climat, raillé par M. Guinot, que nous devons cette honnêteté d'im

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