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terre des cailloux étincelants, et que Sèvres dore sa blanche argile. Elle médite nuit et jour de nouvelles parures, emploie sa vie à faire empeser ses robes, à chiffonner des fichus. Elle va se montrant brillante et fraîche à des inconnus dont les hommages la flattent, dont les désirs la charment, bien qu'ils lui soient indifférents. Les heures dérobées au soin d'elle-même et à la volupté, elle les emploie à chanter les airs les plus doux. C'est pour elle que la France et l'Italie inventent leurs délicieux concerts, et que Naples donne aux cordes une àme harmonieuse. Cette espèce, enfin, est la reine du monde, et l'esclave d'un désir.»

<< Est-il un homme,

dit encore Balzac,

un homme assez insouciant des mystères de l'amour, pour n'avoir pas, maintes fois, admiré le pas léger, menu, coquet, d'une femme qui vole à un rendez-vous? Elle se glisse à travers la foule comme un serpent sous l'herbe. Les modes, les étoffes et les piéges éblouissants tendus par les lingères, déploient vainement pour elle leurs séductions; elle va, elle va, semblable au fidèle animal qui cherche la trace invisible de son maître, sourde à tous les compli

ments, aveugle à tous les regards, insensible même aux légers froissements inséparables de la circulation humaine dans Paris. Oh! comme elle sent le prix d'une minute! Sa démarche, sa toilette, son visage, commettent mille indiscrétions.

» Mais, ò quel ravissant tableau pour le flàneur, et quelle page sinistre pour un mari, que la physionomie de cette femme, quand elle revient de ce logis secret sans cesse habité par son àme !... Son bonheur est signé jusque dans l'indescriptible imperfection de sa coiffure, dont le gracieux édifice et les tresses ondoyantes n'ont pas su prendre, sous le peigne cassé du célibataire, cette teinte luisante, ce tour élégant et arrêté que leur imprime la main sure de la camériste. Et quel admirable laisser aller dans la demarche Comment rendre ce sentiment qui répand de si riches couleurs sur son teint, qui ôte à ses yeux toute leur assurance, et qui tient à la mélancolie et à la gaieté, à la pudeur et à l'orgueil, par tant de liens ? »

« Ah! vous vous souvenez de ce moment lugubre et noir où, seul et souffrant, accusant les hommes, surtout vos amis; faible, découragé

el pensant à la mort, la tête appuyée sur un oreiller fadement chaud, et coucbé sur un drap dont le blanc treillis de lin s'imprimait douloureusement sur votre peau, vous promeniez vos yeux agrandis sur le papier vert de votre chambre muette; vous souvenez-vous, dis-je, de l'avoir vue entr'ouvrir votre porte sans bruit, montrer sa jeune, blonde tête, encadrée de rouleaux d'or et d'un chapeau frais, apparaître comme une étoile dans une nuit orageuse, sourire, accourir moitié chagrine, moitié heureuse, se précipiter vers vous?... »

XXII

Georges Roeder, allant un peu sur les brisées de Balzac, s'écrie:

« Une femme distinguée!

>> Un étranger pourrait croire qu'il s'agit d'une femme sérieuse, d'un caractère sûr, d'un esprit droit, juste, sensé, ingénieux, bienveillant, élevé même; d'une femme attachée à son mari, à ses devoirs, dévouée à ses enfants...

» Voici le formulaire convenu de la distinction:

> En fait, une femme distinguée doit avoir d'abord des extrémités, non pas seulement trèsfines, mais d'une petitesse qui va pour les mains jusqu'à la disproportion et pour les pieds jusqu'à la mutilation.

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Au mépris des principes de la statuaire, elle doit avoir les chevilles extrêmement minces, minces à ce point que, si parfois elle sort à pied quand souffle le vent d'est, les vieillards qui la rencontrent doivent se mettre immédiatement à la suivre clopin-clopant, ce qui est une manie d'homme vénérable, mais avant tout le critérium le plus sûr et le plus indispensable de la cheville aristocratique.

» Les poignets sont d'une délicatesse analogue.

» On ne tient plus à ces tailles excessivement grêles dont on mourait, avec la poitrine noire et les hanches diaprées de durillons. Néanmoins, une femme dont la ceinture rappellerait la forme et l'ampleur de celle de la Vénus de Milo ou de Médicis, serait, de toute évidence, sous une robe contemporaine, affligée d'une taille épaisse, et, sous aucun prétexte, ne pourrait être distinguée.»

XXIII

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L'éloge de la beauté des femmes varie avec les pays, avec les climats. Chaque peuple conçoit la beauté à sa façon. « Demandez à ce crapaud ce que c'est que la beauté, — dit quelque part Voltaire, il vous répondra que c'est sa crapaude.» Philosophiquement, il y aurait quelque chose à répliquer; pratiquement, rien. Voltaire ne fait, du reste, que résumer Montaigne, qui sur le chapitre de la beauté s'exprime ainsi :

« Nous en fantasions les formes à notre poste. Turpis romano belgicus orc color 1.

Les Indes la peignent noire et basanée, aux lèvres grosses et enflées, au nez plat et large, et chargent de gros anneaux d'or le cartilage d'entre les naseaux pour le faire pendre jusques à la bouche; comme aussi la balièvre (lèvre d'en bas) de gros cercles enrichis de pierreries, si qu'elle leur tombe sur le menton, et est leur

↑ « Le teint belge dépare un visage romain. »

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