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jusque tant que j'aie renversé un de ces venants. Embrassant sa targe, il se précipite l'épée au poing sur les hommes d'armes de La Cerda, les charge, les met en fuite, en fait verser plusieurs les jambes contre monts, et rentre dans la forteresse après avoir accompli son vœu de chevalier.

Louis d'Espagne, n'espérant plus pouvoir emporter Hennebon, leva le siége, rejoignit Charles de Blois devant Aurai, et s'empara ensuite de Dinan et de Guérande. Après avoir saccagé cette dernière ville, il monte sur quelques vaisseaux marchands qu'il trouve dans le port, et ravage les côtes de la Basse-Bretagne. Descendu auprès de Quimperlé, il s'avance dans les terres. Mauny accourt, forme trois corps de ses troupes, et marche sur les pas de Louis. Inférieur en forces, Louis veut retourner au rivage, et rencontre le premier corps des Anglois qu'il défait; mais, environné par les deux autres corps et par des paysans bretons qui l'assaillent à coups de fronde, il est blessé. Il se débarrasse de la foule, laissant sur la place un neveu qu'il aimoit tendrement, et la plupart de ses soldats. Arrivé presque seul au bord de la mer, il trouve sa flotte entre les mains des archers de Mauny Il se jette dans une barque avec quelques compagnons. Mauny le suit sur la mer, toujours près de le saisir, ne

le pouvant jamais atteindre. Louis s'échoue au port de Rhedon, saute à terre, emprunte de petits chevaux et fuit de nouveau. A peine est-il débarqué que Mauny survient et se met à sa poursuite. La Cerda se sauve enfin dans les murs de Rennes avec la réputation d'un des meilleurs généraux et un des plus aventureux chevaliers de ce siècle.

Mauny regagna ses vaisseaux pour retourner à Hennebon; les vents contraires les forcèrent à faire côte aux environs de la Roche-Prion : Seigneurs, dit-il à ses amis, tout travaillé que je suis, j'irois volontiers assaillir ce fort chátel, si j'avois compagnie. Les chevaliers répondirent Sire, allez-y hardiment et nous vous suivrons jusqu'à la mort. Gérard de Maulain, qui défendoit la place, soutient l'assaut ; il blesse grièvement Jean de Bouteiller et Mathieu Dufresnoy qui avoient eu le plus de part à l'affaire de Quimperlé.

Or Girard de Maulain avoit un frère, René de Maulain, capitaine d'un autre petit fort, appelé Favet, à une lieue de là: René, ayant appris ce qui se passoit à la Roche-Prion, se met en campagne avec quarante hommes pour secourir son frère, rencontre les chevaliers blessés, les enlève et court les renfermer dans son donjon. Mauny quitte l'assaut pour aller à la recousse;

brûlant de délivrer Bouteiller et Dufresnoy, il essaie d'emporter le fort de Favet : nouveau siége, nouveau combat. Gérard de Maulain sort à son tour de la Roche-Prion, et vient rendre à son frère le service qu'il en avoit reçu. Mauny craint d'être enveloppé, abandonne Favet, et commence sa retraite. Chemin faisant, il aperçoit un autre castel au milieu d'une forêt. L'infatigable chevalier l'attaque, l'emporte, et va retrouver dans Hennebon la comtesse de Montfort, qui le festoya, baisa et accola de grand

courage.

Cependant Charles de Blois avoit pris Auray, Vannes et Carhaix : il assiége de nouveau dans Hennebon sa rivale. La place avoit été fortifiée. Les habitants se moquoient des machines qui d'abord leur avoient fait tant de peur : à chaque pierre qui partoit des balistes, ils essuyoient en gabant sur les créneaux l'endroit où le coup avoit porté. Ils crioient du haut des murs aux assaillants : « Allez chercher vos compagnons >> qui reposent aux champs de Quimperlé. »>

Ces railleries rendoient furieux La Cerda qui, non encore guéri de ses blessures, avoit rejoint Charles de Blois. Louis étoit Espagnol; ses ressentiments étoient terribles; il regrettoit amèrement le neveu qu'il avoit perdu à Quimperlé résolu de se venger, il prie Charles de

Blois, pour seule récompense de ses services, de lui accorder ce qu'il lui demanderoit. Du caractère le plus humain, d'une vertu si éminente qu'il fut honoré comme un saint après sa mort, Charles n'aimant pas la guerre, quoique né intrépide, poussé seulement aux combats par l'ambition de sa femme, Charles ne pouvoit deviner le guerdon que Louis alloit requérir : il lui donne imprudemment sa parole devant une foule de seigneurs.

Alors Louis d'Espagne lui dit Je vous prie que vous fassiez ici tantôt venir les deux chevaliers qui sont en votre prison du chastel de Favet. Cest à savoir messire Jean le Bouteiller et messire Hubert Dufresnoy, et me les donniez pour en faire ma volonté. C'est le don que je vous demande. Ils m'ont chassé, déconfit et blessé. Ils ont occis monseigneur Alphonse, mon neveu. Si ne m'en sais autrement venger, fors que je leur ferai les tétes couper devant leurs compagnons qui céans sont renfermés.

Messire Charles, qui de ce fut moult ébahy, lui dit : « Certes, les prisonniers vous donnerai volontiers, puisque demandez les avez, mais ce seroit grand' cruauté et bláme à vous si vous faisiez deux si vaillants hommes mourir, et auroient nos ennemis cause de faire ainsi aux

nótres, quand tenir les pourroient; car nous ne savons ce qui peut nous advenir de jour en jour. Pourquoi, cher sire et bon cousin, je vous prie que vous veuillez étre mieux avisé. »

Louis déclara que si Charles ne tenoit pas sa parole, il quitteroit à l'instant son service. La parole d'un chevalier étoit inviolable, et Charles, désespéré, fut obligé d'envoyer chercher les deux prisonniers. Il se les fit amener dans sa tente, et chercha encore, mais vainement, à détourner Louis de son dessein.

La nouvelle de ce qui se préparoit dans le camp françois parvint aux assiégés : Mauny fut saisi de douleur. Il assemble aussitôt un conseil; les chevaliers délibèrent; ils proposent une chose et puis une autre; ils ne savent quél parti prendre pour sauver Bouteiller et Dufresnoy. Gauthier parle le dernier : « Compagnons, ditil, ce seroit grand honneur à nous si nous pouvions délivrer nos frères d'armes. Si nous tentons l'aventure et que nous y succombions, le roi Edouard nous en louera, et ainsi feront tous pruds hommes qui pourront à l'avenir entendre parler de nous. Faisons donc notre devoir, chers seigneurs. On peut bien exposer sa vie pour sauver celle de si vaillants chevaliers.» Alors Mauny explique le projet qu'il a conçu. Tous jurent de l'exécuter.

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