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presse. Les imaginations audacieuses de Rabelais, le Traité de la Servitude volontaire de la Boétie, les Essais de Montaigne, la Sagesse de Charron, la République de Bodin, les écrits polémiques, le traité où Mariana va jusqu'à défendre le régicide, prouvent qu'on osa tout examiner. Comme la succession à la couronne étoit contestée, les catholiques, en se divisant à ce sujet, examinèrent hardiment les principes de la monarchie, et les protestants rêvèrent la république aristocratique. La liberté politique et religieuse eurent un moment pleine licence, en s'appuyant à la liberté de la presse, leur compagne ou plutôt leur mère. Mais cet horizon qui s'ouvrit un moment dans l'esprit humain, se referma tout à coup. La réaction qui suit l'action, quand l'action n'est pas consominée, précipita la France sous le joug.

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En résumé, les guerres civiles religieuses du seizième siècle, qui ont duré trente-neuf ans, ont engendré les massacres de la Saint-Barthélemy, ont versé le sang de plus de deux millions de François, ont dévoré près de trois milliards de notre monnoie actuelle, ont produit la saisie et la vente des biens de l'Eglise et des particuliers, ont fait périr deux rois de mort violente, Henri III et Henri IV, et commencé le procès criminel du premier de ces rois. La vérité religieuse quand elle

est faussée ne se livre à pas moins d'excès que la vérité politique lorsqu'elle a dépassé le but.

Maintenant je vais cesser de raconter les faits et les mœurs qui n'ont plus rien de caractéristique et de pittoresque. Les mœurs du dix-septième siècle, non les opinions, étoient à peu près celles qui précédèrent immédiatement l'époque révolutionnaire. Les François qui parlèrent la langue de Louis XIII, de Louis XIV et de Louis XV, sont si près de nous qu'il semble que nous les ayons vus vivants: il n'y a pas long-temps que sont morts des vieillards qui avoient connu Fontenelle; Fontenelle étoit né en 1657, et d'Espernon étoit mort en 1642. La veuve du duc d'Angoulême, fils naturel de Charles IX, ne trépassa que le 10 août 1715. Quelques réflexions générales sur les quatre règnes de la monarchie Absolue termineront cette Analyse raisonnée de notre histoire.

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LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV ET

LOUIS XVI.

De 1610 à 1793.

Le parlement conféra la régence et la tutelle de Louis XIII à Marie de Médicis. Sully (1611). se retire de la cour: il avoit payé deux cents

millions de dettes sur trente-cinq millions de revenu, et il laissa trente millions dans la Bastille. On ne sait pas que ce rigide et fastueux protestant, ministre habile d'ailleurs, qui vivoit dans sa retraite comme un dernier grand baron de l'aristocratie, déridoit ses graves loisirs en écrivant sur l'ancienne cour des Mémoires aussi orduriers que ceux de Brantôme.

Le duc de Mayenne meurt il n'entra jamais bien dans la Ligue et dans les complots de son frère, mais il avoit plus de bon sens que le Balafré, et cet esprit commun qui convient aux affaires.

Concini, marquis d'Ancre, et sa femme gouvernent Marie de Médicis. Brouilleries de cour; retraite des princes; petites guerres civiles mêlées de protestantisme (1614). Derniers États généraux du 17 octobre 1614. Le premier vote des Communes de France, lorsqu'elles furent appelées aux États par Philippe le Bel, pour s'opposer aux empiétements de Boniface VII, fut ainsi conçu : « Qu'il plaise au seigneur roi de garder >> la souveraine franchise de son royaume, qui » est telle que dans le temporel le roi ne recon>>noît souverain en terre, fors que Dieu. » Le dernier vote des Communes aux États de 1614 fut celui-ci :

«Le roi est supplié d'ordonner que les sei

>> gneurs soient tenus d'affranchir dans leurs >> fiefs tous les serfs.

Le premier vote du Tiers-État, sortant de la longue servitude de la monarchie Féodale, est une réclamation pour la liberté du roi; son dernier vote, au moment où il rentre dans l'esclavage de la monarchie Absolue, est une réclamation en faveur de la liberté du peuple : c'est bien naître et bien mourir. J'ai dit pourquoi la monarchie des États ne se put établir en France.

Richelieu, dont le génie, heureusement pour lui, n'étoit deviné de personne, est fait secrétaire 'd'état par la protection du maréchal d'Ancre.

que

Ce maréchal (1617) est arrêté par Vitry, et massacré par le peuple. Sa femme, qui eut la tête tranchée, dit le mot fameux Voltaire a un peu arrangé. Les biens du maréchal d'Ancre sont donnés à Luynes, favori de Louis XIII. Luynes avoit fait son chemin auprès du roi en élevant des pies-grièches. Mésintelligence entre Louis XIII et sa mère.

(1621) Guerre religieuse renouvelée par Rohan et Soubise. Les idées politiques s'étoient débrouillées dans la tête des protestants; ils vouloient faire de la France une république divisée en huit cercles.

Richelieu, devenu cardinal, entre au conseil (1624). Le maréchal de Luynes l'avoit protégé

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après le maréchal d'Ancre. Sa souplesse fit sa fortune, son orgueil sa gloire. Henriette de France, sœur de Louis XIII, épouse Charles I., roi d'Angleterre (1625).

L'an 1626 voit commencer les cabales contre le cardinal de Richelieu encouragées par Gaston, frère du roi, qui perdoit ses amis, et fuyoit toujours. Richelieu abaisse à la fois les grands, les huguenots et la maison d'Autriche. Tragique histoire du duc de Montmorency et de Cinq-Mars.

Toutes les libertés meurent à la fois, la liberté politique dans les États congédiés, la liberté religieuse par la prise de la Rochelle; car la force huguenote demeura anéantie, et l'Édit de Nantes ne fut que la conséquence de la disparition du pouvoir matériel des protestans. La liberté littéraire périt à son tour: on avoit passé de l'école naïve, simple, originale d'Amiot, de Rabelais, de Marot, de Montaigne, à l'école artificielle et boursoufflée de Ronsard. Malherbe rentra dans la première route : les sujets étrangers à nos mœurs et à nos croyances furent choisis de préférence. Alors s'éleva l'académie françoise, haute cour du classique qui fit comparoître devant elle, comme premier accusé, le génie de Corneille. Racine vint ensuite imposer aux lettres le despotisme de ses chefs-d'œuvre, comme Louis XIV le joug de sa grandeur à

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