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FRAGMENTS.

INVASION DE LA FRANCE PAR ÉDOUARD.

Ce siége fut fatal; il détermina Édouard à passer en France, et priva Philippe de cent mille hommes qui auroient pu se trouver à la bataille de Créci. Tout se préparoit alors dans les conseils de Dieu. «< Mais, dit le grave historien qui a le » mieux connu nos antiquités, les adversités ad>> venues à la France et les grandes victoires du » roi Édouard ne doivent persuader la justice » de sa querelle, mais être estimées châtiment >> des vices des François. La restitution des pertes >> et conservation de l'état jusqu'à présent mani>> festent que ce n'a été ruine. »>

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Le duc de Normandie avoit fait serment de ne point abandonner le siége d'Aiguillon que ville ne fût prise, à moins que son père ne le rappelât. Il fit partir le connétable d'Eu et Tancarville, pour rendre compte à Philippe de la résistance qu'il éprouvoit. Philippe retint auprès de lui ces deux seigneurs, et fit dire à son fils de continuer le siége jusqu'à ce qu'il obligeât la ville à se rendre par la famine, puisqu'il ne la pouvoit emporter de force.

Cependant le roi d'Angleterre, instruit de ce

qui se passoit en Guyenne, se préparoit à secourir en personne le comte Derby. Il assembla, dans le port de Southampton, mille vaisseaux, quatre mille hommes d'armes, dix mille archers, seize mille hommes d'infanterie légère, dont dix mille étoient Gallois et six mille Irlandois: il laissa le gouvernement de l'Angleterre aux archevêques de Cantorbury et d'York, aux évêques de Lincoln et de Durham, et aux seigneurs de Percy et de Neville; il donna la garde particulière de la reine au comte de Kent, son cousin. Le vent étant devenu favorable, Édouard, vers la fin du mois de juin de l'an 1346, fit voile avec toute son escadre pour les côtes de Gascogne.

Il avoit auprès de lui, sur son vaisseau, Geofroy d'Harcourt et le jeune prince de Galles qui entroit dans sa quinzième année. Les autres seigneurs embarqués étoient les comtes d'Hereford, de Northampton, d'Arundel, de Cornouailles, de Warwick, de Huntingdon, de Suffolck et d'Oxford. Parmi les barons et chevaliers, on comptoit Jean Louis et Roger de Beauchamp, Renauld de Cobham, les sires de Mortimer, de Mowbray, de Roos, de Lucy, de Felton, de Bradestan, de Moulton, de Man, de Basset, de Berkley et de Willoughby. D'autres combattants, qui devinrent dans la suite célèbres, Jean Chandos, Fitz-Warren, Pierre

et James d'Audelay, Roger de Wettevalle, Barthélemy de Burgherst, Richard de Pembridge, étoient aussi à bord de la Navée, au simple rang de bacheliers. Il faut encore compter quelques étrangers, Oulphart de Ghistelle, du pays de Hainaut, et cinq ou six chevaliers d'Allemagne.

Pendant deux jours les vaisseaux firent bonne route vers le port qu'ils cherchoient : s'ils eussent entré dans la Gironde, la France étoit sauvée, et la France devoit être perdue. Celui qui commande à la mer fit cesser le vent par qui la flotte sembloit être favorisée; il en envoya un autre qui la refoula violemment sur la Cornouailles; on jeta l'ancre. Édouard attendit, implora le retour de la première brise, ne se doutant pas que la tempête qui soulevoit alors son pavillon le menoit à la victoire.

Nous avons dit que Geofroy d'Harcourt étoit embarqué sur la Nef royale; il n'avoit jamais été d'avis d'attaquer la France du côté de la Guyenne, trop éloignée du centre de notre empire, et défendue, comme province frontière, par une multitude de châteaux; quelque chose sembloit avoir fait à ce traître la révélation de la colère du ciel : rien de plus intelligent que la vengeance et la haine. Quand Harcourt vit la flotte repoussée aux côtes d'Angleterre, il profita de cet accident pour ébranler la résolution d'Édouard. « Sire,

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>> lui dit-il, je vous ai toujours conseillé et je vous >> conseille encore de prendre terre en Normandie. >> Personne ne s'opposera à votre descente. Depuis long-temps les peuples de ce canton sont >> sans armes, et ils n'ont jamais vu la guerre. >> Toute la noblesse de la province est au siége » devant Aiguillon. Vous trouverez un pays ou» vert, rempli de grosses villes non fermées où » vos soldats s'enrichiront pour vingt ans. Je vous >> supplie de m'écouter, et je réponds du succès » sur ma tête. »

L'oreille du roi s'inclina à ce conseil. Edouard ordonne de lever l'ancre; lui-même veut servir de pilote; il passe avec son vaisseau à la tête de la flotte, et fait tourner la proue vers les côtes de la Normandie. Des calamités de cent années furent le fruit de l'inspiration d'un moment et du changement des vents dans le ciel.

Les François, qui tant de fois portèrent le ravage dans les contrées étrangères, alloient à leur tour sentir l'abomination de la conquête : depuis l'invasion des Normands, ils n'avoient point vu les ennemis dans le cœur de leur pays, et voilà qu'après quatre siècles un Normand leur ramenoit la désolation. Les mille vaisseaux anglois parurent devant La Hogue-Saint-Wast en Cotentin. Couvert de ses armes, entouré de ses chevaliers, Édouard, monté sur son grand vais

seau qui précédoit tous les autres, déployoit au vent les couleurs de l'Angleterre; elles étoient blanches alors, et nous portions le rouge. Il aborde sans obstacles, comme Geofroy d'Harcourt le lui avoit prédit, au port de La Hogue, le 12 juillet 1346. Près du cap de ce nom, de ce nom, les François, sous le règne de Louis XIV, versèrent leur sang pour remettre un monarque anglois sur le trône de ses pères.

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La terre de Saint-Sauveur, qui appartenoit à Geofroy d'Harcourt, s'étendoit jusqu'à La Hogue. Du bord des vaisseaux anglois, Harcourt découvroit le lieu même de sa naissance, et les rivages remplis des souvenirs de sa jeunesse. En montrant à Édouard le pays qu'il alloit ravager, il pouvoit lui dire : « Voilà la tour de l'église où » j'ai été baptisé; voilà le donjon du château où

j'ai été nourri: là vos soldats pourront désho»norer le lit de ma mère; ici, déterrer les os de » mes aïeux. »

Quand Geofroy mit le pied sur la grève, comment put-il voir sans être ému les paysans fuir devant lui dans ces mêmes champs où il avoit passé son enfance, par ces mêmes chemins qui le conduisoient au toît paternel? Un historien représente Rome disant à Manlius Capitolinus; « Manlius, je t'ai regardé comme le plus cher » de mes fils, quand tu renversas les ennemis

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