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l'humanité; le philosophe abjura son stoïcisme et ses sophistiques subtilités; le physicien renonça à ses atômes ; l'astrologue cessa de chercher la terre dans le ciel; le statuaire brisa ses dieux à moitié achevés, et les arts tous ensemble vinrent rendre hommage à la Religion.

Mais, avant que cette grande révolution fût accomplie, comme si cette civilisation matérielle, ce peuple de statues, ces palais plus somptueux que des temples, ces temples remplis de divinités créées par les arts, tout ce monde, qui semblait le monde des sciences séparées de Dieu, eût été coupable de quelque grand crime, une punition inouïe, un baptême de sang mêlé de cendres lui fut infligé.

Le nord vomit du fond de ses vieilles forêts une race barbare, dont on ne peut expliquer naturellement la barbarie. Elle se constitua l'ennemie personnelle, non-seulement des hommes, mais des choses. Naturellement on préfère les douceurs de la vie aux rudes fatigues, aux travaux accablans; on aime tout ce qui peut procurer aisance, plaisir, sensualité, repos. Les palais superbes, les appartemens somptueux, invitent, pour ainsi dire, d'eux-mêmes, à se reposer au milieu d'eux, et captivent par un charme irrésistible. Rien de semblable dans ces hommes du nord le contact de la civilisation, du luxe et des douceurs de la vie, semble les avoir rendus plus féroces: après avoir tué les hommes, ils coupent la tête, les mains, les pieds aux statues; ils aiment à précipiter une colonne de sa base, à voir crouler une coupole, à lacérer un tableau. A côté d'une cabane qu'ils conservent, le palais superbe, le dôme élevé sont abaissés jusqu'au sol; ils jettent le feu dans les villes, et eux, sur les débris épars et les cendres brûlantes, ils se mettent à couvert sous une misérable tente, ou dorment en face du ciel. Oh! qui pourra nous dire ce qu'avaient fait aux Barbares ces statues, ces temples, ces palais, ces villes entières, qui se donnaient à eux avec tout leur luxe et les embellissemens de tous les arts? Que la Science y fasse attention; il n'y a jamais eu de guerre déclarée contre elle, que lorsqu'elle s'est trouvée séparée de Dieu.

C'en était fait de la science, fait de la civilisation, de la langue, des lois, de la littérature ancienne, des monumens des lettres et des arts, si la Religion ne fût venue au secours de la

L

Science. Mais alors apparurent tout à coup et comme par miracle des hommes dont la douce voix fut plus puissante que celle des prétoriens et de la milice romaine, et le bâton pastoral plus fort que la terrible épée seuls ils ne plièrent pas devant les Barbares, seuls ils ne se résignèrent pas à l'ignorance. Tandis qu'au dehors tout disparaissait, que la religion civile, les rites, les mœurs, les coutumes étaient violemment interrompus et mis en quelque sorte tout vivans au tombeau, et que toute l'ancienne civilisation avec les arts allait périr, alors la Religion appela à elle la Science, et la reçut dans son sanctuaire, seul asile inviolable.

C'est là que, tandis que tout était ignorance, barbarie, féro

cité au dehors, dans le silence et en secret se préparaient les bases sur lesquelles devait être construit le nouvel état social. Étonnant spectacle! comme si les sciences avaient eu besoin d'être régénérées par la pénitence des excès auxquels elles s'étaient prostituées, c'étaient des prêtres austères, de fer vens cénobites, de ces chrétiens qui disaient qu'il n'y a qu'une chose nécessaire, qui prêchaient que la science enfle, qui faisaient profession de ne savoir qu'une chose, Jésus et Jésus crucifié ; c'étaient ces hommes qui nous conservaient les annales licencieuses de la mythologie païenne, la langue du cirque et de forum. Ces poésies d'Horace, qui avaient été composées au milieu des délices de Tibur, arrosées de vin de Falerne, et couronnées des fleurs de Tivoli, étaient transmises à la postérité par le travail assidu d'un jeune novice au cœur pur et candide, qui ne s'approchait d'elles que le corps exténué de jeûnes et de macérations, les reins couronnés d'un cilice, la figure pâle, comme si les copistes avaient dû expier les crimes des auteurs qu'ils transcrivaient. Mais la Religion, en agissant ainsi, voulait nous conserver les annales du monde, et nous montrer les hommes tels qu'ils ont existé.

Nous le demandons, où étaient alors les savans et les sages, qui avaient si long-tems élevé leurs pensées contre Dieu ? Ils avaient disparu, dispersés comme une feuille légère qu'emporte un vent d'orage? Et à quoi bon les reproches continuels d'ignorance qu'on ne cesse de faire aux chrétiens, et en particulier au clergé ? S'il existait quelque connaissance du passé, s'il était

un historien, un poète, un philosophe, un savant en science quelconque, c'était dans l'église ou dans le cloitre, parmi les hommes de jeûne, de pénitence, les hommes qui approchaient plus près de l'autel, qu'il fallait le chercher. Lettré ou clerc, savant ou prêtre, étaient devenus termes synonymes. C'est ainsi que du fond du sanctuaire sortirent peu tous les arts. L'éloquence latine et grecque, l'histoire, la littérature, l'architecture, la jurisprudence, la science de la guerre, toutes ces connaissances sortirent des cloîtres qui en avaient été les gardiens, et se montrèrent de nouveau au monde, pures et régénérées.

peu

Alors au milieu de cette société chrétienne belle de vérité, riche de vertus, se manifeste tout d'un coup le désir et la résolution subite d'imiter et de surpasser, s'il était possible, tout ce que l'antiquité avait produit de plus parfait en fait d'arts et de science. Avertis et guidés par les ouvrages sauvés par les prêtres, soutenus par les encouragemens des pontifes, éclairés de ces inspirations sublimes que la Religion sait communiquer à ceux qui travaillent pour elle, bientôt les Michel-Ange, les Raphaël parurent, Saint-Pierre de Rome s'éleva, tous les arts furent remis en honneur; et avant la fin du 17° siècle, les modernes n'eurent plus rien à envier aux ànciens.

Nous connaissons les reproches que l'on fait au 17° siècle, et nous convenons qu'il y en a plusieurs de bien fondés; pourtant s'il est quelqu'un qui l'admire, et quelqu'autre qui le regarde avec regret, ils sont très-excusés à nos yeux, par le spectacle touchant que présente dans ce siècle l'union intime qui existait entre la religion et toutes les branches des connaissances humaines. Alors Pascal était en même-tems grand géomètre, profond penseur et dévot, et Bossuet portait le nom de philosophe.

Cependant cette union ne fut pas de longue durée. Il n'entre point dans le plan de cet article de rechercher quelles furent les causes de ce divorce. Nous aurions probablement des reproches à adresser aux deux partis, et en ce moment c'est une histoire que nous analysons, ce sont des faits fâcheux que nous voulons rappeler, c'est une demande en conciliation que nous désirons proposer. Le fait est que peu à peu la Science se sé

para de nouveau de la Religion. A peine émancipée, encore tout nouvellement sortie de ses bras, elle méconnut sa mère, refusa son appui, rougit de son origine, et se ligua contre elle. Par je ne sais quelle pensée de faux orgueil, elle se sépara de Dieu en haine de quelques hommes, où peut-être se sépara-t-elle de quelques hommes en haine de Dieu. Alors il ne fut pas une connaissance, pas un peuple, pas un monument ancien ou récent que l'on ne tournât contre Dieu. L'histoire de la religion, sa littérature, son langage, ses dogmes, sa morale, ses cérémonies, ses vierges qui veillaient continuant la prière, le prêtre perpétuant le sacrifice, le sacrifice et la victime même, tout devint l'objet du mépris, des railleries et des sarcasmes de ceux qui se donnaient pour amis de la science....

Et qu'avaient-ils donc découvert, ces savans? Qu'avaient-ils inventé, pour renier ainsi tout un héritage de Dieu, toute une existence de l'humanité? Qui le droirait? Nous touchons encore à ces tems, et cependant je vais dire des choses incroyables.

Le nom de Dieu fut effacé de l'ouvrage des six jours. Les traditions du genre humain furent délaissées; la Science, rompant violemment la chaîne qui lie le présent au passé, voulut tout inventer et tout refaire.... Et cependant, si dans la suite des siècles écoulés, il avait existé un faux sage, un faux savant, qui, sur cet univers, sur l'âme, sur Dieu, eût imaginé quelque système auquel il ne croyait pas lui-même, quelque opinion qui souvent l'avait fait chasser de sa cité, et traiter de fou par les gens sensés de son pays, eh bien ! c'est ce que les savans du 18 siècle essayèrent de réchauffer et de persuader aux peuples. Oh! non, il ne faut plus redire aujourd'hui tout ce que les puissans d'alors, les Lamétrie, les d'Argens, les Talliamed, les Voltaire, les Rousseau, les Reynal, les Buffon, les d'Alembert, les Diderot, et ces écrivains dégoûtans d'athéisme, les d'Holback, les Neigeon, les Lalande, et toute la troupe de leurs imitateurs, nous ont donné de systèmes, d'explications, d'opinions nouvelles sur Dieu, l'âme, le tems, l'éternité, l'origine et la fin de l'homme, la société, ses fondemens, son origine, la religion, ses dogmes et sa morale. Non, la Science elle-même a rougi de ses adeptes. Laissons les morts dormir dans leur sé

pulcre; sur cette génération, sur ses œuvres, ses pensées, ses théories et ses systèmes, a coulé un fleuve de sang. Car, bientôt une nouvelle punition fut infligée à la Science séparée de Dieu. La hache terrible, le couteau sanglant, les proscriptions, les prisons, les bûchers, les tortures reparurent; et guerre fut faite aux arts et aux sciences.... Quoi donc? le nord ouvrit-il ses antres, et vomit-il de nouveau des hordes de barbares? Non, la Religion avait changé ses forêts en campagnes fertiles, et ses féroces habitans en chrétiens. Mais au milieu de l'état le plus poli et le plus civilisé, s'éleva une génération, ennemie d'abord de Dieu et de la Religion, ensuite des hommes et puis des choses. Elle se montra irritée contre les arts, les sciences, les lettres, les livres, les vieux parchemins, les immenses bibliothèques, les grands ouvrages, les statues, les temples, les solennités religieuses, les noms antiques, contre tout ce qui jusqu'alors avait tenté l'estime et le cœur des hommes. Ne nous appesantissons pas sur ces crimes; cette génération, désavouée par ses pères, qui auraient rougi d'elle, condamnée par ses descendans même, qui, tout en acceptant son héritage, repoussent toute idée de parenté, semble, là, dans notre histoire, sans père, sans enfans, comme un monstre que Dieu aurait jeté du haut du ciel sur une terre coupable. Remarquons seulement comment les sciences et les arts furent persécutés au moment où ils s'étaient le plus élevés contre la religion.

Aujourd'hui, nous savons bien ce qui manque à notre siècle, combien la foi est rare, les croyances chancelantes, les idées vagues; nous connaissons l'indifférence et le dédain que notre génération affecte pour la religion, la haine dont elle poursuit l'autorité; certes, nous ne voulons pas exalter le siècle, et plus d'une fois nous aurons occasion de faire un juste procès à sa science; cependant ne l'accusons pas plus qu'il ne le mérite, séparons sa cause de celle des philosophes du dernier siècle. Car si la jeunesse présente est philosophe, ce serait une erreur de croire qu'elle l'est à la manière du 18° siècle; la plupart de ses utopies font rire nos jeunes savans. Il est bien encore, surtout en province, quelques vieux lecteurs, ou quelques jeunes gens à peine sortis de l'école, qui jurent encore au nom de Voltaire et de Rousseau, mais en général il n'est pas de per

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