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nouillés sur le Saint-Sépulcre, voient dans l'état actuel de Jérusalem, l'accomplissement de toutes les prophéties, et comme le sceau des vérités dont ils sont dépositaires. Ces lieux sont mortels pour l'incrédulité, et l'on comprend que nos philosophes ont eu raison d'en interdire la visite à leurs adeptes. Leur scepticisme aurait pu en être ébranlé. »

Ainsi s'exprime un philosophe moderne.

Nous sommes donc assurés d'intéresser vivement nos lecteurs, en leur faisant parcourir ces lieux où sont empreintes, en caractères ineffaçables, les preuves encore vivantes de la véracité de nos livres, de la certitude de notre foi. Jadis nos pères, ces hommes remplis d'énergie religieuse, se dérobant aux douceurs de leur foyer domestique, poussés par un invincible désir de voir, pour ainsi dire, leur Dieu de plus près, entreprenaient le saint pélerinage à travers les dangers et les privations de tous genres; pour nous, enfans raisonneurs et faibles de ces chrétiens forts et fidèles, donnons au moins quelque attention au récit des voyageurs qui nous mettent devant les yeux le tableau de ces contrées consacrées par la présence de notre Dieu.

Deux voyageurs célèbres ont parcouru tout récemment la Palestine, M. le vicomte de Châteaubriand et M. le comte de For bin 1. Comme nous ne pourrions donner des analyses détaillées des deux ouvrages, sans nous répéter souvent, nous suivrons plus particulièrement la relation de M. de Forbin, qui est la dernière; nous aurons soin cependant d'emprunter au premier les magnifiques passages dans lesquels il a dépeint ces lieux avec des paroles que l'on chercherait vainement chez tout autre écrivain',

1

L'ouvrage de M. de Châteaubriand est intitulé: Itinéraire descriptif de Paris à Jérusalem, etc : 3 vol. in-8°. Celui de M. de Forbin: Voyage dans le Levant en 1817 et 1818; 1 vol. in-8°.

Nous aurons bientôt des détails nouveaux à donner sur la Palestine:

deux voyageurs la parcourent en ce moment. M. Michand de l'Académie française, et M. Poujoulat, qui nous a promis d'enrichir notre recueil de quelques-unes de ses observations. Nos lecteurs connaissent déjà ce jeune écrivain par l'article sur les monastères qui ont conservé les auteurs profanes au moyen âge, inséré dans notre Numéro 2, tom. I, p. 93.

M. de Forbin s'embarqua à Toulon le 22 août, et arriva à Jaffa le 15 novembre 1817, après avoir visité Athènes, le Bosphore, Smyrne, les ruines d'Ephèse, Saint-Jean-d'Acre, Ascalon et Césarée. Notre plan ne nous permet pas de le suivre dans la Grèce ni dans l'Asie-Mineure, quoiqu'il ait consacré à des lieux célèbres des pages pleines d'élégance et d'intérêt. Écoutons plutôt le récit de sa visite sur la terre natale du Sauveur.

L'illustre voyageur vient de quitter Césarée.

«Nous primes la route de Jaffa, dit-il, en suivant le rivage de la mer; on enfonce dans un sable dont la blancheur fatigue la vue, et ce n'est qu'assez près de la ville que l'on trouve tout à coup d'énormes figuiers, des fontaines, des orangers et des tombeaux. La ville de Jaffa, que les Arabes nomment Yafa, s'appelait autrefois Joppé; ce qui peut signifier belle: pulchritudo et decor. Ce fut là que Noé entra, dit-on, dans l'arche sainte; on assure que ce patriarche y est enseveli.

» Nous partimes pour Rama à trois heures après-midi. J'y arrivai de nuit.... Pour se rendre à Jérusalem il faut traverser, pendant deux ou trois milles, des plaines assez bien cultivées, celles de l'ancienne Arimathie et de Lydda. Le soleil levant éclairait notre route. J'arrivai aux collines de Latroun. «Voilà, me dit le drogman, la patrie du mauvais larron... ' On pénètre ensuite dans des vallées profondes: la végétation devient faible, rare; elle cesse enfin tout-à-fait : les pieds ne foulent plus jusqu'à dé-, rusalem, qu'un sol inégal, rougeâtre et ingrat; l'oeil ne découvre au loin que des éboulemens immeuses, les lits de torrens desséchés, et des chemins tortueux, couverts de pierres aiguës. Des citernes détruites, au fond desquelles séjourne une eau ver

* 1 M. de Chateaubriand, dans un mémoire qu'il a placé en tête de son Itinéraire, établit d'une manière rigoureuse la preuve des traditions de la Terre-Sainte. Ensèbe de Césarée décrit les lienx saints, tels à peu près que nous les connaissons aujourd'hui. Saint Jérôme, dans une lettre écrite il y a 1426 ans, fait une description des stations, qui ne diffère guère de celles que nous en donnent aujourd'hui les voyageurs; long. tems avant cette époque, les pélerinages à Jérusalem avaient lieu de l'Inde, de la Bretagne et de l'Éthiopie; depuis ils n'ont pas cessé jusqu'à re jour. Certes, dit l'illustre écrivain dans ce mémoire, une antiquité de quatorze siècles est une belle et imposante antiquité.

daire; des montagnes nues, escarpées : voilà la vallée de Térébinthe, voilà ce qui prépare l'âme à l'impression forte et terrible de l'apparition de Jérusalem.

» Le soleil allait se coucher, quand, du haut d'une montagne où je suivais un chemin pierreux, que deux murailles séparaient d'avec des champs tout couverts aussi de cailloux, j'aperçus enfin de longs remparts, des tours, de vastes edifices environnés d'une terre aride et de pointes de rocher noircies et comme brûlées par la foudre.

» C'était Jérusalem.

» În voyait çà et là quelques chapelles ruinées, le mont Sion, et plus loin la chaîne décharnée des montagnes de l'Arabie déserte. Émus, pénétrés d'une terreur involontaire, nous saluâmes la ville sainte, dont la première vue fait autant d'effet sur les sens que l'existence et la dispersion du peuple Juif peuvent en produire sur l'esprit.

Rapprochons cette description et ces émotions, de celles du célèbre anteur du Génie du Christianisme.

« Quand on voyage dans la Judée, d'abord un grand ennni saisit le cœur; mais lorsque passant de solitude en solitude, l'espace s'étend sans bornes devant vous, peu à peu l'ennui se dissipe, on éprouve une terreur secrète, qui, loin d'abaisser l'âme, donne du courage et élève le génie. Des aspects extraordinaires décèlent de toutes parts une terre travaillée par des miracles: le soleil brûlant, l'aigle impétueux, le figuier stérile, toute la poésie, tous les tableaux de l'Écriture, sont là. Chaque ́ nom renferme un mystère : chaque grotte déclare l'avenir; chaque sommet retentit des accens d'un prophète. Dieu même a parlé sur ces bords: les torrens desséchés, les rochers fendus, les tombeaux entr'ouverts, attestent le prodige; le désert paraît encore muet de terreur, et l'on dirait qu'il n'a osé rompre le silence depuis qu'il a entendu la voix de l'Éternel....

» Nous nous enfonçâmes dans un désert où des figuiers sauvages, clairsemés, étalaicht au vent du midi leurs feuilles noircies. La terre qui jusqu'alors avait conservé quelque verdure, se dépouilla, les flancs des montagnes s'élargirent, et prirent à la fois un air plus grand et plus stérile. Bientôt toute végétation cessa: les mousses mêmes disparurent. L'amphithéâtre des montagnes se teignit d'une couleur rouge et ardente. Nous gravimes pendant une heure ces régions attristées, pour atteindre un col élevé que nous voyious devant nous. Parvenus à ce passage, nous

» La porte de Bethléem ou d'Ephraïm, par laquelle notre carayane fit son entrée, est peu éloignée du couvent des Pères de la Terre-Sainte, qui nous reçurent avec la charité la plus soigneuse. Ils habitent une maison immense, dont la porte, basse, écrasée, garnie de fer, est toujours ouverte aux pélerins, à tout ce qui souffre, et toujours insultée par les Musulmans. Ensuite, après avoir passé sous des voûtes, on entre dans une cour intérieure, où des escaliers sombres et détournés conduisent à plusieurs cloitres et à l'église. C'est là que de courageux solitaires combattent chaque jour contre les persécutions des Turcs, la haine des Grecs et les souvenirs de la patrie. J'entendais tous ces hommes, venus de pays si différens, confondre leurs voix avec celle de l'habitant d'Israël. Un religieux qui avait autrefois exercé avec habileté les arts de l'Europe, jouait de l'orgue; et l'encens fumait dans ce lieu, où retentissent encore les paroles du Dieu d'Horeb et de Sinaï.

» Je n'essaierai point de peindre Jérusalem après le grand écrivain dont la plume brillante et animée en a fait un si admirable tableau. Il est difficile de voir la Palestine sous un autre

cheminâmes pendant une autre heure sur un plateau nu semé de pierres roulantes. Tout à coup, à l'extrémité de ce plateau, j'aperçus une ligne de murs gothiques flanqués de tours carrées, et derrière lesquels s'élevaient quelques pointes d'édifices...Le guide s'écria: «EL-CODS! LA SAINTE (Jérusalem): et il s'enfuit au grand galop.

»Je conçois maintenant ce que les historiens et les voyageurs rapportent de la surprise des croisés et des pélerins, à la première vue de la cité sainte... Je restai les yeux fixés sur Jérusalem, mesurant la hauteur de ses murs, recevant à la fois tous les souvenirs de l'histoire, depuis Abraham jusqu'à Godefroy de Bouillon, pensant au monde entier changé par la mission du Fils de l'Homme, et cherchant vainement ce Temple dont il ne reste pas pierre sur pierre. Quand je vivrais mille ans, jamais je n'oublierai ce désert, qui semble respirer encore la grandeur de Jehovah, et les épouvantemens de la mort. » Itinéraire,

M. de Chateaubriand dit ailleurs, en parlant de Jérusalem : « Je ne savais trop ce que j'apercevais; je croyais voir un amas de rochers brisés; l'apparition subite de cette cité des désolations au milieu d'une soJitude désolée, avait quelque chose d'effrayant; c'était véritablement la reine du désert. » Ibid.

aspect que M. de Chateaubriand, et impossible d'en parler après lui.»

On nous permettra d'interrompre ici le fil de la narration de M. de Forbin, pour y placer la description dont il parle.

« Les maisons de Jérusalem sont de lourdes masses carrées, fort basses, sans cheminées et sans fenêtres; elles se terminent en terrasses aplaties ou en dômes, et elles ressemblent à des prisons ou à des sépulcres. Tout serait à l'œil d'un niveau égal, si les clochers des églises, les minarets des mosquées, les cimes de quelques cyprès et les buissons de nopals, ne rompaient l'uniformité du plan. A la vue de ces maisons de pierres renfermées dans un paysage de pierres, on se demande si ce ne sont pas là les monumens confus d'un cimetière au milieu d'un désert ? Entrez dans la ville, rien ne vous consolera de la tristesse extérieure : vous vous égarez dans de petites rues non pavées, qui montent et descendent sur un sol inégal, et vous marchez dans des flots de poussière, ou parmi des cailloux roulans. Des toiles jetées d'une maison à l'autre augmentent l'obscurité de ce labyrinthe; des bazars voûtés et infects achèvent d'ôter la lumière à la ville désolée; quelques chétives boutiques n'étalent aux yeux que la misère; et souvent même ces boutiques sont fermées, dans la crainte du passage d'un cadi. Personne dans les rues, personne aux portes de la ville; pour tout bruit dans la cité déicide, on entend par intervalles le galop de la cavale du désert: c'est le Jannissaire qui apporte la tête du Bédouin, ou qui va piller le Fellah.

» Au milieu de cette désolation extraordinaire, il faut s'arrêter un moment pour contempler des choses plus extraordinaires encore. Parmi les ruines de Jérusalem, deux espèces de peuples indépendans trouvent dans leur foi de quoi surmonter tant d'horreurs et de misères. Là, vivent des religieux chrétiens que rien ne peut forcer à abandonner le tombeau de Jésus-Christ, ni spoliations, ni mauvais traitemens, ni menaces de la mort. Leurs cantiques retentissent nuit et jour autour du Saint-Sépulcre. Dépouillés le matin par un gouverneur turc, le soir les retrouve au pied du calvaire, priant au lieu où Jésus-Christ souffrit pour le salut des hommes. Leur front est serein, leur bouche est riante. Ils reçoivent l'étranger avec joie. Sans forces et sans

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