Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Mais jusqu'en ces pays où tout vit de pillage,
Chez l'Arabe et le Scythe, elle est de quelque usage;
Et du butin acquis en violant les lois,

C'est elle entre eux qui fait le partage et le choix.

Mais allons voir le vrai jusqu'en sa source même.
Un dévot aux yeux creux, et d'abstinence blême,
S'il n'a point le cœur juste, est affreux devant Dieu.
L'Évangile au chrétien ne dit en aucun lieu

Sois dévot: elle dit: Sois doux, simple, équitable. 1
Car d'un dévot souvent au chrétien véritable
445 La distance est deux fois plus longue, à mon avis,
Que du pôle antarctique au détroit de Davis."

Encor par ce dévot ne crois pas que j'entende

des finances, né en 1653, mort sous-doyen du conseil le 2 de septembre 1720. Ce magistrat a été en rapport avec les hommes les plus distingués du règne de Louis XIV. - Jean-Paul Bignon, abbé de Saint-Quentin, doyen de l'église collégiale de Saint-Germain-l'Auxerrois, des Académies française, des sciences et des inscriptions, bibliothécaire du roi, doyen des conseillers d'État, né à Paris en septembre 1662, mort à l'Isle-Belle-sous-Melun, le 14 de mars 1743. Outre ses mémoires dans le Journal des savants, on a de lui: Lettre... touchant la vie et la mort du P. François Levesque, prêtre de l'Oratoire. Paris, Petit, 1684, in-12, et la première partie d'un roman : les Aventures d'Abdalla, fils d'Anix. Il fut le protecteur de Tournefort, qui lui témoigna sa reconnaissance en donnant son nom à la famille des Bignoniacées. Henri-François Daguesseau, chancelier de France, né à Limoges, le 27 de novembre 1668, mort à Paris le 9 de février 1751. Ses œuvres ont été recueillies pour la première fois à Paris, 1759-1789, 13 volumes in-4°. (M. CHÉRON.)

1. Boileau est le seul poëte qui ait jamais fait évangile féminin. On ne dit point la sainte Évangile, mais le saint Évangile. Ces inadvertances échappent aux meilleurs écrivains. Il n'y a que des pédants qui en triomphent.» (VOLTAIRE.) — Le critique se trompe; le genre d'évangile a été longtemps féminin. « M. Joli (évêque d'Agen) prêcha à l'ouverture (de l'assemblée du clergé en 1675); mais comme il ne se servit que d'une vieille évangile et qu'il ne dit que de vieilles vérités, son sermon parut vieux. » (Mme de SÉVIGNÉ, Lettres, 14 juin 1675.)

2. Détroit sous le pôle arctique, près de la Nouvelle-Zemble. (Boileau, 1713.) John Davis, célèbre navigateur anglais, découvrit, en août 1585, le détroit qui a conservé son nom.

Tartufe, ou Molinos et sa mystique bande:

J'entends un faux chrétien, mal instruit, mal guidé,

120 Et qui, de l'Évangile en vain persuadé,

N'en a jamais conçu l'esprit ni la justice;

Un chrétien qui s'en sert pour disculper le vice; 2
Qui toujours près des grands, qu'il prend soin d'abuser,
Sur leurs foibles honteux sait les autoriser,

125 Et croit pouvoir au ciel, par ses folles maximes,
Comblés de sacrements 3 faire entrer tous les crimes;
Des faux dévots pour moi voilà le vrai héros.

Mais, pour borner enfin tout ce vague propos,
Concluons qu'ici-bas le seul honneur solide,
130 C'est de prendre toujours la vérité pour guide:
De regarder en tout la raison et la loi ;

D'être doux pour tout autre, et rigoureux pour soi;
D'accomplir tout le bien que le ciel nous inspire ;
Et d'être juste enfin ce mot seul veut tout dire.
135 Je doute que le flot des vulgaires humains

1. Molinos. Voir satire X. La mystique bande de Molinos, c'étaient les quiétistes.

2. Dans une lettre du 18 juillet 1701, Brossette écrivait à Boileau sur ce portrait : « Je ne vous demande rien sur celui-là, car je pense avoir attrapé l'original que vous copiez, et à qui vous levez le masque. Je crois bien que je ne me trompe pas dans ma conjecture. » Le silence de Brossette nous laisse dans l'ignorance. Peut-être Despréaux ne faisait-il qu'un portrait fort général des directeurs et des confesseurs complaisants. Racine fait dire à Mathan, le conseiller des rois :

J'étudiai leur cour, je flattai leurs caprices;
Je leur semai de fleurs le bord des précipices;
Près de leurs passions rien ne me fut sacré.

3. L'édition de 1701 in-4o, suivie par presque tous les éditeurs de Boileau, donne ce vers ainsi : Avec le sacrement... M. Berriat-Saint-Prix a rectifié cette leçon en profitant d'un carton de l'édition in-12 de 1701 où Boileau, à l'âge de soixante-cinq ans, fit cette heureuse correction. - SaintMarc, Daunou, Saint-Surin ont ignoré ce changement qui donne au vers une tournure poétique et hardie.

A ce discours pourtant donne aisément les mains, 1
Et, pour t'en dire ici la raison historique,

Souffre que je l'habille en fable allégorique.

2

Sous le bon roi Saturne, ami de la douceur, 140 L'honneur, cher Valincour, et l'équité, sa sœur, De leurs sages conseils éclairant tout le monde, Régnoient, chéris du ciel, dans une paix profonde. Tout vivoit en commun sous ce couple adoré : Aucun n'avoit d'enclos ni de champ séparé. * 145 La vertu n'étoit point sujette à l'ostracisme,3 Ni ne s'appeloit point alors un jansénisme." L'honneur, beau par soi-même, et sans vains ornements, N'étaloit point aux yeux l'or ni les diamants; Et, jamais ne sortant de ses devoirs austères,

1. Les commentateurs blâment un flot qui donne les mains, ils n'ont pas tort. Molière a dit aussi :

2.

Pourvu que votre cœur veuille donner les mains
Au dessein que j'ai fait de fuir tous les humains.

(Misanthrope, acte V, scène dernière.)
Ne signare quidem aut partiri limite campum
Fas erat, in medium quærebant...

(VIRGILE, Géorgiques, livre I, v. 126-127.)

Quum furem nemo timeret

Caulibus et pomis, sed aperto viveret horto.

(JUVENAL, satire VI, v. 17-18.)

3. Loi par laquelle les Athéniens avoient droit de reléguer tel de leurs citoyens qu'ils vouloient. (BOILEAU, 1713.)

4. Toutes les éditions publiées du vivant de Boileau, celle de 1713, et même celle de Brossette, portent :

Ni ne s'appeloit point alors un

5. Boileau s'est imité lui-même :

Et, sans mêler à l'or l'éclat des diamants,

Cueille en un champ voisin ses plus beaux ornements.

(Art poétique, chant II, v. 3-4.)

L'honneur est représenté dans des médailles antiques sous la figure d'un jeune homme, qui porte d'une main la haste de la divinité, et de l'autre, la corne d'abondance. (BROSsette.)

150 Maintenoit de sa sœur les règles salutaires.
Mais une fois au ciel par les dieux appelé,
Il demeura longtemps au séjour étoilé.

Un fourbe cependant, assez haut de corsage,
Et qui lui ressembloit de geste et de visage,
15 Prend son temps, et partout ce hardi suborneur
S'en va chez les humains crier qu'il est l'honneur;
Qu'il arrive du ciel, et que, voulant lui-même
Seul porter désormais le faix du diadème, ·
De lui seul il prétend qu'on reçoive la loi.
Abo A ces discours trompeurs le monde ajoute foi.
L'innocente équité, honteusement bannie,
Trouve à peine un désert où fuir l'ignominie.
Aussitôt sur un trône éclatant de rubis

2

L'imposteur monte, orné de superbes habits. 165 La hauteur, le dédain, l'audace l'environnent;

Et le luxe et l'orgueil de leurs mains le couronnent.
Tout fier il montre alors un front plus sourcilleux.3
Et le Mien et le Tien, deux frères pointilleux,

1. Prend son temps, syllabes vives et qui coupent bien le vers. (LB BRUN.)

2. L'imposteur monte, encore une coupe de vers heureuse.

3. Ce mot vient du latin supercilium, par lequel les Latins, à l'exemple des Grecs, exprimaient l'orgueil, l'arrogance et la morgue. On lit dans Corneille (Victoires du roi, en 1667):

[merged small][ocr errors]

Pouvez-vous regretter ces démarches pompeuses,
Ces fastueux dehors, ces grandeurs sourcilleuses?

Lors du mien et du tien, nasquirent les procez,

A qui l'argent départ bon ou mauvais succez.

Le fort battit le foible, et luy livra la guerre.

De là l'ambition fist envahir la terre,

Qui fut, avant le temps que survindrent ces maux,
Un hospital commun à tous les animaux;

Quand le mary de Rhée, etc.

(REGNIER, satire VI, v. 115-121.)

Mien, tien; ce chien est à moi, disoient ces pauvres enfants; c'est là

Par son ordre amenant les procès et la guerre,

En tous lieux de ce pas vont partager la terre;

En tous lieux, sous les noms de bon droit et de tort,
Vont chez elle établir le seul droit du plus fort.

Le nouveau roi triomphe, et, sur ce droit inique,
Bâtit de vaines lois un code fantastique;

45 Avant tout aux mortels prescrit de se venger,

L'un l'autre au moindre affront les force à s'égorger,
Et dans leur âme, en vain de remords combattue,
Trace en lettres de sang ces deux mots : « Meurs » ou « tue.1 »
Alors, ce fut alors, sous ce vrai Jupiter,

so Qu'on vit naître ici-bas le noir siècle de fer.

Le frère au même instant s'arma contre le frère;
Le fils trempa ses mains dans le sang de son père:
La soif de commander enfanta les tyrans,

2

Du Tanaïs au Nil porta les conquérants;

485 L'ambition passa pour la vertu sublime;

Le crime heureux fut juste et cessa d'être crime.
On ne vit plus que haine et que division,

Qu'envie, effroi, tumulte, horreur, confusion."

ma place au soleil. Voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre. » (PASCAL.) - «Le premier qui ayant enclos un terrain s'avisa de dire: Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux et comblant le fossé, eût crié à ses semblables: Gardez-vous d'écouter cet imposteur, vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n'est à personne. » (J.-J. ROUSSEAU.)

1.

Va contre un arrogant éprouver ton courage;

Ce n'est que dans le sang qu'on lave un tel outrage;
Meurs ou tue...

(CORNEILLE, Le Cid, acte I, scène viii.)

2. Le Tanais est un fleuve du pays des Scythes. (BOILEAU, 1713.)

[blocks in formation]
« ZurückWeiter »