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C'est ainsi que chez toi tu sauras m'attacher.

160 Heureux si les fâcheux, prompts à nous y chercher,
N'y viennent point semer l'ennuyeuse tristesse !

Car, dans ce grand concours d'hommes de toute espèce,
Que sans cesse à Bâville attire le devoir,

Au lieu de quatre amis qu'on attendoit le soir, 165 Quelquefois de fâcheux arrivent trois volées, Qui du parc à l'instant assiégent les allées.

Alors, sauve qui peut : et quatre fois heureux
Qui sait pour s'échapper quelque antre ignoré d'eux!

Avide d'ennoblir tes tranquilles discours,

De chercher, tu l'as dit, sous quelque frais ombrage,
Comme en un Tusculum, les entretiens du sage,

Un concert de vertu, d'éloquence et d'honneur,

Et quel vrai but conduit l'honnête homme au bonheur.
Ainsi donc ce jour-là, venant de ta fontaine,

Nous suivions au retour les étangs et la plaine,

Nous foulions lentement ces doux prés arrosés, etc., etc.
(SAINTE-BEUVE, Pensées d'août.)

ÉPITRE VII. 1

A M. RACINE. 2

Que tu sais bien, Racine, à l'aide d'un acteur, 3 Émouvoir, étonner, ravir un spectateur!

1. Composée en 1677.

2. Jean Racine, né à la Ferté-Milon en 1639, reçu à l'Académie française en 1673, mort le 22 avril 1699. Les comédiens de l'hôtel de Bourgogne avaient représenté la Phèdre de Racine le premier jour de l'année 1677; deux jours après, Pradon fit représenter la sienne sur le théâtre de la troupe du roi. Le duc de Nevers, la duchesse de Bouillon, sa sœur, qui n'aimaient pas Racine, n'oublièrent rien de ce qui pouvait procurer un succès brillant à son rival. Quelque mauvaise que fût sa tragédie, elle parut avec éclat et se soutint pendant quelque temps. Enfin le public ouvrit les yeux. La Phèdre de Pradon tomba dans un mépris si général, qu'on ne l'a plus osé faire paraitre depuis. Mais Racine éprouva un grand chagrin de cette injustice, et renonça au théâtre. Cette épître a pour objet de le consoler. Voici le sonnet qui courut dans Paris à l'occasion de la Phedre de Racine. Il était de Mme Deshoulières, on l'attribua d'abord au duc de Nevers. Voir notre Vie de Boileau, tome 1er.

Dans un fauteuil doré, Phèdre tremblante et blême
Dit des vers où d'abord personne n'entend rien :
Sa nourrice lui fait un sermon fort chrétien
Contre l'affreux dessein d'attenter sur soi-même.

Hippolyte la hait presque autant qu'elle l'aime :
Rien ne change son cœur ni son chaste maintien.
La nourrice l'accuse; elle s'en punit bien :
Thésée a pour son fils une rigueur extrême.

Une grosse Aricie, au teint rouge, aux crins blonds,
N'est là que pour montrer deux énormes

Que malgré sa froideur Hippolyte idolâtre.

Il meurt enfin, traîné par ses coursiers ingrats ;

Et Phèdre, après avoir pris de la mort aux rats,
Vient, en se confessant, mourir sur le théâtre.

3. Montrons encore l'ineptie de Pradon par la critique suivante : « A

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Jamais Iphigénie, en Aulide immolée, 1

N'a coûté tant de pleurs à la Grèce assemblée, 5 Que dans l'heureux spectacle à nos yeux étalé2 En a fait sous son nom verser la Champmêlé. 3 Ne crois pas toutefois, par tes savants ouvrages,

3

4

l'aide d'un acteur n'est pas une belle expression. Il semble qu'on crie à l'aide, comme la populace. Secours eût été plus noble et plus naturel; par malheur il ne pouvoit entrer dans ce vers. » (PRADON.)

1. Iphigénie fut représentée en 1674. — Le sacrifice de la fille d'Agamemnon et de Clytemnestre avait été mis à la scène par Euripide. Le grec, dans cet auteur, porte έv Avλtôt, à Aulis. L'Aulide n'était pas une province, Aulis n'était qu'une bourgade, ayant un port sur l'Euripe entre l'Eubée et la Béotie. 2. Etaler se dit quelquefois dans le sens de faire paraitre sur le théâtre, mais il s'y ajoute toujours une idée d'éclat et de solennité. «Ces beautés... ont fait leur effet en ma faveur, mais je me ferois scrupule d'en étaler de pareilles à l'avenir sur notre théâtre. » (CORN., Cid, exam.)

Voulez-vous sur la scène étaler des ouvrages

Où tout Paris en foule apporte ses suffrages?

(BOILEAU, Art poet., 11.)

3. Célèbre comédienne. (BOILEAU, 1713.) Marie Desmares, fille d'un président au parlement de Rouen, née dans cette ville en 1644, morte à Auteuil en 1698. Elle épousa un acteur du théâtre de Rouen, Charles Chevillet, sieur de Champmeslé, et débuta avec lui, en 1669, au théâtre du Marais, à Paris; ils passèrent de là au théâtre de l'hôtel de Bourgogne, puis sur celui de la rue Guénégaud. On sait que la Champmeslé fut aimée de Racine. (M. CHÉROV.) Racine avait pris les plus grands soins pour la former. Il lui apprenait ses rôles et notait chacune des inflexions de voix qu'elle devait prendre. Ce fut à ses conseils qu'elle dut son talent et sa réputation. Louis Racine dit dans ses Mémoires qu'elle ne fut plus la même quand elle eut perdu son maître, « et que, venue sur l'âge, elle poussoit de grands éclats de voix, qui donnèrent un faux goût aux comédiens. » — « On a dit de Me Champmeslé qu'elle avait la voix des plus sonores, et que, lorsqu'elle déclamait, si l'on avait ouvert la loge du fond de la salle, sa voix aurait été entendue dans le café Procope. » (SAINTE-BEUVE, Causeries du Lundi, t. Ier.) Elle joua Hermione, Bérénice, Roxane, Monime, Iphigénie et Phèdre.

4. Savants, bien composés, fruit d'un art supérieur et consommé. Horace applique l'épithète doctus au poëte tragique Pacuvius :

Aufert

Pacuvius docti famam senis. Accius alti.

(Livre II, ép. I, v. 55.) Note de M. Ch. AUBERTIN, édit. clas. BELIN.

Entraînant tous les cœurs, gagner tous les suffrages.
Sitôt que d'Apollon un génie inspiré

10 Trouve loin du vulgaire un chemin ignoré

1

En cent lieux contre lui les cabales s'amassent;
Ses rivaux obscurcis autour de lui croassent : 1
Et son trop de lumière, importunant les yeux,
De ses propres amis lui fait des envieux;
La mort seule ici-bas, en terminant sa vie,
Peut calmer sur son nom l'injustice et l'envie; 2
Faire au poids du bon sens peser tous ses écrits,

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(PINDARE, Olympiques, II, v. 157-159.)

« Je ne doute point que le public ne soit étourdi et fatigué d'entendre, depuis quelques années, de vieux corbeaux croasser autour de ceux qui, d'un vol libre et d'une plume légère, se sont élevés à quelque gloire par leurs écrits. » (LA BRUYÈRE, Discours à l'Académie françoise, préface.)

Or, à présent que le Parnasse

Est vilainement infesté,

Ce n'est plus qu'un mont déserté

Où maint et maint corbeau croasse.

(LA FARE à Rousseau.)

2.

Virtutem incolumem odimus,

Sublatam ex oculis quærimus invidi.
(HORACE, liv. III, ode XXIV, v. 31-32.)

Comperit invidiam supremo fine domari.
Urit enim fulgore suo qui prægravat artes
Infra se positas; exstinctus amabitur idem.

(HORACE, liv. II, ép. I, v. 12-14.)

At mihi quod vivo detraxerit invida turba,
Post obitum duplici fœnore reddet honos.
Omnia post obitum fingit majora vetustas;
Majus ab exequiis nomen in ora venit.

(PROPERCE, liv. III, élégie I, v. 21-24.)

Pascitur in vivis livor, post fata quiescit,
Quum suus ex merito quemque tuetur honos.

(OVIDE, Amours, liv. I, élégie XV, v. 39-40.)

Et donner à ses vers leur légitime prix.

Avant qu'un peu de terre, obtenu par prière,
20 Pour jamais sous la tombe eût enfermé Molière, 1
Mille de ces beaux traits, aujourd'hui si vantés,
Furent des sots esprits à nos yeux rebutés.
L'ignorance et l'erreur à ses naissantes pièces,
En habits de marquis, en robes de comtesses,

2

1. Molière étant mort (le 15 février 1673), les comédiens se disposoient à lui faire un convoi magnifique; mais M. de Harlay, archevêque, ne voulut pas permettre qu'on l'inhumât. (En sa qualité de comédien Molière étoit soumis à l'excommunication.) La femme de Molière alla sur-le-champ à Versailles se jeter aux pieds du roi pour se plaindre de l'injure que l'on faisoit à la mémoire de son mari en lui refusant la sépulture. Mais le roi la renvoya en lui disant que cette affaire dépendoit du ministère de M. l'archevêque, et que c'étoit à lui qu'il falloit s'adresser. Cependant Sa Majesté fit dire à ce prélat qu'il fit en sorte d'éviter l'éclat et le scandale. M. l'archevêque révoqua donc sa défense, à condition que l'enterrement seroit fait sans pompe et sans bruit. Il fut fait par deux prêtres qui accompagnèrent le corps sans chanter; et on l'enterra dans le cimetière qui est derrière la chapelle de saint Joseph, dans la rue Montmartre. Tous ses amis y assistèrent, ayant chacun un flambeau à la main. La Molière s'écrioit partout : « Quoi! l'on refusera la sépulture à un homme qui mérite des autels!» (BROssette.)

2. Molière s'en est bien vengé dans la Critique de l'École des femmes, scène III:

URANIE. Quel est donc CLIMÈNE. Il y a plus de trois URANIE. Comment?

CLI

CLIMÈNE. Hé! de grâce, ma chère, faites-moi vite donner un siége. URANIE, à Galopin. Un fauteuil promptement. CLIMENE. Ah! mon Dieu! URANIE. Qu'est-ce donc? CLIMENE. Je n'en puis plus. URANIE. Qu'avez-vous? - CLIMENE. Le cœur me manque. URANIE. Sont-ce des vapeurs qui vous ont pris? CLIMENE. Non. URANIE. Voulez-vous qu'on vous délace? · CLIMENE. Mon Dieu, non. Ah! votre mal, et depuis quand vous a-t-il pris? heures, et je l'ai rapporté du Palais-Royal. MÈNE. Je viens de voir, pour mes péchés, cette méchante rapsodie de l'Ecole des femmes. Je suis encore en défaillance du mal de cœur que cela m'a donné, et je pense que je n'en reviendrai de plus de quinze jours... CLIMENE. Ah! mon Dieu! que dites-vous là? Cette proposition peut-elle être avancée par une personne qui ait du revenu en sens commun? Peut-on impunément, comme vous faites, rompre en visière à la raison? Et, dans le vrai de la chose, est-il un esprit si affamé de plaisanterie, qui puisse tâter des fadaises dont cette comédie est assaisonnée? Pour moi, je vous

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