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CHANT II.

1

Telle qu'une bergère, 1 au plus beau jour de fête, De superbes rubis ne charge point sa tête,

Et, sans mêler à l'or l'éclat des diamants,

Cueille en un champ voisin ses plus beaux ornements : Telle, aimable en son air, mais humble dans son style, Doit éclater sans pompe une élégante idylle.2

1. Le Journal des Savants, février 1723, a cru découvrir dans ce vers une faute considérable de langue en ce que la phrase n'est susceptible d'aucune construction... telle qu'une bergère, c'est comme si l'on disait... telle qu'est une bergère; il s'ensuit que pour rendre la phrase correcte, il faut que le substantif soit suivi de qui. — Quand on ne pourrait pas répondre avec la grammaire qu'après tel que, la proposition se construit d'une manière pleine et séparée; puis on répète tel devant une autre proposition également complète (Gram. franç. de P.-A. Lemaire, p. 193), on voit par l'usage constant de nos poëtes que cette construction est autorisée par une double ellipse. Malherbe a dit :

Tel qu'à vagues épandues

Marche un fleuve impétueux,
De qui les neiges fondues

Rendent le cours furieux, etc.

Tel, et plus épouvantable
S'en alloit ce conquérant,

A son pouvoir indomptable

Sa colère mesurant.

2. Idylle (en grec zibútov, petit tableau, diminutif d'eidos), petit poëme dont le sujet est ordinairement pastoral ou relatif à des objets champêtres. - L'églogue, ouvrage de poésie pastorale où l'on introduit des bergers qui conversent ensemble. Il n'y a aucune différence fondamentale entre les églogues et les idylles. Toutefois, si l'on veut accepter la légère distinction que l'usage semble avoir établie, l'églogue veut plus d'action et de mouvement les églogues de Virgile. L'idylle peut ne contenir que des peintures, des sentiments, des comparaisons champêtres; Mme Deshoulières a fait de jolies idylles. » (É. LITTRÉ, Dict. de la langue française.)

Son tour simple et naïf n'a rien de fastueux,
Et n'aime point l'orgueil d'un vers présomptueux.
Il faut que sa douceur flatte, chatouille, éveille,
Et jamais de grands mots n'épouvante l'oreille.1
Mais souvent dans ce style un rimeur aux abois,
Jette là, de dépit, la flûte et le hautbois;
Et, follement pompeux, dans sa verve indiscrète,
Au milieu d'une églogue entonne la trompette. 2

1. Desmarets, Pradon, Saint-Marc, Condillac ont relevé dans ce morceau si orné, si délicat et si fin, toutes sortes de fautes de sens et de goût; on ne partage pas leur sentiment. Ce passage reste digne de toutes sortes d'éloges, et Marmontel a été bien inspiré quand il a dit : « Lorsque Despréaux a peint l'idylle comme une bergère en habit de fête, il l'a parfaitement définie telle que nous la concevons; une simplicité élégante en fait le mérite: elle ne mêle point les diamants à sa parure; mais elle a un chapeau de fleurs.» (Élém. de litt.)

« Un quatrain de l'ode burlesque de Scarron, Héro et Leandre, a pu fournir à Boileau l'image qui donne tant de charme à ces vers:

Avec l'émail de nos prairies,

Quand on le sait bien façonner,
On peut aussi bien couronner
Qu'avec l'or et les pierreries.

«Si on ajoute à ce rapprochement ces vers de Segrais :

Telle que se fait voir, de fleurs couvrant sa tête,
Une blonde bergère, un beau jour d'une fête,

on aura une juste idée de l'art de Boileau dans l'imitation qu'il sait rendre originale. » (GÉRUZEZ, OEuvres poétiques de Boileau.)

2. A l'exception de Racan et de Segrais, chez qui l'on trouve quelques vers élégants empreints d'une poésie champêtre, tous les écrivains du XVIIe siècle ont échoué dans ce genre. Il faut se souvenir de ces vers de Racan pour justifier Boileau des éloges qu'il lui donne le poëte parle de l'homme qui vit dans la retraite :

Il voit de toutes parts combler d'heur sa famille;
La javelle à plein poing tomber sous la faucille,
Le vendangeur ployer sous le faix des paniers,
Et semble qu'à l'envi les fertiles montagnes,
Les humides vallons et les grasses campagnes
S'efforcent à remplir sa cave et ses greniers.

Il ne faut pas non plus oublier les vers suivants de Ménage pour com

De
De peur de l'écouter, Pan fuit dans les roseaux;
Et les Nymphes, d'effroi, se cachent sous les eaux.
Au contraire cet autre, abject en son langage,

Fait parler ses bergers comme on parle au village. Ses vers plats et grossiers, dépouillés d'agrément, 2 Toujours baisent la terre, et rampent tristement:

25

On diroit que Ronsard, sur ses « pipeaux rustiques,
Vient encor fredonner ses idylles gothiques,
Et changer, sans respect de l'oreille et du son,
Lycidas en Pierrot, et Philis en Toinon.1

Entre ces deux excès la route est difficile. 2

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prendre la justesse de cette critique. Le poëte, dans son églogue adressée à
Christine, reine de Suède, fait dire à Ménalque :

Un jour qui n'est pas loin ses superbes armées
Joindront à ces lauriers les palmes idumées,
Et l'on verra périr l'infidèle croissant

A l'aspect lumineux de cet astre naissant.

Mais sache encor, Daphnis, que sa main adorable,
En adresse, en valeur, à nulle autre semblable,
Au milieu de la guerre et dans les champs de Mars,
Cultive les vertus et fait fleurir les arts.
Son esprit grand et vaste embrasse toute chose,
Et l'histoire, et la fable, et les vers et la prose.
Elle sait des métaux les nobles changements;
Des globes azurés les divers mouvements, etc.

1. Ronsard, dans ses églogues, appelle Henri II, Henriot; Charles IX, Carlin; Catherine de Médicis, Catin; etc. Il emploie aussi les noms de Margot, Pierrot, Michau, et autres semblables. (BROSSETTE,) - Là n'est pas le plus grand mal, tous ces noms diminutifs n'avaient rien de bas et d'indécent; mais ces personnages n'ont rien de naif et de champêtre, leurs conversations sont bien éloignées du ton pastoral. Margot et Catin y célèbrent la science profonde de Turnèbe et de Vatable. Du reste, Vauquelin de la Fresnaye n'approuvait pas l'emploi de ces noms. Il dit dans l'avertissement de ses Idillies et Pastoralles que « les noms de Guillot, de Pierrot, Mario, au lieu de Tyrsis, Tytire, Lycoris, ne contentent pas assez son opinion. »

2. Si l'on en croit le Bolæana, Despréaux disait que l'églogue était un genre de poésie où notre langue ne pouvait réussir qu'à demi, que presque tous nos auteurs y avaient échoué et n'avaient pas seulement frappé à la porte de l'églogue; qu'on était fort heureux quand on pouvait attraper quelque chose de ce style comme Racan et Segrais. Notre temps, plus favorisé que celui de Boileau et que le xvin siècle, a vu chez nous un poëte

Suivez, pour la trouver, Théocrite et Virgile: 1

Que leurs tendres écrits, par les Grâces dictés,

2

Ne quittent point vos mains, jour et nuit feuilletés. 2 Seuls, dans leurs doctes vers, ils pourront vous apprendre 30 Par quel art sans bassesse un auteur peut descendre; Chanter Flore, les champs, Pomone, les vergers; Au combat de la flûte animer deux bergers,

pastoral qui sut unir la vérité de Théocrite et l'élégance de Virgile au sentiment profond de la nature. Ces vers d'André Chénier me paraissent répondre aux vœux de Boileau :

Mon visage est flétri des regards du soleil ;
Mon pied blanc sous la ronce est devenu vermeil;
J'ai suivi tout le jour le fond de la vallée;
Des bêlements lointains partout m'ont appelée :
J'ai couru, tu fuyais sans doute loin de moi:
C'était d'autres pasteurs. Où te chercher, ô toi

Le plus beau des humains? Dis-moi, fais-moi connaître
Où sont donc tes troupeaux, où tu les mènes paître ?...
(Idyl. VII, Lyde.)

Et encore ceux-ci :

Je sais quand le midi leur fait désirer l'ombre,
Entrer à pas muets sous le roc frais et sombre,
D'où, parmi le cresson et l'humide gravier,

La Naïade se fraie un oblique sentier.

Là j'épie à loisir la nymphe blanche et nue,

Sur un banc de gazon mollement étendue,

Qui dort, et sur sa main, au murmure des eaux,
Laisse tomber son front couronné de roseaux.

1. Théocrite naquit à Syracuse, vécut à la cour des rois d'Alexandrie et mourut vers 280 avant Jésus-Christ. Ses idylles resteront comme le modèle le plus parfait de ce genre de poésie. Virgile l'a beaucoup imité en donnant à son tour moins de naïveté et plus d'élégance.

Molle atque facetum

Virgilio annuerunt gaudentes rure camœnæ.

Vauquelin de la Fresnaye dit que Théocrite

2.

Mourant, sa musette à Corydon laissa
Corydon, Mantouan, qui depuis la haussa
D'un ton si haut qu'enfin les forêts chevelues
Des consules romains dignes furent rendues.

Vos exemplaria græca

Nocturna versate manu, versate diurna.

(HORACE, Art poétique, v. 268-269.

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