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4/0 Que ses discours, partout fertiles en bons mots,
Soient pleins de passions finement maniées,
Et les scènes toujours l'une à l'autre liées.
Aux dépens du bon sens gardez de plaisanter:
Jamais de la nature il ne faut s'écarter.

4/5 Contemplez de quel air un père dans Térence 1
Vient d'un fils amoureux gourmander l'imprudence;
De quel air cet amant écoute ses leçons,

Et court chez sa maîtresse oublier ces chansons. Ce n'est pas un portrait, une image semblable; 420 C'est un amant, un fils, un père véritable.

J'aime sur le théâtre un agréable auteur
Qui, sans se diffamer aux yeux du spectateur,
Plaît par la raison seule, et jamais ne la choque.
Mais pour un faux plaisant, à grossière équivoque,*

425 Qui, pour me divertir, n'a que la saleté,

Qu'il s'en aille, s'il veut, sur deux tréteaux monté, 3
Amusant le Pont-Neuf de ses sornettes fades,

Aux laquais assemblés jouer ses mascarades.

3

1. Voyez Simon dans l'Andrienne, et Demée dans les Adelphes. (BotLEAU, 1713.) — S'il faut en croire Monchesnay, Boileau estimait Térence par-dessus tous les auteurs comiques. Cf. Bolœana, p. 48-50.

2. Les commentateurs appliquent ce vers à Montfleuri le fils, auteur de la Femme juge et partie. Ils ajoutent cependant que Colbert, entendant réciter ce morceau de l'Art poétique, s'écria: « Voilà Poisson. » (DAUNOU.) — « Colbert ne pouvoit souffrir ce comédien depuis qu'un jour, faisant le rôle d'un bourgeois, il avoit paru sur le théâtre en pourpoint et en manteau noir, avec un collet de point et un chapeau uni; enfin avec un habillement conforme en tout à celui de M. Colbert, qui, par malheur, étoit présent, et qui crut que Poisson vouloit le jouer, quoique cela fût arrivé sans dessein. Poisson, qui s'en aperçut, changea quelque chose à son habillement dans le reste de la pièce; mais cela ne satisfit point M. Colbert.» (BROssette.)

3. « A la manière des charlatans qui jouoient leurs farces à découvert et en plein air au milieu du Pont-Neuf. Autrefois c'étoit près de la porte de Nesle, dans la place où l'on a bâti le collége Mazarin. » (BRøssette.)

CHANT IV.'

Dans Florence jadis vivoit un médecin,
Savant hâbleur, dit-on, et célèbre assassin.
Lui seul y fit longtemps la publique misère :2
Là le fils orphelin lui redemande un père;
5 Ici le frère pleure un frère empoisonné. 3
L'un meurt vide de sang, l'autre plein de séné;
Le rhume à son aspect se change en pleurésie,
Et par lui la migraine est bientôt frénésie."

1. « Dans ce dernier chant, qui n'est pas le plus riche, et que des idées générales remplissent presque tout entier, un intérêt profond résulte encore de la sagesse des maximes, de la noblesse des sentiments, et de la dignité du style. Despréaux nous peint l'inquiète vanité qui mendie les éloges, la perfide complaisance qui les prodigue, la folle présomption qui croit les avoir mérités. Il veut que la vertu, loi souveraine des écrits comme des actions, proscrive à jamais du Parnasse la basse jalousie et la sordide cupidité. En un mot, il nous entretient des mœurs du poëte, et son langage est à la fois celui d'un poëte et d'un homme de bien. » (DAUNOU.)

2. La publique misère. La place de l'adjectif n'est pas indifférente dans un vers. « La publique m'sère est bien, dit Lebrun, surtout après l'avoir fait précéder de lui seul. C'est par un semblable artifice que Racine a dit : De l'absolu pouvoir vous ignorez l'ivresse.»

3.

(Athalie, IV, 111.)

Ici la fille en pleurs lui redemande un père;

Là, le frère effrayé pleure au tombeau d'un frère.

(VOLTAIRE, Henriade, ch. IV, v. 185-186.)

4. Ancien terme de médecine. État de délire, de fureur, qui survient dans quelques maladies de l'encéphale. Aujourd'hui, par extension, il désigne un fol emportement né d'une cause quelconque et comparé à la frénésie du malade. Rac. lat. phrenesis, du grec pv, pensée, et diaphragme, parce qu'une ancienne physiologie plaçait la pensée dans la région du diaphragme: trouble, maladie de la pensée. (E. LITTRÉ, Dict. de la langue française.)

Il quitte enfin la ville, en tous lieux détesté.
10 De tous ses amis morts un seul ami resté
Le mène en sa maison de superbe structure :
C'étoit un riche abbé, fou de l'architecture.
Le médecin d'abord semble né dans cet art,
Déjà de bâtiments parle comme Mansart :1
15 D'un salon qu'on élève il condamne la face;
Au vestibule obscur il marque une autre place;
Approuve l'escalier tourné d'autre façon."
Son ami le conçoit et mande son maçon.

1

1. François Mansart, célèbre architecte, élève de Germain Gauthier, d'une famille originaire d'Italie; né à Paris en 1598, mort en 1666. Il restaura l'hôtel de Toulouse, le château de Berny, le château de Blois, commença le Val-de-Grâce et construisit Sainte-Varie de Chaillot; son neveu et son élève Jules Hardouin, qui prit le nom de Mansart et fut surintendant des bâtiments du roi, naquit à Paris en 1645 et mourut en 1708. On lui doit les châteaux de Marly, du Grand-Trianon, de Clagny, de Versailles, la maison de Saint-Cyr, la place Vendôme, la place des Victoires, le dôme des Invalides. Comme il n'était pas encore célèbre en 1674, il est probable que Boileau parle ici de François Mansart. (M. CHÉRON.)

2. « Un doute que j'avois marqué à l'auteur sur la netteté de ce vers l'engagea à m'écrire ce qui suit: « Comment pouvez-vous trouver une équi« voque dans cette façon de parler? Et qui est-ce qui n'entend pas d'abord « que le médecin-architecte approuve l'escalier, moyennant qu'il soit tourné « d'une autre manière? Cela n'est-il pas préparé par le vers précédent: Au « vestibule obscur il marque une autre place? Il est vrai que, dans la rigueur « et dans les étroites règles de la construction, il faudroit dire : Au vestibule « obscur il marque une autre place que celle qu'on lui veut donner, et ap"prouve l'escalier tourné d'une autre manière qu'il n'est. Mais cela se sous<< entend sans peine; et où en seroit un poëte, si on ne lui passoit, je ne dis « pas une fois, mais vingt fois dans un ouvrage, ces Subaudi? où en seroit « M. Racine si on lui alloit chicaner ce beau vers que dit Hermione à Pyr«<rhus dans l'Andromaque : Je t'aimois inconstant, qu'eussé-je fait fidèle? « qui dit si bien et avec une vitesse si heureuse : Je t'aimois lorsque tu étois « inconstant, qu'eussé-je donc fait si tu avois été fidèle? Ces sortes de petites « licences de construction non-seulement ne sont pas des fautes, mais sont « même assez souvent un des plus grands charmes de la poésie, principale«ment dans la narration, où il n'y a point de temps à perdre. Ce sont des espèces de latinismes dans la poésie françoise qui n'ont pas moins d'agré«ment que les hellénismes dans la poésie latine.» (BROSSETTE.)

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Le maçon vient, écoute, approuve et se corrige.
20 Enfin, pour abréger un si plaisant prodige,1
Notre assassin renonce à son art inhumain ;
Et désormais, la règle et l'équerre à la main,*
Laissant de Galien la science suspecte, 3

25

De méchant médecin devient bon architecte.1

Son exemple est pour nous un préceptes excellent. Soyez plutôt maçon, si c'est votre talent, Ouvrier estimé dans un art nécessaire, Qu'écrivain du commun et poëte vulgaire.

1. Pradon, R. 96, soutient qu'abréger un prodige pour abréger le récit d'un prodige n'est pas français. Il faut répondre à cette critique par la note précédente. Racine a dit de même :

Ont conté son enfance au glaive dérobée.

(Athalie, V, vi.)

2. De 1674 à 1713, l'équierre. On a dit esquire. Et que tuz fussent taillié à esquire. (Rois, p. 245, xme siècle.) Esquierre: Suns compas ou sans esquierre. (R. de la Rose, 11971.) De même au XIVe siècle : L'aloe qui vole par ondées et plie son vol par esquierres. (Ménagier, III, 2.) xve siècle : ecquerre De géométrie, qui est l'art et science des mesures et des ecquerres. (Christine de Pisan.) xvI° siècle : Nous avons le compas, la reigle, l'escarre, le plomb... (Palissy, 91.) Étym.: wallon, skuer; provenç., escaire, scayre; ital., squadro, du latin fictif exsquadrare. (E. LITTRÉ, Dict. de la langue française.)

3. Célèbre médecin grec, né à Pergame. Il fut le médecin des empereurs Marc-Aurèle, Titus et Commode. Né l'an 131 de J.-C., il mourut vers l'an 200.

4. Claude Perrault, pour se venger de ces vers, composa une fable intitulée le Corbeau guéri par la Cigogne, ou l'Ingrat parfait. Elle était restée manuscrite parmi les papiers de Philippe de la Mare: Joly l'en tira et l'inséra dans ses Remarques critiques sur le dictionnaire de Bayle, p. 632-633. On la retrouve au tome IV, p. 233, de l'édition du Dictionnaire de Bayle de M. Beuchot. Boileau répondit à cette fable par l'épigramme: Oui, j'ai dit dans mes vers..... (Daunou.) — Cf., dans les œuvres en prose, la 1re réflexion critique, et, dans la Correspondance, une lettre au duc de Vivonne, de 1676. (M. CHÉRON.)- Voir toute cette affaire dans notre Étude sur la vie et les ouvrages de Boileau, t. Ier, p. cccxxxiv et suivantes.

5. Perrault se plaignit à Colbert de l'insolence de Boileau: « Il a tort de se plaindre, dit celui-ci, je l'ai fait précepte. » Colbert s'amusa de la plaisanterie.

Il est dans tout autre art des degrés différents, 1
30 On peut avec honneur remplir les seconds rangs;
Mais dans l'art dangereux de rimer et d'écrire,
Il n'est point de degrés du médiocre au pire.
Qui dit froid écrivain dit détestable auteur."
Boyer est à Pinchêne égal pour le lecteur;

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1

Tolle memor: certis medium et tolerabile rebus
Recte concedi. Consultus juris, et actor
Causarum mediocris, abest virtute diserti
Messalæ, nec scit quantum Casselius Aulus :

Sed tamen in pretio est. Mediocribus esse poetis
Non homines, non Dî, non concessere Columnæ.
(HORACE, Art poétique, v. 367-373.)

« Pleust à Dieu, dit Montaigne, que cette sentence (celle d'Horace) se trouvast au front des boutiques de tous nos imprimeurs, pour en défendre l'entrée à tant de versificateurs... On peut faire le sot partout ailleurs, mais non pas en la poésie. » (Essais, liv. II, ch. xvII.)

2. De 1674 à 1698 (vingt-quatre éditions), au lieu de ces vers on lisait les suivants :

Les vers ne souffrent point de médiocre auteur,
Ses écrits en tout lieu sont l'effroi du lecteur;
Contre eux dans le Palais les boutiques murmurent,
Et les ais chez Billaine à regret les endurent.

La Bruyère : « Il y a de certaines choses dont la médiocrité est insupportable, la poésie, la musique, la peinture, le discours public. » (Des Ouvrages de l'esprit.)

3. Auteur médiocre. (BOILEAU, 1713.)-Claude Boyer, poëte et prédicateur, de l'Académie française, né à Alby en 1618, mort le 22 de juillet 1698. Il est auteur de tragédies, de pastorales, de tragi-comédies, d'opéras et d'un livre intitulé Caractères des prédicateurs, des prétendants aux dignites ecclésiastiques, de l'âme délicate, de l'amour profane, de l'amour saint, avec quelques autres poésies chrétiennes, 1695, in-8. Le peu de succès de ses pièces de théâtre inspira l'épigramme suivante à Furetière :

Quand les pièces représentées

De Boyer sont peu fréquentées,

Chagrin qu'il est d'y voir peu d'assistants,
Voici comme il tourne la chose :

Vendredi, la pluie en est cause,

Et dimanche, c'est le beau temps.

On peut voir dans Racine une épigramme sur sa Judith. (M. CHÉRON.) 4. Pour Pinchesne, voir épître V.

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