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S'il faut rimer ici, rimons quelque louange;
Et cherchons un héros, parmi cet univers,1
Digne de cet encens et digne de nos vers.
25 Mais à ce grand effort en vain je vous anime :
Je ne puis pour louer rencontrer une rime;

Dès que j'y veux rêver, ma veine est aux abois. 3
J'ai beau frotter mon front, j'ai beau mordre mes doigts,
Je ne puis arracher du creux de ma cervelle

20 Que des vers plus forcés que ceux de la Pucelle."
Je pense être à la gêne; et, pour un tel dessein,

1.

Aut si tantus amor scribendi te rapit, aude
Cæsaris invicti res dicere...

(HORACE, livre II, satire I, v. 10-11.)

2. Voici la critique que Cotin faisait de ces vers : « Que cela est judicieux! il vient de faire un discours à la louange du roi, et il ne trouve dans le monde aucun héros digne de ses vers.» (COTIN, Crit., p. 37.)

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3. Une veine aux abois, cela n'est pas écrit avec justesse. Voltaire fait remarquer sur un vers du Nicomède, de Corneille, que cette expression aux abois, qui par elle-même n'est pas noble, n'est plus usitée aujourd'hui. Néanmoins, dit M. E. Littré, cette expression est restée, à juste titre, dans l'usage, et elle n'a rien qui l'empêche d'entrer dans le meilleur style. On en use moins librement qu'au XVIIe siècle.

Mais pardonne aux abois d'une vieille amitié,

Qui ne peut expirer sans me faire pitié.

(CORNEILLE, Cinna, acte III, scène n.)

Louis XIV réduisant l'hérésie aux derniers abois.

(LA FONTAINE, Discours à l'Académie.)

Philisbourg est aux abois en huit jours.

(BOSSUET, Oraison funèbre du prince de Condé.)

4. Horace a dit :

... Et in versu faciendo

Sæpe caput scaberet, vivos et roderet ungues.

(Livre I, satire X, v. 70.)

5. Poëme héroïque de Chapelain, dont tous les vers semblent faits en dépit de Minerve. (BOILEAU, 1713.)

6. Ce mot, de notre temps, a perdu sa vigueur. Au xvIIe siècle, il signifiait torture, tourment, question. Son étymologie est le mot hébreu Gehennon, vallée des fils d'Ennon, où l'on avait fait brûler des victimes

La plume et le papier résistent à ma main.

Mais, quand il faut railler, j'ai ce que je souhaite.
Alors, certes, alors je me connois poëte :

1

35 Phébus, dès que je parle, est prêt à m'exaucer;
Mes mots viennent sans peine, et courent se placer.
Faut-il peindre un fripon fameux dans cette ville?
Ma main, sans que j'y rêve, écrira Raumaville. 1
Faut-il d'un sot parfait montrer l'original?
Ma plume au bout du vers d'abord trouve Sofal ::
Je sens que mon esprit travaille de génie.
Faut-il d'un froid rimeur dépeindre la manie?

Mes vers, comme un torrent, coulent sur le papier;
Je rencontre à la fois Perrin et Pelletier,

25 Bonnecorse, Pradon, Colletet, Titreville; 3

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humaines. C'était la question qu'on faisait subir aux accusés pour obtenir d'eux des révélations.

1. Il s'agit du libraire Somaville, dont le nom se trouve dans les éditions de 1668, 1669, 1674, 1675, sous cette forme: Saumaville.

2. Henri Sauval, avocat au parlement de Paris, né vers 1620, mort en 1670, auteur des Amours des rois de France. L'Histoire des antiquités de la ville de Paris, 3 vol. in-folio, n'a été publiée qu'en 1724. (M. CHERON.)

3. Poëtes décriés. (BOILEAU, 1713.)- Sur Pelletier, Pradon et Colletet, voir le Discours au roi, la Ire satire. L'abbé Perrin, né à Lyon, mort en 1680, introduisit l'opéra en France; il a traduit l'Eneide en vers. Voir la lettre XCII de Despréaux à Brossette. Ses poésies ont été recueillies en 1661 en 3 vol. in-12. Bonnecorse, né à Marseille, mort en 1706. Il fut consul de Francé au Caire. Il avait publié un ouvrage en prose et en vers intitulé : Montre d'amour. Il fit plus tard, pour se venger, le Lutrigot, c'est-à-dire la parodie du Lutrin. Pradon, qui n'avait pas encore abordé le théâtre, avait fait beaucoup de pièces fugitives fort applaudies dans la société du duc de Nevers et de Me Deshoulières. En 1684, il publia une critique des premières satires sous ce titre : Le Triomphe de Pradon, et, en 1685, Nouvelles remarques sur tous les ouvrages du sieur D... (Despréaux). — De 1666 à 1682, on lisait : Bardou, Mauroy, Boursault. Despréaux avait mis là Boursault pour le punir d'avoir attaqué Molière dans une petite pièce représentée en 1663 sous ce titre : le Portrait du peintre, ou la Critique

Et, pour un que je veux, j'en trouve plus de mille.
Aussitôt je triomphe, et ma muse en secret
S'estime et s'applaudit du beau coup qu'elle a fait.
C'est en vain qu'au milieu de ma fureur extrème
Je me fais quelquefois des leçons à moi-même ;
En vain je veux au moins faire grâce à quelqu'un :
Ma plume auroit regret d'en épargner aucun;
Et, sitôt qu'une fois la verve me domine,
Tout ce qui s'offre à moi passe par l'étamine. 2
5 Le mérite pourtant m'est toujours précieux :

1

Mais tout fat me déplaît, et me blesse les yeux;
Je le poursuis partout, comme un chien fait sa proie,
Et ne le sens jamais qu'aussitôt je n'aboie. "

Enfin, sans perdre temps en de si vains propos,

de l'École des femmes.

collections.

Titreville; on trouve de ses vers dans certaines

1. Auroit regret, syllabes bien dures. (SAINT-Marc.)

2. On ne voit pas pourquoi Le Brun et Daunou regrettent de trouver cette expression dans Boileau. Régnier avait déjà dit :

Et qui pût des vertus passer par l'étamine.

L'étamine est un morceau d'étoffe claire dont on se sert pour clarifier les liqueurs.

3. Horace :

Si quis

Opprobrio dignum latraverit, integer ipse.

Voici la remarque de Pradon sur ces vers : « Ces mots de fat, de sot et de faquin sont les mots favoris et répétés très-souvent par M. D***; mais la comparaison qu'il fait de lui-même à un chien lui convient admirablement :

Puisque tu jappes et que tu mords,

Qu'on te voit déchirer les vivants et les morts,

A bon droit, par ton air, ton style et ta grimace,
On te peut appeler le dogue du Parnasse.

Mais qu'il prenne garde de ne pas outrer la comparaison, et qu'en voulant
toujours mordre comme un chien furieux, il n'en ait aussi la destinée. »
SAINT-SURIN, Nouvelles remarques, p. 45.)

Je sais coudre une rime au bout de quelques mots :
Souvent j'habille en vers une maligne prose :1
C'est par là que je vaux, si je vaux quelque chose.
Ainsi, soit que bientôt, par une dure loi,

La mort d'un vol affreux vienne fondre sur moi,
65 Soit que le ciel me garde un cours long et tranquille,
A Rome ou dans Paris, aux champs ou dans la ville,
Dût ma muse par là choquer tout l'univers,
Riche, gueux, triste ou gai, je veux faire des vers.“

Pauvre esprit, dira-t-on, que je plains ta folie!

70 Modère ces bouillons de ta mélancolie;

Et garde qu'un de ceux que tu penses blâmer
N'éteigne dans ton sang cette ardeur de rimer.

5

3

1. On a cru voir dans ce vers la preuve que Boileau composait d'abord ses ouvrages en prose et les mettait ensuite en vers; cette opinion parut recevoir quelque force de la découverte faite par Saint-Marc, dans la Bibliothèque du roi, d'un canevas en prose de la satire IX. On s'accorde aujourd'hui à ne voir dans ce canevas qu'une pièce apocryphe, indigne de Boileau, et l'on ne trouve plus dans ce vers que le regret exprimé par le poëte de n'avoir pas tous les dons de la poésie. C'est ainsi qu'Horace écrit:

Neque enim concludere versum

Dixeris esse satis; neque si quis scribat, uti nos,
Sermoni propiora, putes hunc esse poetam.

2. Boileau imite ici Horace :

(Livre I, satire IV, v. 40-42.)

Ne longum faciam seu me tranquilla senectus
Expectat; seu mors atris circumvolat alis;
Dives, inops, Romæ, seu fors ita jusserit, exsul;
Quisquis erit vitæ, scribam, color.

3. Expression sans justesse et sans facilité.

4. Boileau avait mis d'abord riche, gueux ou content. Desmarets fit observer que content n'avait pas de mot qui lui fût opposé; suivant lui, il fallait dire Riche ou gueux, triste ou gai, je veux faire des vers. Despréaux profita de la critique, à moitié seulement, et il écrivit : Riche, gueux, triste ou gai...

5. C'est ce que dit Trébatius à son ami Horace, dans la satire citée déjà :

O puer, ut sis

Vitalis, metuo et majorum ne quis amicus

Eh quoi lorsque autrefois Horace, après Lucile,
Exhaloit en bons mots les vapeurs de sa bile,
75 Et, vengeant la vertu par des traits éclatants,

Alloit ôter le masque aux vices de son temps;
Ou bien quand Juvénal, de sa mordante plume
Faisant couler des flots de fiel et d'amertume,
Gourmandoit en courroux tout le peuple latin,
L'un ou l'autre fit-il une tragique fin?

2

3

Et que craindre, après tout, d'une fureur si vaine?
Personne ne connoît ni mon nom ni ma veine.
On ne voit point mes vers, à l'envi de Montreuil, 3
Grossir impunément les feuillets d'un recueil.
85 A peine quelquefois je me force à les lire,
Pour plaire à quelque ami que charme la satire,"

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1

1. Horace, né l'an 9 avant J.-C. —Lucilius, né en 149 avant J.-C., mort en 103. Il ne nous reste que des fragments des trente satires qu'il avait composées.

2. Juvénal (Decimus-Junius Juvenalis), né à Aquinum l'an 42 après J.-C., fut l'élève de Quintilien. Il mourut en Égypte, où le ressentiment d'un histrion, favori d'Adrien, le fit exiler avec le titre de préfet d'une légion. Boileau semble avoir ignoré cette circonstance.

-

3. Le nom de Montreuil dominoit dans tous les fréquents recueils de poésies choisies qu'on faisoit alors. (BOILEAU, 1713.) Mathieu de Montreuil, né à Paris en 1620, mort à Aix, secrétaire de l'archevêque Daniel de Cosnac, en 1691.

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Nulla taberna meos habeat, neque pila libellos,

Queis manus insudet vulgi, Hermogenisque Tigelli;
Non recito cuiquam, nisi amicis, idque coactus,

Non ubivis, coramve quibuslibet...

(HORACE, livre I, satire IV, v. 70-76.)

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