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SECTION III.- Aristocraties militaires des Doriens et des Ioniens. VII. Au XVIe siècle av. J.-C., les Hellènes avaient envahi la Grèce et chassé ou exterminé les Pélasges. En s'établissant dans cette contrée, ils y avaient jeté les bases d'une aristocratie militaire, forme de gouvernement commune à plusieurs peuples conquérants. Cette race hellénique comprenait quatre nations : les Doriens, les Achéens, les Ioniens, les Æoliens. Pendant cette première période, antérieure au VIe siècle av. J.-C., deux de ces quatre peuples se rendent surtout remarquables sous le rapport de leurs institutions: ce sont les Doriens et les Ioniens, Nous allons suivre les Doriens en Crète et à Sparte, et les Ioniens à Athènes.

§ 1. Ile de Crète. - Législation de Minos. Les premiers habitants de la Crète, encore barbares, avaient reçu quelques élémens de civilisation de deux colonies successives de Pélasges et de Curètes qui avaient fui de la Grèce et de la Phrygie. Les Curètes, en propageant I dans cette île des découvertes utiles et de salutaires améliorations sociales, y avaient en même temps introduit le culte phrygien de Jupiter et de Cybèle. Au XVe siècle av. J.-C., Tectamos, fils de Dorus, petitfils d'Hellen, débarque dans la Crète à la tête d'une bande nombreuse de Doriens, l'envahit toute entière et s'en fait proclamer roi. Dès ce moment, la race dorienne devient prépondérante; une rénovation s'accomplit à la fois dans le pouvoir et la population.

Originaire de Phénicie, mais fils adoptif d'Aster, successeur de Tectamos, Minos, devenu roi, dompte toutes les résistances. Les insurgés et les rebelles vaincus sont réduits en servage et relégués hors des bourgades sous le nom de Periœciens (1). Dans la conviction que la force virile et l'union (andreia kai homonoia) sont les meilleurs soutiens d'une domination fondée par la conquête, Minos, par sa législation, s'attache à conserver à ses compatriotes des mœurs guerrières et les soumet à une discipline rigoureuse, à une vie commune, laborieuse et frugale. De là, 1°. tant pour les enfants que pour les adultes, une éducation publique assujettie à des règlemens sévères; 2o. une organisation, des habitudes toutes militaires; 3°. des repas

(1) Le mot periœcien (perioikoi) vient de peri, autour, et oikos, habitation. Les Periæciens sont donc ceux qui demeurent dans la banlieue des villes, autour des bourgades ou enceintes habitées.

en commun. Cette organisation sociale est complétée par des institutions politiques. La monarchie, forme de gouvernement en vigueur avant Minos, est maintenue; mais elle est tempérée par un sénat composé de gerontes ou vieillards. Plus tard, des chevaliers constituent une sorte de corps intermédiaire, et des Cosmes, espèces de tribuns, représentent l'élément populaire.

Occupé par la guerre ou par des expéditions lointaines, Minos se décharge sur son frère Rhadamante du soin de la justice. Celui-ci, dans l'exercice des fonctions qui lui sont déléguées, déploie un zèle remarquable. Sa rigoureuse équité a même donné naissance à un mythe populaire qui le fait juge aux enfers, où il sépare les bons d'avec les méchants. (Diod. de Sic., liv. V, ch. 79) (1).

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§ 2. Institutions de Sparte. Legislation de Lycurgue. Les commencemens de Sparte se cachent sous cet épais brouillard qui, dans la haute antiquité, dérobe à nos regards l'horison historique. D'abord à l'état de simple bourgade, et peuplée de Pélasges, elle est gouvernée par des rois ou chefs de cette nation. A l'époque de l'invasion des Hellènes, au XVIe siècle avant J.-C., les Achéens, un des quatre peuples dont cette race se compose, s'emparent de la Laconie et de l'Argolide. Des rois achéens succèdent aux chefs pélasges. Puis la famille phrygienne de Pelops ayant progressivement élevé sa domination, Agamemnon, petit-fils d'Atrée, partage le royaume avec Ménélas, son frère, qui devient roi de Sparte. L'enlèvement d'Hélène, son épouse, la part qu'il prend à la guerre de Troie pour venger cet affront, donnent à Ménélas une immense célébrité. Il a pour successeur son fils Oreste. Les deux fils de ce dernier, Tisamène et Pentile, régnaient conjointement lorsque s'accomplit un événement des plus graves, le retour des Héraclides coalisés avec les Doriens (en 1190 av. J.-C., 80 ans après la ruine de Troie). Les Héraclides, descendants d'Hercule, naguère expulsés de Sparte par les Pélopides, profitent de la faiblesse où ceux-ci sont tombés pour revendiquer l'héritage de leurs pères. Alliés aux Doriens, quatrième peuple hellénique qui n'avait point pris part au grand mouvement du XVIe siècle, ils envahissent le Péloponèse,

(1) On attribue aussi à Rhadamante l'introduction dans l'ile de Crète de la peine du talion et la rédaction de certaines formules de sermens destinées à prévenir les blas◄ phèmes.

qui bientôt devient leur proie. Les Héraclides avaient pour chef trois frères: Temène, Chresphonte et Aristodème. Celui-ci a en partage la Laconie. Il laisse deux fils, Eurysthène et Proclès, dont les descendants forment deux dynasties qui occupent simultanément le trône de Sparte. Ces deux royautés rivales et souvent ennemies se modèrent l'une par l'autre. Elles ont aussi pour contrepoids l'influence des chefs militaires, toujours puissante dans les temps voisins de la conquête. Le gouvernement est donc plutôt une aristocratie militaire qu'une monarchie (1). Le territoire est divisé en six parties, dont l'une est attribuée au traîtré qui avait livré la Laconie aux Doriens. (Strabon, liv. VIII et 18e frag. d'Ephore dans les fragmenta historic. græc. de Didot, p. 237).

Sous le règne d'Agis Ier, successeur d'Eurysthène, les Spartiates, à la suite d'une révolte, compriment la population indigène et imposent aux anciens habitants de la Laconie un tribut et des serviteurs onéreux. Tous se soumettent. La ville d'Hilos, qui seule ose résister, est détruite, et ses habitants sont réduits à une sorte de servage sous le nom d'Hilotes (av. J.-C. 1091). On compte dès lors, dans la république de Sparte, trois classes distinctes de personnes : les Spartiates, race dominante, les Lacédémoniens, sujets, les Hilotes, serfs ou esclaves. Deux siècles plus tard, pour mettre un terme aux désordres qu'avaient amenés la faiblesse du pouvoir, le relâchement des liens sociaux et la corruption des mœurs, de nouvelles institutions deviennent nécessaires. C'est à Lycurgue que Sparte en est redevable.

Convaincu, comme Minos, que les deux premiers besoins d'une nation étaient l'union et la vertu courageuse, affermi dans cette pensée par l'oracle de Delphes, Lycurgue, dans son plan de législation vise au triple but: 1o. de créer une organisation sociale fondée sur l'esprit public; 2o. de fortifier les institutions militaires; 3°. de constituer un gouvernement durable qui satisfasse aux besoins de la société (2).

1. Organisation sociale. Une double idée préside sous ce premier rapport au système de Lycurgue: c'est, d'une part, de donner aux forces

(1) Les Pélopides, venus de la Phrygie, portaient comme les rois grecs le titre oriental de bas-ileis, fils d'Eli ou du Soleil. Les nouveaux chefs de Sparte prennent un titre plus modeste : pendant la paix, celui d'Archagètes, directeurs de l'autorité; et à la guerre, le titre de bagoi, commandants.

(2) Pour faciliter l'intelligence de la constitution de Lycurgue, nous en donnons ci

Constitution de Lycurgue.

individuelles le développement le plus complet, et de l'autre, d'appliquer autant que possible ces forces individuelles au profit commun.

Ainsi, aux yeux de ce législateur, deux conditions paraissent à cet égard indispensables à réaliser :

La première, c'est que tous les membres dont le corps social se compose soient individuellement pourvus de toute la force désirable et qu'ils réunissent au plus haut degré la vigueur physique et l'énergie morale.

De là d'abord, en vue de procurer la vigueur physique, une éducation mâle et belliqueuse, une vie rude et fortifiante dès la plus tendre enfance, les exercices du gymnase même pour les jeunes filles, afin qu'elles donnent à la patrie des enfants robustes, la lutte et les combats simulés pour les jeunes gens, et pour les hommes mûrs la chasse.

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Education morale.

Vie rude et sans mollesse.

Gymnase même pour les filles.
Luttes et combats simulés.
Chasse.

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Gouvernement. (Deux rois dont l'autorité se contrebalance.-Elément monarchique.— Sénat composé de 30 membres. — Elément aristocratique.

Constitution

mixte.

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Peuple Spartiate, représenté par les Ephores.-Elément démocratique.

De là ensuite, quant à l'énergie morale, les enseignemens donnés aux jeunes Spartiates, les soins, la surveillance dont ils sont l'objet, la discipline à laquelle ils sont soumis, et pour tous les âges ces banquets publics qui sont une école perpétuelle de vertu et de patriotisme,

La seconde condition que Lycurgue veut réaliser, c'est que les forces individuelles, physiques et morales, une fois développées, soient entièrement consacrées à l'avantage commun, au risque même de détruire le bien-être individuel en faveur de l'intérêt public et de confisquer en quelque sorte au profit de l'état la liberté personnelle et la propriété, c'est-à-dire le moi humain avec toutes ses conséquences.

De là les sacrifices imposés en vue de l'utilité générale, et d'abord la destruction de l'esprit de famille. Les plus douces affections sont impitoyablement immolés à l'esprit public; les mystères les plus intimes de la couche conjugale sont profanés; la femme n'est plus qu'un instrument de reproduction qui se prête ou s'emprunte; la jeune fille se dépouille de sa pudeur pour venir, presque nue, lutter publiquement dans un gymnase; l'autorité paternelle est exercée en commun; les enfants appartiennent moins à leurs parens qu'à la patrie.

Le même système s'applique rigoureusement à la propriété qui, depuis l'invasion dorienne, est, à Sparte, plutôt collective qu'individuelle. Toutes les terres réparties entre les citoyens sont censées rester la propriété commune de chaque tribu. Assignées plutôt que transmises aux possesseurs, ceux-ci n'en ont pour ainsi dire que l'usufruit et doivent les laisser à leurs successeurs par l'effet d'une sorte de substitution perpétuelle. Tous ces lots de terrain sont indivisibles et inaliénables.

Enfin, renonçant pour ainsi dire à lui-même, le Spartiate, habitué à une vie rigide, doit s'abstenir de toutes les jouissances qui énervent. On connaît les précautions sévères de Lycurgue contre la sensualité, les richesses et le luxe.

II. Institutions militaires. Dans l'enfance des sociétés, à des époques de violence et de désordre, quand la raison du plus fort est la meilleure et que la notion du droit est encore incertaine, la force physique est sans contredit la première puissance. Le moyen le plus efficace d'acquérir et de conserver des richesses, de se procurer le bien-être et de garder son indépendance, c'est la guerre, c'est le recours aux armes. La victoire procure aux braves tous les biens; les lâches perdent tout par la défaite.

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