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26. Histoire de l'Inde.

Développement social. - Formation des

castes. L'Inde présente certaines époques de grandeur et de décadence; mais elle n'a point de chronologie. Tous les efforts tentés jusqu'à ce jour pour reconstituer son histoire ont été sans résultats. C'est que l'Inde, divisée en nombreux états, a manqué presque constamment de centre et d'unité. Aucun pays de la terre n'offre plus de morcellements. Une multitude de royaumes fondés dans l'Indoustan même ou dans les deux presqu'îles en-deçà et au-delà du Gange, surgissent à toutes les époques, vivent quelque temps et rentrent dans l'ombre. Avec eux se succèdent et disparaissent les rajahs, les dynasties. Ce sont des fils coupés, brisés, confondus ou renoués différemment qu'il est impossible aujourd'hui de reconnaître et de saisir.

D'après les traditions grecques, les premiers mythes indiens concernent Bacchus et ses hauts faits.

Les montagnes agglomérées au centre de l'Asie portent le nom de Merou. C'est l'Olympe indien, la patrie des Dieux et des hommes ; c'est le berceau de Bacchus (1).

Devenu puissant par sa vaillance, Bacchus fonde, en mémoire de sa nourrice, la ville de Nysa, près du mont Merou. Il y est lui-même après sa mort honoré comme un dieu; d'où son nom de Dionysios ou dieu de Nysa (2).

Les conquêtes de ce héros ont eu un long retentissement. Ses découvertes, ses institutions ne sont pas moins fameuses. Il fonda des cités importantes, transféra les villages sur des sites mieux choisis; il organisa le culte qu'on doit rendre à la divinité; il rédigea des lois et fonda des tribunaux......

(1) V. Maltebrun, liv. 145. De là ce mythe que Bacchus fut caché dans la cuisse de Jupiter, parce que meros en grec signifie cuisse. On reconnait là l'imagination des Grecs.

(2) Sur la ville de Nysa que Bacchus nomma ainsi, dit-on, en mémoire de sa nourrice, V. Arrien, expéditions d'Alexandre, liv. V., ch. 1; Quinte-Curce, liv. VII, ch. 10; Diodore, liv. XVII, ch. 84 (sommaires).

Après un grand nombre de siècles, cette monarchie créée par Bacchus s'éteignit, et les villes adoptèrent le gouvernement républicain. (Diod., liv. II, ch. 38.)

Telles sont les traditions conservées par les Indiens habitants des montagnes. Maintenant, si nous interrogeons d'autres documents sur d'autres parties de l'Inde, voici venir le Terkerat-Assalatin, manuscrit persan qu'un colonel français (Gentil) rapporta de l'Inde en France au XVIIIe siècle.

< Cet ouvrage, dit Anquetil-Duperron, renferme l'histoire des rois de l'Indoustan depuis le premier rajah connu jusqu'au temps où l'auteur vivait, sur la fin du règne d'Aurengzeb, mort en 1707. Dans sa préface, l'historien indique le nom des ouvrages samskretans et persans sur lesquels il a travaillé. Le morceau qui regarde les rajahs est le plus curieux et le plus considérable. Il présente l'histoire abrégée de cent trente-six rajahs dont la liste, formant douze dynasties, donne environ 3400 ans de règne..... › (Législation orientale, p. 191.)

Un savant anglais, William Jones, d'après les travaux auxquels il s'est livré sur des documents originaux, divise de son côté l'histoire ancienne de l'Inde, ou plutôt du Magada, en cinq dynasties. La première commence au roi Pradiota, vers l'an 2100 avant J.-C., et finit au roi Nanda, vers l'an 1502; elle comprend seize rois. La seconde n'en contient que dix et s'arrête à l'an 1365 av. J.-C. La troisième dynastie, celle des Sunga, composée de même de dix rois, finit en 1255; la quatrième, celle des Canna, n'a que quatre rois et dure jusqu'en 908. La cinquième, celle des Andrah, présente une suite de vingt-et-un rois jusqu'à l'an 456. Ce serait sous cette dynastie qu'aurait éclaté, au VIe. siècle av. J.-C., le grand schisme de Bouddha, qui, en brisant l'unité religieuse, ouvrit pour l'Inde une ère nouvelle.

Mais dans ce cadre ainsi tracé se trouvent de nombreuses lacunes. L'histoire complète et suivie de l'Inde est impossible.

Suivant les vraisemblances, la société indienne se forma primitive

ment sur les bords du Gange de l'agglomération de tribus appartenant à diverses races. La religion et le besoin d'une défense commune opérèrent entre ces tribus d'utiles rapprochements.

Peut-être aussi sont-elles restées long-temps à l'état de confédération avant de penser à se réunir en une seule association politique.

Toutefois des vocations diverses pour l'étude, pour la guerre, pour l'agriculture et le commerce, ont pu restreindre peu à peu chaque tribu à une spécialité déterminée. A l'imitation du corps humain, dont tous les membres concourent à un but unique en conservant chacun leur destination, elles ont pu, en combinant leur action, arriver à ne former qu'un seul corps composé de plusieurs castes dont les fonctions, quoique séparées, coopéreraient à l'utilité commune. Ainsi les Brahmanes, comme partie intelligente issue du cerveau de Brahma, ont constitué la tête du corps social, seule chargée de présider à sa direction; les guerriers (Kchatriyas), sortis des bras du même dieu, sont devenus les bras, c'est-à-dire les défenseurs de l'état; les Vaisyias, nés du ventre de Brahma, ont été, comme caste agricole et industrielle, la partie nourricière de la société.

Ainsi se sont organisées les trois castes des prêtres, des guerriers, des producteurs. Placés hors du cercle religieux et politique, les serviteurs ou soudras ont été relégués dans un ordre inférieur. La loi de Manou ne les comprend pas parmi les dwidjas ou régénérés, qui seuls composent la nation indienne.

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27. Action des lois historiques sur l'Inde. Si l'on recherche quelle

pu être sur les destinées de l'Inde l'action des lois historiques ou providentielles, on est frappé de la prodigieuse influence qu'exercèrent surtout les deux lois correspondantes de la rénovation et de la diversité. (V. ci-dessus, no 5.) Dans les premiers siècles, sans doute, la sociabilité, l'unité policèrent et réunirent sous une même loi religieuse diverses populations jusque-là barbares. Mais les villages ou gramas indiens,

disséminés sur tous les points du territoire, n'eurent jamais ces rapports intimes, cette force de cohésion qui font la stabilité des états. Ces cités indépendantes, ayant chacune son organisation séparée, son vedar ou temple, souvent même son rajah distinct, furent un obstacle perpétuel à une permanente et solide union. Jamais il ne s'éleva d'une manière durable de gouvernement central, de métropole-prédominante. Faute de grandes villes fortifiées et liées entre elles par un pouvoir commun, les invasions et par suite les révolutions devinrent plus faciles. Chaque rénovation fut considérée comme une création nouvelle (lois de Manou, liv. IX, sloka 100,227). Sous un autre point de vue, l'absence d'harmonie et de bonne intelligence entre les castes ne fut pas moins funeste. Malgré cet intérêt mutuel qui aurait dû les rattacher l'une à l'autre, l'ancien apologue sur la nécessité de l'union entre les membres et l'estomac aurait pu souvent recevoir son application dans l'Inde. Des discordes fréquentes et opiniâtres ont éclaté entre les Brahmanes et les Kchatriyas. Mais les premiers, armés de toute la puissance religieuse, soutenus probablement par les classes inférieures, fatiguées de la tyrannie militaire, ont maîtrisé les guerriers et les rajahs leurs chefs. L'Inde a été, en conséquence, le théâtre de nombreuses mutations politiques et religieuses. Il y eut un moment toutefois où l'Inde, brillante de progrès social, forma un vaste empire soumis à une seule loi, gouverné par un seul souverain. C'est vers le XIIIe. siècle, au temps où fut, dit-on, rédigé pour la première fois le code de Manou, dont nous allons parler. (1). A cette époque, une puissante organisation, une administration forte semblent présider aux destinées du pays. Mais cet état florissant ne fut pas de longue durée.

28. Histoire des institutions.

Lois de Manou.-Trois époques.

1. Temps primitifs. Quelles qu'aient été, en Orient, l'immobilité des

(1) Suivant William Jones, le code de Manou aurait été rédigé vers 1280 av. J.-C. Cette date n'est tout au plus qu'approximative.

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castes et la distribution immuable des sociétés, les révolutions politiques et religieuses de l'Inde durent nécessairement réagir sur les institutions. Si aujourd'hui nous ne pouvons d'aussi loin apprécier en détail les résultats de ces changements, il nous reste du moins un monument de législation qui, debout encore après plus de trois mille ans, nous offre tous les éléments de la vie civile et religieuse indienne; c'est le code de Manou. Composé de XII livres divisés en nombreux versets ou slokas de deux vers chacun, ce livre extraordinaire, le plus ancien et le plus remarquable après le Pentateuque de Moïse, mérite de fixer au plus haut degré l'attention (1). Nous devons signaler surtout le livre III, qui concerne le mariage et les devoirs du chef de famille; le livre VII, sorte de traité politique sur les devoirs du roi ; les livres VIII et IX consacrés à l'office des juges, aux lois civiles et criminelles (2).

Bien qu'il soit censé avoir été inspiré par Manou, le dieu suprême, à son fils spirituel Brigha, l'un des maharchis ou grand chef de la sagesse,

(1) Ce livre de la loi de Manou Mânava dharma sastra, est connu depuis peu en Europe. En 1796, le savant William Jones en publia une traduction anglaise : Instituts of hindu Laws, or the ordinances of Menu, verbally translated of the original sanscrit; with a préface by sir Will. Jones; Calcutta, 1796, in-8°. - En 1850, M. Loiseleur de Longchamps en fit paraître le texte à Paris: Mânava dharma sastra, lois de Manou, publiées en sanscrit, avec des notes contenant un choix de variantes et de scholies,1 vol. in-8°. En 1833, le même auteur en donna une traduction que M. Pauthier a reproduite dans ses Livres sacrés de l'Orient. Paris, Didot, 1841, gr. in-8°. V. au surplus sur le code de Manou, un article de M. Chezy, journal des savants, 1851, p. 18 et suiv.

(2) Cette matière des lois civiles et criminelles contenues dans les liv. VIII et IX se compose de 18 titres qui comprennent: 1o les dettes (liv. VIII, slok. 47-178). Ce premier titre, qui traite en même temps des modes de preuves et du faux témoignage, est fort remarquable; 2o le dépôt (slok. 179-196); 5o l'aliénation sans droit de propriété (197-205); 4o Les choses entreprises en commun (206-211); 5o l'action de reprendre une chose donnée (212-215); le non-paiement du gage et du salaire (214-217); 7o le refus de remplir les engagements (218-221); 8° l'annulation d'un contrat (222-228); 9o les discussions entre un maître et son pâtre (229-244); 16o les contestations au sujet des limites ( 245265); 11° les outrages par paroles (266-277); 12o les mauvais traitements (277-301); 13o le vol et le dommage (301-345) ; 140 les violences et les brigandages (344-351) ; 15 l'adultère (352-386); 16° les devoirs de la femme et du mari (liv. IX, sl. 1-102); 17o le partage des successions (105–219) ; 18o le jeu et les combats d'animaux (220-228).

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