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178. Nos premiers parents avaient été placés dans le paradis terrestre, lieu de délices; ils y vécurent heureux et exempts des misères de cette vie, tandis qu'ils conservèrent l'innocence; mais ayant désobéi à Dieu, ils attirèrent sur eux et sur leur postérité les malédictions du ciel. Cependant un libérateur leur est promis. Les Égyptiens croyaient que nos premiers parents vivaient dans la simplicité, ignorant l'art de se couvrir, et se contentant de ce que la nature leur offrait d'elle-même. La mémoire de l'innocence de l'homme dans le paradis terrestre s'est conservée dans l'âge d'or des poëtes, où régnaient la bonne foi, la justice et la concorde; où la terre, sans être déchirée par la charrue, portait tout ce qui était nécessaire à la vie comme aussi les siècles d'argent, d'airain et de fer, qui furent moins heureux que le premier, parce que la justice, la fidélité et la vertu avaient fait place à la fraude, à la violence et aux vices, nous rappellent la dégradation du genre humain et la dépravation progressive des hommes, telle, quant au fond, qu'elle est rapportée dans le premier de nos livres saints. Dicéarque, philosophe péripatéticien, cité par Varron et Porphyre, dit que les premiers hommes étaient plus près des dieux que nous; qu'ils étaient d'une meilleure nature que nous; qu'ils vivaient dans l'innocence, et que c'est de là qu'est venu le nom d'àge d'or donné au premier âge du monde. Nous rapporterons, dans le traité suivant, la tradition des anciens peuples sur le péché originel (1), et la promesse d'un médiateur (2).

179. Au rapport de Moyse, les premiers hommes vivaient plusieurs siècles. Cette longue vie des patriarches est mentionnée dans l'histoire que Bérose avait faite de la Chaldée, dans celle d'Égypte par Manéthon, dans celle des Phéniciens par Hiram, enfin dans l'histoire des Grecs par Estiacus, Hécatée, Hellanicus, et dans les ouvrages d'Hésiode. Servius, dans ses commentaires sur Virgile, dit que les Arcadiens vivaient jusqu'à trois cents ans. La vie brutale des géants, rapportée par Moyse, se lit aussi dans presque tous les auteurs grecs: Homère, Hésiode, Platon, Lucain, Sénèque, en ont parlé.

180. Quant au déluge, il n'est aucune nation qui n'ait conservé le souvenir de cette terrible catastrophe. Les Égyptiens croyaient que le genre humain avait péri par un déluge universel. Cette croyance leur était commune avec les peuples les plus anciens,

(1) Voyez ci-dessous, le Traité de la Religion, une partie. (2) Voyez cidessous, ibid.

savoir: avec les Phéniciens, les Chaldéens, les Syriens, les Assyriens, les Perses, les Chinois, les Indiens, ainsi qu'avec les nations septentrionales de l'Europe et du nouveau monde. Sanchoniaton, Bérose, Abydène, Plutarque, Lucien, Molon, Nicolas de Damas, Apollodore, Diodore de Sicile, Eupolème, Alexandre Polyhistor, Jérôme d'Égypte et Mnaséas, ces deux derniers cités par Josèphe, l'auteur de l'Edda, Ovide et d'autres écrivains, s'accordent unanimement sur ce point. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que, selon les Phéniciens, les Syriens, les Grecs, les Celtes Scandinaves et les Indiens, Dieu ne résolut le déluge universel que pour punir les crimes des hommes. On lit dans Sanchoniaton, dans Ovide et l'Edda, que les hommes qui périrent par l'inondation générale étaient des géants: nouveau rapport avec l'histoire de la Genèse, qui nous les représente, sous le nom de géants, comme des hommes fameux par leurs désordres.

181. Selon la narration de Moyse, l'origine de tous les hommes qui ont habité la terre depuis le déluge remonte à un seul homme, qui est Noé; selon la mythologie des Grecs, tous les hommes descendent de Deucalion, qui est le même que Noé. Les Chinois, les nations septentrionales de l'Europe, les peuples du Mexique, croyaient qu'après le déluge, la terre n'a été repeuplée que par une seule famille. Japet, père des Européens, Yon ou Javon, le père des Grecs, et Hammon qui s'établit en Afrique, ne sont-ils pas visiblement le Japhet, le Javan et le Cham de la Genèse? Saint Jérôme remarque que, de son temps, les Égyptiens appelaient encore l'Égypte du nom de Cham. Josèphe et plusieurs autres auteurs ont découvert, dans les noms d'un grand nombre de peuples, des traces sensibles de ceux qui se trouvent dans le premier livre du Pentateuque.

182. Enfin nous lisons dans la Genèse, qu'avant la dispersion des enfants de Noé, il n'y avait qu'une seule langue pour tous les hommes. Ils entreprirent une tour qui devait aller jusqu'au ciel, c'est-à-dire, fort haut. Mais le Seigneur, irrité de l'orgueil des hommes, confondit tellement leur langage, qu'ils ne s'entendaient plus les uns les autres, et qu'ils furent forcés de se disperser dans les différentes parties du monde. Or Abydène rapporte le même fait, presque avec les mêmes circonstances. Eupolème, Artapan, Alexandre Polyhistor, disent qu'il est fait mention de la tour de Babel dans toutes les histoires; que cette tour avait été bâtie par les géants échappés au déluge, et qu'elle fut aussitôt renversée par les dieux, qui les dispersèrent par toute la terre. L'entreprise té

méraire des géants de la Fable, qui tentèrent d'escalader les cieux, n'est bien vraisemblablement qu'une altération de l'histoire de la tour de Babel, que les hommes voulaient élever jusqu'au ciel (1).

183. Ainsi, Moyse est d'accord avec tous les anciens sur la description du chaos, sur la séparation des éléments, la création de l'homme et des animaux, l'observation du septième jour consacré au culte de Dieu, la félicité de nos premiers parents, leur chute, la vie des patriarches, le déluge, la renaissance du monde et la dispersion des hommes. Voilà des faits dont la tradition primitive, quoique plus ou moins altérée, s'est conservée chez tous les peuples, et qui se résume avec une netteté remarquable dans le plus ancien livre du monde. Qui ne voit que cette précision dans les faits annonce une grande supériorité de connaissance pour toutes les circonstances qui ont dù accompagner ces événements? La tradition orale, telle qu'elle existait dans l'origine du genre humain, n'a pu, généralement, transmettre à la postérité que des histoires confuses, sans suite, sans liaison; en sorte que si les enseignements du peuple que Dieu s'était choisi, et qu'il conduisait comme par la main, n'étaient venus à notre secours, il eût été impossible de débrouiller ce chaos. On trouve bien chez toutes les nations quelques connaissances des principaux faits de l'histoire primitive du genre humain; mais il manque aux uns des circonstances essentielles, et les autres sont obscureis par la superstition des peuples et l'imagination des poëtes; au lieu que dans Moyse on voit un ordre si admirable, une suite d'événements tellement dépendants les uns des autres, des détails et des rapports si sensibles, qu'il est impossible de n'en être pas frappé, surtout si on compare le récit de cet historien avec celui des auteurs profanes. Concluons donc qu'on ne peut raisonnablement révoquer en doute les faits qui sont rapportés dans la première partie du Pentateuque, quoique l'auteur n'ait pu en être témoin.

§ III. Des objections contre l'autorité du Pentateuque.

184. En prouvant la vérité des faits contenus dans le Pentateuque, nous avons prévenu la plupart des objections. On ne peut

(1) Voyez, sur les traditions des différents peuples relativement aux faits que nous avons indiqués, les Antiquités judaïques de Flavius Josèphe; la Préparation évangélique d'Eusèbe de Césarée; la Démonstration évangélique de Huet; l'Histoire univ. de l'Église catholique, par M. l'abbé Rorhbacher, tom. 1, liv. 11; et principalement les notes de Jean le Clerc sur le Traité de la Religion, de Grotius.

plus nous objecter ni le caractère de Moyse: nous avons vu que ce n'était point le caractère d'un imposteur; ni la nature des faits qu'il rapporte: ce sont des faits dont il a été témoin, ou qui étaient reçus par toute la nation comme étant fondés sur la tradition primitive; ni la simplicité et la crédulité des Juifs: quelque simple, quelque crédule qu'on suppose un peuple, on ne pourra jamais lui en imposer sur des faits matériels, palpables, publics et notoires, sur des faits qui l'intéressent au plus haut degré ; ce serait lui persuader qu'il voit ce qu'il ne voit pas, qu'il entend ce qu'il n'entend pas; ni enfin les traditions des autres peuples, puisqu'elles s'accordent, quant au fond, avec le récit de Moyse sur les principaux faits de la Genèse. On ne peut non plus nous opposer le silence des historiens égyptiens, grecs et latins, concernant les prodiges rapportés dans l'Exode, soit parce qu'il ne nous reste que quelques fragments des plus anciens d'entre eux, soit parce que ceux-ci même n'ont vécu que plusieurs siècles après Moyse, soit enfin parce que si, pour être certaine, l'histoire d'une nation avait besoin d'être confirmée par des auteurs étrangers et contemporains, il ne nous resterait plus rien de constant dans les annales du genre humain; l'histoire ne serait plus qu'une source d'erreurs et d'illusions.

185. Mais il est d'autres objections; les principales sont : 1° l'impossibilité de concilier la science géologique avec les narrations de Moyse concernant la création; 2o l'impossibilité du déluge universel, tel qu'il est décrit par Moyse; 3° l'impossibilité que tous les hommes, dont les uns sont blancs et les autres noirs, soient descendus d'un seul; 4° l'impossibilité que l'Amérique ait été peuplée par les descendants de Noé; 5° l'impossibilité de faire accorder l'histoire des Égyptiens, des Chaldéens, des Chinois et des Indiens avec la chronologie du texte sacré : l'antiquité des peuples, diton, suppose le monde beaucoup plus ancien que ne le fait Moyse. 186. Voilà bien des impossibilités: mais sur quoi sont-elles fondées? Les unes, sur des systèmes incertains, des hypothèses souvent contradictoires, sur des assertions toutes gratuites; les autres, sur la facilité de certains peuples qui, ignorant jusqu'à leur origine, faute d'avoir fait enregistrer leur acte de naissance, aiment à se croire et à se dire les plus anciens peuples du monde. Il ne suffit pas de dire qu'une chose est impossible, il faut prouver qu'elle l'est en effet, surtout quand il s'agit de nier les faits les mieux constatés. Nous sommes donc en droit d'exiger des incrédules qu'ils prouvent ce qu'ils avancent contre le Pentateuque, comme

nous avons prouvé nous-mêmes ce que nous avons avancé en faveur de son autorité. Jusque-là nous avons pour nous nos titres, et, en outre, une possession de trois mille trois cents ans, appuyée sur la croyance générale des Juifs, des Samaritains et des chrétiens de toutes les communions. Pour nous troubler dans cette possession, il faudrait quelque chose de plus que des conjectures, que des probabilités philosophiques, que des systèmes sur des choses que Dieu abandonne aux vaines discussions des hommes; il faudrait nous démontrer que Dieu se plaît à se jouer de ses créatures.

187. Voyons cependant en particulier à quoi se réduisent les objections qu'on nous fait. Premièrement, on nous dit qu'il n'est pas possible de concilier la science géologique avec le récit de Moyse sur la création. Que nous oppose-t-on ? Quel est celui des systèmes dirigés contre la Genèse qui n'ait été victorieusement réfuté? Que sont devenues ces théories de la terre, dont les incrédules ont fait tant de bruit? Fruit d'une imagination vagabonde plutôt que de l'expérience ou d'une connaissance exacte de l'histoire naturelle, elles ont toutes disparu les unes après les autres, survivant à peine à ceux qui leur avaient donné le jour. Nous n'en exceptons point la théorie de Buffon, de laquelle on peut dire à bon droit ce qu'il a dit lui-même de celles qu'il n'admettait pas : « Ce sont des suppositions sur lesquelles il est aisé de donner carrière à son imagination.... D'une seule de ces hypothèses on va tirer mille ro« mans physiques que les auteurs appelleront des théories de la « terre (1). »

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188. Cuvier, qui n'était certainement point un esprit faible, en porte le même jugement. Voici ce qu'il dit : « Faute de poser les pre« mières bases de la géologie dans la recherche exacte des faits, l'on a changé cette science en un tissu d'hypothèses et de conjectures « tellement vaines, et qui se sont réellement combattues les unes « les autres, qu'il est devenu presque impossible de prononcer son « nom sans exciter le rire.... Le nombre des systèmes de géologie « s'est tellement augmenté, qu'il y en a aujourd'hui plus de quatrevingts; et l'exemple meilleur donné par quelques savants a si peu dégoûté d'ajouter à cette longue liste, que nous voyons éclore « tous les jours des systèmes nouveaux, et que des journaux scien«tifiques sont remplis des attaques et des défenses que leurs au«teurs s'adressent réciproquement. Comment tant d'hommes d'esprit peuvent-ils être si peu d'accord? La raison en est fort simple:

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(1) Théorie de la terre, liv. 1, etc.

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