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vie fnt pour eux sans aucun intérêt. Quel est l'historien qui ne défende son héros, qui ne s'indigne des injustices qu'il éprouve, qui ne s'élève contre ses ennemis? Cependant, ce n'est point ce que font les apôtres; ils racontent la vie de leur maître sans jamais en faire l'éloge; ils rapportent ses douleurs et ses souffrances sans manifester aucun mouvement d'indignation contre ses bourreaux; l'ayant fait arriver au Calvaire portant sa croix, ils se contentent de dire: Là ils le crucifièrent, Ibi crucifixerunt eum (1). Est-ce donc là le langage des sectaires, des imposteurs, des écrivains qui cherchent à séduire, à surprendre leurs lecteurs? Non; plus on fait attention au caractère inimitable des évangélistes, plus on est forcé d'y reconnaître un autre esprit que celui de l'homme (2). En vain nous dirait-on que les apôtres ont affecté la simplicité et la candeur pour mieux réussir, l'affectation se ferait sentir par quelque endroit; tôt ou tard l'iniquité se ment à elle-même et ne se soutient pas. Quels seraient d'ailleurs les traits caractéristiques de la vérité pour l'homme et pour la société, si l'imposture pouvait les copier avec tant de fidélité (3)?

215. Enfin, si on veut que les apôtres aient eu recours au mensonge pour faire recevoir dans le monde, comme venant de Dieu, la doctrine de Jésus-Christ, et le faire adorer lui-même comme Dieu par les Juifs et par les païens, il faudra leur supposer quelque puissant motif: on ne cherche point à tromper sans intérêt, sans se promettre quelque avantage. Or, quel pouvait être le motif des apôtres ? L'amour de la vérité, le désir de renverser le culte des faux dieux ! Mais la vérité ne va pas plus avec le mensonge que la lumière avec les ténèbres : si les apôtres ne croyaient ni aux miracles de Jésus-Christ, ni à ce qu'il nous enseigne lui-même de sa divine origine, le faire reconnaître pour vrai Dieu, n'était-ce pas vouloir augmenter encore le nombre des fausses divinités? Serait-ce l'amour des richesses, des biens de ce monde? Mais ils quittent tout pour suivre Jésus-Christ, le fils d'un artisan, qui ne leur promet en échange que des privations, des peines, des persécutions de la part des hommes; mais ils prêchent le mépris des richesses, et, au milieu de leurs travaux apostoliques, ils se livrent eux-mêmes au travail des mains pour se procurer leur subsistance, et n'être point à charge aux fidèles. Quoi ! la vue des biens de la terre aurait porté

(1) Saint Luc, ch. xxш, v. 33. —(2) Rollin, Traité des études, liv. vi, ch. 1. - (3) M. Frayssinous, Défense du Christianisme, conf. sur les miracles évangéliques.

les apôtres à prêcher Jésus-Christ, et ils se seraient réduits à être comme le rebut, la balayure du monde, à être les plus malheureux des hommes (1)! Et ils auraient envisagé de sang-froid les prisons, les chaînes, les tourments qui leur étaient préparés (2)! Et ils se seraient réjouis à la vue des tribulations, des souffrances, de la mort même, qui les attendaient! Peut-on pousser plus loin le délire et la démence?

216. Serait-ce l'amour de la gloire qui aurait animé les apôtres? Mais quelle gloire y a-t-il à vouloir tromper le genre humain? et comment pouvaient-ils se promettre d'y réussir? Quels moyens, quelle puissance avaient-ils entre les mains pour pouvoir compter sur le succès, pour aspirer à la gloire de passer, dans les siècles à venir, pour les lumières du monde? Quelle apparence, à leurs yeux, que des faits inventés à plaisir trouveraient créance dans l'esprit des Juifs, des Samaritains, de tous les peuples? qu'une nouvelle superstition, qui n'avait pour fondement que des fables grossières, et pour appui que la témérité de quelques hommes ignorants, sans lettres, sans force, sans aucune ressource, triompherait de la synagogue et de la puissance des Césars? que celui qu'on avait vu mourir sur une croix serait reconnu pour le Fils de Dieu, et que son culte remplacerait le culte établi par Moyse, et le culte des dieux révérés par les maîtres du monde? Et, en supposant que les apôtres aient pu prévoir une aussi étonnante révolution, concevra-t-on qu'ils aient pu sacrifier leur repos et leur vie à cette vaine célébrité qu'ils se promettaient au delà du tombeau? Où est l'homme qui voulût se dévouer à la misèré, aux supplices, à l'ignominie, pour acheter les respects et les hommages tardifs et toujours incertains de la postérité? On sait qu'une âme fortement touchée des promesses d'une autre vie peut renoncer à tous les avantages de la vie présente, dans la vue de s'assurer un bonheur éternel. Mais ce motif si puissant, les apôtres ne l'avaient pas ils ne pouvaient attendre pour une autre vie que les châtiments que Dieu, suivant la croyance de tous les peuples, réserve au mensonge, à l'hypocrisie, à l'imposture.

217. Mais non; l'homme ne se fait point imposteur sans motif, sans intérêt; jamais on ne le verra sceller de son sang le témoignage qu'il rend en faveur des faits dont il connaît la fausseté. On

(1) Si in hac vita tantum in Christo sperantes sumus, miserabiliores sumus omnibus hominibus. S. Paul, Epist. 1 ad Corinth., ch. xv, v. 19. — (2) Voyez les Actes des Apôtres, ch. xx, v. 2, 3 et 24.

conçoit que des hommes soient disposés à mourir pour soutenir des opinions fausses qu'ils croient véritables, car alors l'erreur, qu'ils confondent avec la vérité, a sur leur cœur tous les droits et tout l'empire de la vérité elle-même; mais qu'un homme, qu'un certain nombre d'hommes inventent des faits entièrement faux et qu'ils les donnent pour vrais, au péril de leur vie; qu'ils affrontent les horreurs de la mort, le cri de la conscience, les menaces de Dieu, c'est une espèce de délire qui est contre nature, et dont il n'y a pas de traces dans l'histoire. « Celui, dit un philosophe non suspect, qui « mourrait pour un culte dont il connaîtrait la fausseté, serait un « enragé (1); » celui aussi, sans doute, qui mourrait pour attester un fait qu'il saurait être faux ; de là ce mot célèbre de Pascal : « Je << crois volontiers les histoires dont les témoins se font égorger (2). ► Ainsi donc, ni l'amour de la gloire, ni l'appåt des richesses, ni tout autre motif, n'ont pu porter les apôtres à former le projet de tromper l'univers (3).

218. Troisièmement : non-seulement les auteurs du Nouveau Testament n'ont pas voulu tromper, mais ils n'auraient pu tromper, quand même ils l'auraient voulu. Jamais ils ne seraient parvenus, nous ne disons pas à fonder une religion, mais à se faire des prosélytes, même en petit nombre. « Parcourez l'histoire immense « des erreurs et des superstitions; cherchez dans les opinions popu« laires, dans la politique, dans la séduction ou dans la terreur, les différentes causes auxquelles les fausses religions ont dû leur éta<< blissement et leurs progrès, vous n'en trouverez aucune qui fa« vorisât l'imposture des apôtres. L'autorité des lois, la force publique, les sentiments religieux, les préjugés, les passions, « l'intérêt, tout s'élevait contre leur doctrine; les miracles seuls « parlaient en leur faveur. Mais ces miracles eux-mêmes, s'ils n'eus« sent pas été incontestables, offraient à leurs nombreux et puis« sants adversaires un moyen sûr et facile de les confondre. On peut discuter sans fin sur des opinions spéculatives; mais s'il est question de faits publics et récents, la discussion ne peut être ni « longue ni douteuse. C'est déjà beaucoup que, dans des circons«tances aussi favorables, les apôtres, soutenus de l'autorité des « miracles, aient pu se faire écouter: mais que sans miracles, ou, « ce qui est encore plus fort, avec des miracles notoirement faux, « ils eussent réussi à former une nouvelle religion, ce serait un phé

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(1) Diderot, Pensées philosophiques. — (2) Pensées de Pascal, ch. xxvIII. — (3) Voyez l'Autorité des livres du Nouveau Testament, par Duvoisin, ch. 20.

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nomène inexplicable, incompréhensible, mille fois plus incroyable que tous les miracles du christianisme (1). »

219. En effet, les premiers disciples de Jésus-Christ, les apôtres, les évangélistes, n'ont pu être trompés ni sur les miracles de leur divin Maître, ni sur les miracles qu'ils ont opérés eux-mêmes à Jérusalem, à Samarie, et chez les nations où ils ont prêché l'Évangile; ce sont des faits sensibles et notoires dont ils ont été les témoins ou les auteurs: comment donc auraient-ils pu tromper les Juifs et les païens sur ces mêmes faits? Comment saint Pierre eûtil pu, à sa première et seconde prédication, persuader à plus de huit mille Juifs d'adorer comme Dieu celui que la synagogue avait fait mourir sur un infâme gibet comme un blasphémateur et un séditieux, s'il leur eût été possible de contredire le témoignage du prince des apôtres sur les miracles rapportés dans les livres saints? Comment les apôtres eussent-ils réuni sous l'étendard de la croix et les Juifs, et les Samaritains, et les Gentils, que la diversité des préjugés et des intérêts rendait irréconciliables, et qui ne pouvaient avoir de commun qu'une haine implacable ou la plus grande aversion pour la doctrine sainte, mais sévère, de JésusChrist? Pour renoncer au culte et à la loi de Moyse, pour ahjurer les erreurs et les superstitions de l'idolâtrie que la plupart des peuples croyaient aussi ancienne que le monde, ne fallait-il pas être entraîné par l'évidence des faits, par l'éclat de ces prodiges au sujet desquels il est impossible à l'homme de se faire illusion? Il n'y a pas de milieu: ou il faut admettre que les auteurs du Nouveau Testament n'ont pu tromper sur les miracles qu'ils rapportent, ou il faut dire que les Juifs et les Gentils se sont convertis à JésusChrist sans miracles, ce qui serait sans contredit un miracle bien plus grand, bien plus surprenant encore que tous les miracles de l'Evangile réunis ensemble.

220. Concluons les écrivains du Nouveau Testament n'ont pu être trompés sur les faits qu'ils racontent; ce sont des faits sensibles et matériels, dont ils ont été témoins oculaires. Ils n'ont pas voulu tromper; tout ce que nous connaissons de leur vie, de leur caractère, de leur doctrine, ne permet pas de les soupçonner d'une imposture dont ils ne pouvaient se promettre aucun avantage. Ils n'ont pu tromper, quand même ils l'auraient voulu; ils eussent été confondus par les Juifs et les païens : donc ils sont dignes de foi; donc les faits et les miracles rapportés dans les Evangites, les

(1) Duvoisin, Démonstration évangélique, ch. v.

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Actes et les Lettres des apôtres, sont vrais, certains, incontestables. Le célèbre citoyen de Genève en a fait l'aveu: « Les faits de Socrate, dont personne ne doute, sont, dit-il, moins attestés que « ceux de Jésus-Christ... Il serait plus inconcevable que plusieurs hommes d'accord eussent fabriqué l'Évangile, qu'il ne l'est qu'un << seul en ait fourni le sujet... L'Évangile a des caractères de vérité si grands, si frappants, si parfaitement inimitables, que l'inven«teur en serait plus étonnant que le héros (1). ›

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SIII. Des objections contre l'autorité du Nouveau Testament.

221. Les faits évangéliques, dit-on, ne sont rapportés que par les apôtres ou les disciples immédiats de Jésus-Christ; ni les Juifs, ni les Grecs, ni les Latins, n'en ont parlé dans leurs écrits. Or, convient-il de s'en rapporter au récit de ceux qui sont en même temps témoins et juges dans leur propre cause?

Cette objection ne saurait être sérieuse; elle n'a pu être faite par des hommes de bonne foi. D'abord, que les miracles de Jésus-Christ et des apôtres ne soient racontés que par les auteurs du Nouveau Testament, cela nous importe peu, puisque ces auteurs, quoique disciples de Jésus-Christ, réunissent tous les caractères qu'on exige des écrivains véridiques. Nous l'avons prouvé, les apôtres n'ont pu être trompés ni sur les miracles de leur maître, ni sur ceux qu'ils ont opérés eux-mêmes; ils n'ont pas voulu tromper leurs lecteurs, et ils n'auraient jamais pu les tromper, quand même ils l'auraient voulu. D'ailleurs, si vous récusez le témoignage des apôtres sous prétexte qu'ils étaient disciples de celui dont ils ont écrit l'histoire, vous récuserez donc le témoignage de Platon et de Xénophon, qui nous ont laissé l'histoire de Socrate, dont ils étaient les disciples; vous rejetterez donc, si vous êtes conséquent, l'histoire d'un prince, d'un législateur, d'un capitaine, uniquement parce qu'elle aura été rédigée par des hommes attachés à leur personne. Mais alors que devient la certitude historique ?

222. Vous dites que les apôtres sont juges dans leur propre cause; c'est une erreur : les apôtres ne se présentent point ici comme juges, mais comme historiens, comme témoins; examinez leur témoignage, et vous jugerez vous-même. Les apôtres ne sont pas nés chrétiens; il leur a fallu, pour le devenir, fouler aux pieds les préjugés de la nation, renoncer à tout, braver la haine des Juifs,

(1) Emile.

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