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prodigieuse, une parfaite uniformité ne saurait régner; l'erreur aurait nécessairement varié. Non, ce qui se trouve le même parmi le très-grand nombre n'est point une erreur, mais la tradition: Quod apud multos unum invenitur, non est erratum, sed traditum (1). » Si cela n'était, quel moyen resterait-il au chrétien de s'assurer de la vérité? Si, à partir des temps apostoliques, l'Église universelle a pu enseigner ou pratiquer constamment l'erreur, qui oserait se dire mieux inspiré que tous les papes, tous les évêques, tous les docteurs qui ont paru jusqu'alors, que toute l'antiquité chrétienne? Prétendre, l'Évangile en main, ou en mettant en avant une nouvelle révélation dont il n'existe aucun signe, réformer l'Église catholique, qui est aussi ancienne que le christianisme, ne serait-ce pas le comble du délire et de l'extravagancė?

ARTICLE II.

De la liturgie comme source de la tradition.

364. L'Église n'ayant jamais été sans culte, sans office divin, la liturgie chrétienne, quant à sa partie substantielle, remonte nécessairement aux apôtres. Jésus-Christ, qui est venu au monde pour apprendre aux hommes à adorer Dieu en esprit et en vérité, in spiritu et veritate, a fait cesser le culte surchargé d'observances en usage chez les Juifs; mais il n'a pas supprimé pour cela toutes les cérémonies religieuses, il en a même institué plusieurs; et, après son ascension, il a envoyé le Saint-Esprit à ses apôtres pour leur enseigner toute vérité, et leur faire comprendre parfaitement tout ce qu'ils avaient entendu de la bouche de leur divin maître (2). Aussi, saint Paul assure aux Corinthiens qu'il a reçu du Seigneur tout ce qu'il leur a dit touchant la consécration de l'Eucharistie (3). Et déjà, dans l'Apocalypse de saint Jean, nous trouvons le tableau d'une liturgie pompeuse. Cet apôtre rapporte une vision qu'il eut le dimanche, jour où les fidèles s'assemblaient pour célébrer les saints mystères (4). Il peint en effet une assemblée à laquelle préside un pontife vénérable, assis sur un trône, et environné de vingt

(1) Ecquid verisimile est ut tot ac tantæ (Ecclesiæ) in unam fidem erraverint? Nullus inter multos eventus unus est exitus: variasse debuerat error doctrinæ Ecclesiarum. Cæterum, quod apud multos unum invenitur, non est erratum, sed traditum. De Præscriptionibus, cap. xxvIII. — (2) Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem. Joan. c. xvi, v. 13.—(3) Voy. les chapitres x et xi de la 1re Epître de saint Paul aux Corinthiens. (4) Apocal. cap. 1, v. 10.

quatre prètres, qu'il désigne sous le nom de vieillards (1). Nous y voyons des habits sacerdotaux, des robes blanches, des ceintures, des couronnes, des instruments du culte divin, un autel, des chandeliers, des encensoirs, un livre scellé. Il y est parlé d'hymnes, de cantiques, d'une source d'eau qui donne la vie (2). Devant le trône et au milieu des prêtres est un agneau en état de victime, auquel sont rendus les honneurs de la Divinité. C'est donc un sacrifice auquel Jésus-Christ est présent; s'il y est en état de victime, il faut aussi qu'il en soit le pontife principal (3). Sous l'autel sont les martyrs, qui demandent que leur sang soit vengé (4). On sait que l'usage de l'Église primitive a été d'offrir les saints mystères sur le tombeau et sur les reliques des martyrs. Un ange présente à Dieu de l'encens, et il est dit que c'est l'emblème des prières des saints ou des fidèles (5).

365. Les Pères ne lui assignent pas d'autre origine. Saint Epiphane, témoin de la croyance de l'Eglise au quatrième siècle, s'exprime ainsi : « Pierre, André, Jacques et Jean, Philippe et Barthélemy, Thomas, Thaddée, Jacques fils d'Alphée, Jude fils de Jacques, Simon le Cananéen, et Matthias choisi pour remplir le nombre des douze, ont tous été élus apôtres pour prêcher l'Evangile dans le monde avec Paul et Barnabé et les autres; et ils ont été les ordonnateurs des mystères, avec Jacques, frère du Seigneur et premier évêque de Jérusalem (6). » Ici, par mystères on entend les sacrements, et principalement l'Eucharistie, qui, dans les premiers siècles, se célébraient en secret, d'où leur est venu le nom de mystères. Saint Cyprien (7), Firmilien de Césarée (8), saint Augustin (9), Innocent Ier (10) et Célestin Ier (11) parlent aussi de la liturgie comme d'une institution apostolique. D'ailleurs, saint Cyrille de Jérusalem (12), saint Irénée (13), saint Justin (14) et saint Ignace (15), en décrivant l'ordre de la liturgie qui était en usage

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(1) Ibidem, c. iv, v. 2, 3, 4. — (2) Ibidem, c. v, vi, etc. (3) Ibidem, c. v, v. 6 et 12. (4) Ibidem, c. vi, v. 9 et 10.- (5) Voyez Fleury, Mœurs des chrétiens, n° xxxIx. - (6) Petrus et Andreas, Jacobus et Joannes, Philippus et Bartholomæus, Thaddæns et Jacobus Alphæi, et Judas Jacobi et Simon Cananæus, et Matthias ad supplendos duodecim suffectus, illi, inquam, omnes et apostoli delecti sunt, ac toto terrarum orbe sacram Evangelii functionem administrarunt, cum Paulo et Barnaba, ac cæteris, iidemque mysteriorum auctores atque conditores fuerunt, una cum Jacobo Domini fratre, primo Hierosolymorum episcopo. Hæresis, LXXIX, no 1.—(7) De unitate Ecclesia. - (8) Lettre à saint Cyprien, Inter Cyprianas Epist. LXXV. — (9) Lettre CXLIX. (10) Lettre à Décentius. (11) Lettre aux évêques des Gaules, Concil. du P. Labbe, tom. 11, col. 1616. — (12) Catéchèse mystagogique vo. — (13) Liv. IV, adversus hæreses, ch. xxxi. - (14) Apol. 1°. (15) Lettre ad Smyrnenses.

de leur temps, s'accordent parfaitement, pour le fond, avec toutes les liturgies des Eglises de l'Orient et de l'Occident; ce qui prouve qu'elles ne sont pas moins anciennes que la prédication de l'Évangile.

366. Parmi les plus anciennes liturgies, il en est plusieurs qui portent le nom des apôtres, de saint Pierre, par exemple, de saint Jacques, de saint Marc; non qu'ils les aient laissées par écrit, mais parce qu'ils les ont transmises aux Églises qu'ils ont fondées. Ce serait une erreur de croire que la liturgie sacrée ne date que du cinquième ou de la fin du quatrième siècle, parce qu'à l'exception de la liturgie des Constitutions apostoliques, qui sont de l'an 370 à 390, les autres liturgies n'ont point été rédigées par écrit avant le cinquième siècle. La loi du secret, dont nous parlerons dans le chapitre suivant, ne permettait point de les écrire, dans la crainte qu'elles ne tombassent entre les mains des infidèles : mais les évèques et les prêtres les apprenaient de mémoire, et les conservaient soigneusement. De là l'usage d'autrefois, pour les ministres de l'autel, de savoir la liturgie par cœur.

367. En attribuant les liturgies aux apôtres, on ne prétend point leur attribuer tout ce qu'elles contiennent aujourd'hui, ni même tout ce qu'elles contenaient lorsqu'elles ont été écrites par les saints évêques dont quelques-unes ont pris le nom. Elles étaient, comme elles sont encore, sujettes à des modifications et à des changements accidentels. Ce qui convient à un temps, en matière de discipline, peut ne pas convenir à un autre, au jugement du vicaire de Jésus-Christ ou des évêques, qui, toutefois, doivent s'entendre avec le saint-siége lorsqu'il s'agit de déroger au droit commun. Le culte ne pouvait pas être le même dans les jours de persécution que dans les temps de paix, ni le sacrifice de la messe se célébrer dans les souterrains ou dans les prisons avec la même pompe que dans les temples et les basiliques. Les fêtes nouvellement établies exigent des prières nouvelles et analogues; les préfaces et les collectes composées pour solenniser la mémoire des apôtres ne peuvent être leur ouvrage : elles sont nécessairement d'une main plus récente. Il en est de même d'une partie du canon où ils sont nommés, ainsi que plusieurs saints qui ne sont morts qu'après eux. Mais on trouve dans toutes les liturgies les prières, les cérémonies, les rites qui expriment les mêmes dogmes, la même doctrine; elles n'offrent aucune différence essentielle (1).

(1) Voyez la Collection des liturgies orientales de l'abbé Renaudot.

368. On doit done regarder la liturgie sacrée comme une des sources de la tradition; elle en est le principal înstrument, comme le dit Bossuet (1). C'est une vraie profession de foi, dont l'autorité l'emporte de beaucoup sur celle de tout autre écrit particulier. Quel que soit le nom d'une liturgie, c'est moins l'ouvrage de tel ou tel auteur que le monument de la croyance et de la pratique d'une Église entière. Elle a l'autorité non-seulement d'un saint personnage, quel qu'il soit, mais la sanction publique d'une société nombreuse qui s'en est servie. Par conséquent la liturgie qui est généralement reçue dans l'Église nous offre une preuve convaincante de l'antiquité et de la perpétuité de la foi catholique, touchant certains dogmes de la religion (2). Aussi, comme le rapporte Eusebe de Césarée, Artémon, hérétique du second siècle, ayant avancé que Jésus-Christ n'était qu'un homme, le témoignage de la liturgie fut employé pour le confondre; on lui opposa la foi de l'Église contenue dans certaines hymnes plus anciennes, qui célébraient la divinité du Christ, Verbe de Dieu (3).

369. De même, saint Augustin prouvait aux pélagiens la nécessité de la grâce par les prières de la liturgie : « Élève-toi donc " contre les prières de l'Église, disait-il à Vital, et quand tu en« tends le prêtre à l'autel exhortant le peuple de Dieu à prier pour « les incrédules, afin que le Seigneur les convertisse à la foi; pour « les catéchumènes, afin qu'il leur inspire le désir de la régénéra« tion; pour les fidèles, afin qu'ils persévèrent dans la voie où ils sont entrés par sa grâce: méprise donc ces pieuses formules, et dis que tu ne veux pas prier (4). » Ailleurs, le même docteur nous représente l'enseignement de la liturgie comme étant plus à la portée des fidèles que celui qui se donne par l'Écriture sainte : Combien je voudrais, dit-il, que ces cœurs lâches et infirmes qui « ne sauraient comprendre l'Écriture, ni les expositions qu'on en fait, qu'ils écoutent ou n'écoutent pas nos instructions, considérassent plutôt leurs propres prières, ces prières que l'Église a ⚫ toujours possédées dès son commencement, et qu'elle gardera « jusqu'à la fin de ce monde! Ce point de doctrine que nous sommes

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(1) Etats d'oraison, liv. vi. — (2) Voyez le Dictionnaire de théologie de l'abbé Bergier, au mot Liturgie. · (3) Eusèbe, Hist. Eccl., tom. v, ch. xxvIII.

- (4) Exsere contra orationes Ecclesiæ disputationes, et quando audis sacerdotem Dei ad altare exhortantem populum Dei, orare pro incredulis ut eos Deus convertat ad fidem, et pro catechumenis ut eis desiderium regenerationis inspiret, et pro fidelibus ut in eo quod esse cœperunt ejus munere perseverent; subsanna pias voces, et dic te non facere quod hortatur. Epist. ad Vitalem.

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obligés non-seulement de rappeler, mais de defendre et de protéger contre les nouveaux hérétiques, jamais l'Église ne l'a omis « dans ses prières, lors même qu'elle ne jugeait pas nécessaire d'y insister dans ses prédications, aucun opposant ne s'étant pré«senté. L'Église est née, elle a crû et croitra dans ces prières, << comme dans cette foi qui consiste à croire que la grâce n'est pas donnée selon les mérites de ceux qui la reçoivent. Si donc l'Église demande à Dieu ces choses, et si elle pense en même temps qu'elle peut se les donner à elle-même, ses prières ne sont done « plus des prières vraies, mais des prières insignifiantes. Dieu nous « préserve de dire pareille chose (1)!» « L'Église n'a point à écouter de fatigantes disputes; qu'elle fasse seulement attention à ses "prières. Elle prie pour que les incrédules croient; done, c'est Dieu qui convertit à la foi elle prie pour que les croyants persévèrent; donc, c'est Dieu qui donne la persévérance jusqu'à la fin (2).

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370. Le pape saint Célestin n'est pas moins exprès : « Considérons, dit-il, les mystères renfermés dans ces formules de « prières sacerdotales, qui, étant établies par les apótres, sont répétées dans le monde entier d'une manière uniforme par toute l'Église catholique; en sorte que la règle de croire découle de la règle de prier; ut legem credendi lex statuat supplicandi (3). D'ailleurs, la liturgie, dans son acception générale, comprend dans ses différentes parties, non-seulement les symboles de Nicée et de Constantinople et la profession de foi de Pie IV, mais encore

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(1) Utinam tardi corde et infirmi, qui non possunt vel nondum possunt Scripturas, vel earum expositiones intelligere, sic audirent vel non audirent in hac quæstione disputationes nostras, ut magis intuerentur orationes suas, quas sem. per habuit et habebit Ecclesia ab exordiis suis, donec finiatur hoc sæculum. De bac enim re, quam nunc adversus novos hæreticos, non commemorare tantum, sed plane tueri et defendere compellimur, nunquam tacuit in precibus suis, etsi aliquando in sermonibus exserendam nullo urgente adversario non putavit.... Sicut ergo in his orationibus, ita et in hac fide nata est, et crescit et credit Ecclesia, qua fide creditur, gratia Dei non secundum merita accipientium dari.... Nam si hæc ab ipso quidem poscit Ecclesia, sed a seipsa sibi dari putat, non veras, sed perfunctorias orationes habet; quod absit a nobis. De Dono perseverantiæ, cap. xxi, no 63. (2) Prorsus in hac re non operosas disputationes exspectet Ecclesia; sed attendat quotidianas orationes suas. Orat ut increduli credant; Deus ergo convertit ad fidem. Orat ut credentes perseverent; Deus ergo donat perseverantiam usque in finem. Ibidem, cap. vii, no 15. — (3) Obsecra. tionum quoque sacerdotalium sacramenta respiciamus, quæ ab apostolis tradita, in toto mundo atque omni Ecclesia catholica uniformiter celebrantur; ut legeni credendi lex statuat supplicandi. Concil. du P. Labbe, tom. II, col. 1616.

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