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out constamment professé, d'une maniere plus ou moins explicite, l'infaillibilité du corps enseignant, c'est-à-dire du pape et des évéques, ceux-ci enseignant, jugeant et décidant, conformément aux enseignements, aux jugements et aux décisions du pape. Ainsi done, indépendamment des faits par lesquels nous avons prouvé qu'il existe dans l'Église un tribunal suprême et infaillible qui remonte jusqu'aux apôtres; indépendamment des considérations qui établissent la nécessité de ce tribunal, en montrant qu'il est impossible de connaître, par la voie du sens privé, les dogmes de la religion chrétienne; indépendamment des suites funestes du système protestant, qui tend à renverser les fondements du christianisme; il est constant qu'on ne peut nier l'infaillibilité de l'Eglise sans nier les promesses de Jésus-Christ, la doctrine des apôtres, et le témoignage des Pères de tous les temps, même des premiers siècles, qu'on ne peut, de l'aveu des protestants, accuser d'avoir ignoré ou altéré la vraie foi. Nous avons pour nous l'Écriture, mais l'Écriture telle qu'elle est, telle que l'ont toujours interprétée les pasteurs et les docteurs de l'Église, formant la chaîne non interrompue des témoins de la tradition, qui fixe le vrai sens des livres saints; à la différence des hérétiques, dont les interprétations arbitraires, et souvent contradictoires, tombent d'ellesmêmes.

1005. Il n'entre pas dans le plan de cet ouvrage de rapporter en détail toutes les objections qu'on a faites contre l'autorité de l'Église : qu'il nous suffise de faire observer, 1° qu'elles ont été mille fois réfutées, et réfutées victorieusement; 2° que celles de ces objections, qui paraissent les plus spécieuses, ne peuvent nous être proposées par ceux qui tiennent à la divinité du christianisme. Dire avec les uns, par exemple, que Dieu seul étant infaillible, l'infaillibilité ne peut convenir à l'Eglise, ne serait-ce pas rejeter l'autorité de Moyse, des prophètes et des apôtres ? Ne serait-ce pas vouloir même anéantir la certitude historique, qui n'est fondée que sur le témoignage des hommes? Dire avec d'autres que, chaque Église particulière pouvant tomber dans l'erreur, l'Église universelle, qui ne se compose que d'Églises particulières, peut également faillir, ce serait évidemment renouveler le scepticisme en fait d'histoire. Les sceptiques n'ont-ils pas répété que, chaque témoin pouvant se tromper ou en tromper d'autres, une ville, un peuple entier, qui ne se compose que de particuliers, pouvait aussi se tromper, ou former le projet de tromper la postérité? De ce qu'une Église particulière peut se tromper, ou se laisser entraîner dans

l'erreur, il ne s'ensuit pas, sous quelque point de vue qu'on envisage la chose, que l'Église universelle puisse s'écarter de la vraie foi. Nos frères séparés sont forcés d'en convenir; autrement ils ne pourraient pas même croire que l'Eglise de Jésus-Christ subsiste encore sur la terre. A part ce qui regarde saint Pierre, qui a reçu des promesses particulières, la promesse que Jésus-Christ a faite à ses apôtres assemblés, d'être avec eux tous les jours jusqu'à la consommation des siècles, ne s'adresse qu'au collège des apôtres et au corps des évêques leurs successeurs, et non à chaque évêque en particulier. Il peut donc arriver qu'un ou plusieurs évêques se séparent du corps épiscopal, sans que le corps épiscopal se sépare de son chef, sans que le pape et le plus grand nombre des évêques réunis au saint-siége se séparent de Jésus-Christ. Non, le Sauveur du monde l'a dit, et il ne mentira point: Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre l'Église : Et portæ inferi non prævalebunt adversus eam.

CHAPITRE II.

En qui réside l'infaillibilité de l'Église.

1006. L'infaillibilité de l'Église réside principalement dans le corps enseignant, qui se compose du pape et des évêques en communion avec le saint-siége, ou : le pape et les évèques sont juges de la foi, à l'exclusion des prêtres, des clercs inférieurs et des laïques.

ARTICLE Ier.

Le pape et les évêques seuls sont juges de la foi.

1007. C'est à Pierre et à ses successeurs que Jésus-Christ a dit : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle; et je te don« nerai les clefs du royaume des cieux (1). Pais mes agneaux, pais « mes brebis (2); confirme tes frères dans la foi (3). » C'est aux apôtres, et à ceux qui devaient leur succéder, que Notre-Seigneur

(1) Saint Matthieu, c. xvi, v. 28 et 29. (2) Saint Jean, c. xxi, v. 16, etc. — (3) Saint Luc, c. XXII, v. 32.

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s'adressait, lorsqu'il leur dit : « Je vous envoie comme mon Père « m'a envoyé (1); toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la « terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au « nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, leur apprenant à « observer toutes les choses que je vous ai ordonnées. Et voilà que « je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation des « siècles (2). » Ces promesses, il est vrai, sont pour toute l'Église : Jésus-Christ a promis d'être avec les apôtres, pour le profit et le salut de tous les fidèles. Mais elles ne s'adressent directement qu'aux apôtres; la prérogative qui en est l'objet n'est que pour les apôtres et leurs successeurs, c'est-à-dire les évêques, que l'EspritSaint a établis pour gouverner l'Église de Dieu (3), et nous empècher de flotter à tout vent de doctrine (4). Telle est d'ailleurs la croyance de tous les temps: saint Clément de Rome, saint Ignace d'Antioche, saint Irénée, Tertullien, Clément d'Alexandrie, Origène, saint Cyprien, Eusèbe de Césarée, Lucifer de Cagliari, saint Basile, saint Optat, saint Épiphane, saint Ambroise, saint Augustin, le pape saint Célestin, saint Cyrille d'Alexandrie, sans parler des auteurs moins anciens, entendent les promesses de Jésus-Christ comme nous les entendons nous-mêmes, appliquant au pape celles qui regardent saint Pierre, et aux évêques celles qui regardent les apôtres, ne les appliquant jamais aux simples prêtres. Aussi l'histoire nous montre-t-elle, dans les premiers siècles comme dans les siècles suivants, les évêques de chaque Église à la tête des prêtres, des diacres et des simples fidèles, veillant à la conservation de la foi, et condamnant toutes les erreurs, sans recourir au suffrage de ceux qui ne sont revêtus que du caractère sacerdotal. Jamais les docteurs de l'Église n'ont opposé à l'hérésie d'autre tribunal que celui de l'épiscopat. Les pères du concile œcuménique d'Éphèse fondent l'autorité de leur assemblée sur celle des évêques ; le concile de Chalcédoine, qui est le quatrième concile général, exclut de ses délibérations ceux qui n'étaient que simples prêtres ; et le septième concile général donne pour preuve de l'illegitimité du concile des iconoclastes, qu'il a été réprouvé par le corps épiscopal. Il faut donc reconnaître, comme un dogme catholique, que non-seulement le pape et les évêques sont juges infaillibles des controverses en matière de religion, ce que l'on ne peut nier sans

(1) Saint Jean, c. xx, v. 21.- (2) Saint Matthieu, c. xxvII, v. 18, etc. (3) Actes des apôtres, c. xx, v. 28. (4) Epit. aux Éphésiens, c. IV, v. 11, 12, etc.

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être hérétique, mais qu'ils sont seuls juges de la foi. « Le saint« siége principalement, dit Bossuet, et le corps de l'épiscopat uni à «son chef, c'est où il faut chercher le dépôt de la doctrine ecclésiastique, confié aux évêques par les apôtres (1). »

1008. Mais il est à observer que, pour être infaillibles, il n'est pas nécessaire que le pape et tous les évêques soient unanimes, absolument parlant de l'aveu de tous, le jugement du pape est irréformable lorsqu'il est reçu, expressément ou tacitement, par le plus grand nombre des évêques. Nous l'avons dit, si on excepte saint Pierre, qui a reçu, avec les clefs du royaume des cieux, le plein pouvoir de gouverner l'Église universelle, Jésus-Christ n'a promis son assistance qu'à l'enseignement du corps des évêques, et non de chaque évêque en particulier. Il peut donc arriver, comme en effet il est arrivé très-souvent, que l'erreur trouve des partisans parmi les évêques, même après avoir été condamnée par un concile général. La défection d'un certain nombre de pasteurs ne peut pas plus nuire à la prérogative de l'infaillibilité de l'Église qu'à sa catholicité. Ainsi, dire que le pape et les évêques sont infaillibles dans leurs jugements, c'est comme si nous disions que la plus grande partie du corps enseignant, unie à son chef, jouit du privilége de l'infaillibilité. L'unanimité morale parmi les évêques, ou le plus grand nombre d'entre eux quand la pluralité est sensible et notoire, suffit, avec le souverain pontife, pour représenter l'Église universelle. C'est ainsi que l'entendent les Athanase (2), les Basile (3), les Augustin (4), les Vincent de Lérins (5), les Pères du concile d'Éphèse (6), qui opposent l'enseignement général aux réclamations des hérétiques, qui avaient pour eux des évêques. C'est ainsi qu'on l'a toujours entendu dans l'Eglise; de tout temps on a regardé comme infaillible le corps enseignant, c'est-à-dire le pape et les évêques, sans jamais exiger parmi ceuxci l'unanimité absolue.

ARTICLE II.

Les simples prêtres, même ceux qui ont charge d'âmes, ne sont point juges de la foi.

1009. Cette proposition est une conséquence de la proposition

(1) Sermon sur l'unité de l'Eglise. — (2) Lettre à l'empereur Jovinien. (3) Lettre CCIV. — (4) Livre I, contre Cresconius, c. 3. —(5) Commonitorium, - (6) Lettre à l'empereur Théodose le jeune.

C. II.

précédente. Les prêtres ont été associés au ministère apostolique; ils peuvent, en vertu d'un pouvoir émané du pape ou de l'évêque, concourir à l'instruction des peuples, expliquer la doctrine chrétienne, conformément à l'enseignement des évêques; mais ils n'enseignent pas; ils peuvent être admis à partager la sollicitude pastorale, mais ils ne sont pas pasteurs ; ce n'est qu'improprement qu'on leur donne quelquefois ce titre. De temps en temps on les voit, en certain nombre, dans les conciles ou autres assemblées ecclésiastiques; mais ils n'y assistent que comme représentants ou conseillers des évêques; ils ne délibèrent pas; ils n'ont, généralement, qu'une voix consultative. Si, comme l'histoire nous en offre plusieurs exemples, ils ont souscrit aux actes de certains conciles avec la formule réservée aux évêques, Ego definiens subscripsi, c'est un honneur, un privilége qu'ils devaient au pape ou aux évèques, et non une prérogative inhérente au caractère sacerdotal. Aussi le pape Pie VI, par la bulle Auctorem fidei, de l'an 1794, a-t-il condamné solennellement comme fausse, téméraire, subversive de l'ordre hierarchique, contraire aux définitions dogmatiques, et comme étant au moins erronée, la proposition de quelques jansénistes, qui prétendaient que les curés et autres prêtres réunis en synode sont, avec l'évêque, juges de la foi, et que ce titre leur convient en vertu de l'ordination, jure proprio et per ordinationem accepto.

1010. Si le droit de juger sur la doctrine ne convient point aux prêtres, il convient encore moins aux diacres, aux clercs inférieurs, aux laïques. Il n'appartient point non plus aux puissances de la terre; elles ne sont établies que pour les choses d'ici-bas. Ce n'est point à César, comme nous le verrons un peu plus bas; ce n'est point à Néron, à Dioclétien, à Julien l'Apostat; ce n'est point à Henri VIII, roi d'Angleterre, ni à l'autocrate des Russies, que Jésus-Christ a confié le royaume de Dieu, le gouvernement de son Église. Ce ne sont ni les parlements, ni les assemblées nationales, ni les corps législatifs, dans l'ordre politique, qui ont été chargés d'enseigner l'Évangile aux peuples, d'administrer les sacrements, de régler le culte divin, de prescrire ou de défendre les prières pour les morts. Bien certainement, quand les apôtres continuaient à prêcher Jésus-Christ malgré la défense du sanhédrin, ils ne reconnaissaient point l'autorité de ce conseil, ni la compétence de tout autre conseil d'État en matière de religion.

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