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Stare loco, solusque pudor non vincere bello.
Acer et indomitus, quo spes, quoque ira vocasset

Ferre manum et nunquam temerando parcere ferro.
Successus urgere suos, instare favori

Numinis, impellens quidquid sibi summa petenti
Obstaret, gaudensque viam fecisse ruina (1).

Voilà bien, dans ces vers de Lucain, le César des premiers temps, des débauches et de la connivence avec Catilina. Salluste est entré plus avant que le poëte dans l'entente de cet homme qui veut toutefois être vu à la distance des siècles et dans celui de Napoléon pour être tout à fait pénétré. Quand il eut débuté, qu'il eut fait pendre quelques pirates, débrouillé aux yeux de Rome cette jeunesse si orageuse et si étrange, et démontré qu'il pouvait être à son plaisir et à son heure aussi éloquent que Cicéron, César alors choisissant la guerre, arrêta son plan; et, pendant que Pompée s'effaçait dans le repos, Crassus dans l'avarice, il entreprit de conquérir et de civiliser les Gaules, qui avaient jusqu'à lui échappé aux aigles romaines, maîtresses du mont Taurus. Il y dépensera dix ans et trois millions d'hommes; il apercevra de loin la Germanie, qui doit rester vierge des armes romaines, et il versera sur la Gaule la civilisation italienne. Guerre décisive dans notre histoire, dont l'influence ne s'est jamais effacée; elle a sauvé la France d'une demi-barbarie qui n'eût pas eu les avantages de la naïveté et de la rudesse germaniques; elle a fait des Français le peuple médiateur et civilisateur par excellence. Nous sommes les Romains des temps modernes ; comme eux, nous avons la mission de répandre nos idées et notre influence; notre goût et notre génie penchent pour la philosophie pratique et pour la guerre; nous sommes la patrie de Voltaire et de Napoléon.

La législation ne fit pas moins que les armes pour la grandeur de Rome; elle a quatre faces principales:

(1) Pharsalia, lib. I, versus 145 et seq.

Les Douze Tables;

Le droit prétorien ;

La science des jurisconsultes;

La codification des empereurs.

Les Douze Tables sont un véritable poëme juridique, une charte de garanties, un premier exemple de stipulations arrachées et écrites: progrès sur la législation sacerdotale et sur les conquêtes brillantes, mais éphémères, de la démocratie grecque. Elles sont aussi le premier monument véritable de la civilisation romaine; toute la poésie du génie quirinal s'y trouve renfermée; elles seules nous font connaître comment Rome sut passer de l'âge héroïque à l'état politique.

Le strictum jus régnait dans les Douze Tables; mais ce droit national froissait avec trop de cruauté soit les indigènes, soit les étrangers que les conquêtes de Rome amenaient. peu à peu dans son sein: il fallut composer. Dès le quatrième siècle, on avait institué un magistrat chargé d'administrer souverainement la justice, le préteur; il est facile de comprendre que tous consentirent volontiers à trouver dans cette magistrature un remède doux et puissant contre l'oppression de la loi. Le préteur fit des édits; armé du pouvoir législatif, quelquefois il introduisait un principe nouveau; le plus souvent, il adoucissait la sévérité du droit décemviral en suivant les maximes d'équité (jus gentium); il apportait des restrictions (exceptiones et præscriptiones); il déclarait nuls des actes d'ailleurs valables (restitutiones), ou enfin supposait certaines circonstances imaginaires (fictiones). Ainsi l'équité siégeait avec le préteur; et forçait peu à peu l'ancien droit. civil à partager avec elle l'empire de la légalité. Toutefois, il ne serait pas juste de se représenter le droit prétorien comme une équité arbitraire, sans règles, sans limites et sans conditions. Le droit prétorien est un autre droit civil, mais à un autre point de vue, ayant ses doctrines et ses principes, mettant une industrie infinie à se combiner et à s'ajuster avec le strictum jus, par des soudures artificielles qui

faisaient jeter des cris d'admiration à Cujas, parce qu'il en pénétrait toute l'originalité de position.

Voilà pourquoi aussi la jurisprudence revêtit à Rome un caractère scientifique, et devint vers la fin de la république un art, une carrière, une doctrine, puis une littérature et une philosophie. Suétone, écrivant la vie de César, nous a parfaitement montré le passage de la république à la monarchie. César, administrateur et législateur, corrige les Fastes, dresse un nouveau calendrier, complète le sénat, crée de nouveaux patriciens, augmente le nombre des préteurs et des magistrats inférieurs, admet aux honneurs les fils des proscrits, fait un recensement du peuple, restreint le pouvoir judiciaire aux chevaliers et aux sénateurs, répand quatrevingt mille citoyens dans les colonies d'outre-mer, se montre laborieux et sévère dans la distribution de la justice, veut travailler à l'embellissement de Rome, dessécher les marais Pontins, ouvrir une immense bibliothèque grecque et latine dont Varon devait être le conservateur; enfin, il méditait la rédaction d'un Code civil qui aurait, dans un petit nombre de livres, réduit toutes les lois romaines à des règles pratiques et claires (1). En vérité, ne dirait-on pas Charlemagne civilisant son siècle avec Alcuin, et Napoléon voulant refaire la France monarchique avec son conseil d'État? Sous le gouvernement des empereurs, la jurisprudence, fortifiée encore du secours de la sagesse stoïque et de la culture grecque, jeta un éclat extraordinaire dans les écrits de Gaïus et de Papinien, d'Ulpien et de Paul, à la fois législateurs, jurisconsultes et philosophes, rédigeant tout ensemble des traités et des codes, mêlant l'autorité de l'équité générale aux subtilités du droit civil et aux souvenirs de l'originalité nationale. Ces hommes furent les derniers penseurs de l'antiquité, qu'ils défendirent autant qu'il fut en eux, sous MarcAurèle, Caracalla et Alexandre-Sévère, des empiétements tou

(1) Suetonius, C. J. Cæsar., § 40, 41, 42, 43 et 44.

jours croissants des nouveautés chrétiennes. Résistance impuissante. La légalité païenne fut envahie par le culte chrétien qu'un homme médiocre, mais qui avait l'avantage de servir la cause du progrès social, mit sur le trône. C'est Constantin que je veux dire. Vient après lui un homme de génie, qui s'entête à restaurer ce qui ne vivait plus, et se condamne ainsi de gaieté de cœur à la défaite, et, ce qui est plus triste, au ridicule. Julien mort, le christianisme reprend son cours; il pénètre partout dans la vie publique et privée, dans la philosophie et les lettres; il s'installe de plus en plus dans la législation, jusqu'à ce qu'enfin Justinien abolisse complétement l'antiquité dans sa vaste compilation.

Quel jugement porter de l'œuvre de Justinien? Il est constant que, depuis Dioclétien et Constantin jusqu'au mari de Théodora, le droit romain a défailli sous le rapport de la science, que Tribonien a défiguré cette jurisprudence si profonde et si savante qui souvent a reçu de sa main des atteintes mortelles. Alciat le pensait au seizième siècle; François Hotmann l'a écrit avec virulence (11; Cujas, Schulting et les jurisconsultes de l'école historique allemande se sont efforcés de remonter laborieusement aux origines primitives de ces sources altérées. Mais la science, quelque précieuse qu'elle soit, est-elle tout pour l'humanité? non. Loin d'être son but à elle-même, elle n'est qu'un moyen pour arriver à l'intelligence et à la pratique du bien. Or, si dans la codification de Justinien, il y a eu décadence scientifique, il faut convenir qu'en même temps il y a eu progrès dans les idées humaines. et sociales. L'esprit humain est destiné à un mouvement continuel; quand il commence à défaillir d'un côté, il avance de l'autre. Si après Alexandre-Sévère et Caracalla la jurisprudence antique chancelle, nous en sommes dédommagés par

(1) Francisci Hotmanni Anti Tribonianus, sive Dissertatio de studio legum. Écrit originairement en français, ce petit Traité a été traduit en latin par un anonyme.

le christianisme, qui établit l'égalité parmi les hommes, et, sur les ruines de l'antiquité, renouvelle le monde.

Justinien, en rédigeant ses Pandectes et son Code, n'a fait que suivre la pente d'une irrésistible nécessité; il a accompli sa mission d'écrire le testament du droit romain. Les jurisconsultes, auxquels il commanda d'y travailler, achevèrent en trois ans les Pandectes, et l'empereur leur en avait accordé dix. C'est ainsi que de nos jours le projet de notre Code civil a été rédigé en quatre mois tant à certaines époques il y a de hâte et d'entraînement pour les choses nécessaires!

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Nous suivons les progrès de la race humaine, et nous passons avec César le Rhin, ce fleuve célèbre et historique qui sépare deux peuples, si grands et si distincts, deux sociétés d'aptitudes et de mœurs si diverses. Le cinquième siècle de l'ère chrétienne ensevelit irrévocablement le monde antique, cette liberté collective des anciens, panthéisme social où l'individu n'est plus qu'un instrument et ne sauve sa propre puissance qu'à force de grandeur et d'héroïsme; civilisation extérieure et souvent cynique où l'homme estimait qu'il pouvait se permettre certains vices pour être plus fort dans certaines vertus; vive et brillante jeunesse de l'humanité dont le souvenir l'enchante davantage à mesure que plus de siècles l'en séparent. Quand César s'engage dans les premières forêts qui s'offrirent à lui au delà du Rhin, il nous représente le génie de Rome convergeant aux temps modernes par une attraction fatale.

En effet, voici quelque chose qui n'est ni oriental, ni grec, ni romain, vraiment inconnu et nouveau. Les mœurs germaniques se placent entre la vie sauvage et la civilisation moderne comme un germe fécond qui n'a son analogue nulle

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