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des constitutions d'Innocent IV, de Grégoire X et de celles qu'il avait rendues lui-même.

Clément V disposa ensuite ses constitutions, et les canons du concile de Vienne, qu'il appela les Clémentines.

Jean XXII et d'autres papes ajoutèrent les Extravaganies communes, dont les cinq livres terminent le Corpus canonicum.

Dans cette codification successive, les papes voulurent rivaliser avec le droit romain. Ainsi, ils donnèrent la forme de Pandectes au Décret de Gratien, de Code aux Décrétales; le Sexte, les Clémentines et les Extravagantes furent rédigés sur le plan des Novelles de Justinien; il n'y eut pas même jusqu'aux Institutes que les pontifes n'aient voulu contrefaire; et, en 1580, Paul IV ordonna à Lancelot de rédiger des Institutes de droit canonique: elles servirent de manuel à la jeunesse des universités.

Cela nous conduit à considérer la position de l'Église eu égard au droit romain; elle commença par le cultiver avec ardeur; elle aimait cette législation élevée et générale, écrite dans une langue qu'elle seule alors savait à fond, dépôt de maximes d'équité, d'opinions et de faits dont l'intelligence augmentait sa culture et son crédit; elle tenta aussi d'exercer son influence sur le droit civil et d'y porter la rigueur de sa spiritualité; mais elle n'y réussit jamais qu'à demi, et, repoussée par l'instinct soupçonneux des légistes, elle devint l'ennemie de ce jus civile dont les principes étaient une arme puissante aux mains des laïques, défendit à ses membres, sous Honorius III, de l'étudier et de le professer, et désormais travailla avec persévérance à se ménager dans le droit canonique un arsenal de doctrines à elle, mélange tout à fait nouveau de théologie et d'intérêts temporels, et qui s'installa dans la science, dans les juridictions et dans les universités.

Voilà posée la triple base de la législation européenne : le droit civil, le droit féodal et le droit canonique. Ce con

cours d'éléments divers amena dans l'Europe moderne les mêmes résultats que le conflit du droit prétorien et des Douze Tables dans l'ancienne Rome. En effet, combiner et concilier des termes aussi opposés que les maximes du droit romain, les mœurs féodales, les intérêts et les prétentions ecclésiastiques, n'était pas chose facile et légère. Les jurisconsultes devinrent indispensables en Allemagne, en France, en Italie, en Angleterre et en Espagne. Ils s'associèrent à l'autorité de l'Église et de la noblesse; conseillers des rois, hommes d'État, professeurs, magistrats, ils occupèrent le premier rang jusqu'à la fin du seizième siècle.

La France, par sa révolution, a rompu aussi complétement avec le droit canonique qu'avec la féodalité catholique, elle s'est dégagée des liens temporels du clergé, pendant que la réforme en Allemagne a été souvent contrainte de respecter les établissements politiques de l'Église, et qu'avec toute son indépendance philosophique elle vit, sous certains rapports, au milieu du moyen âge.

CHAPITRE IV.

L'ANCIENNE MONARCHIE FRANÇAISE.

Trois puissances, la liberté, la religion et la philosophie, les communes, Grégoire VII, Abélard, attaquèrent presque en même temps la féodalité, cette société unique dans l'histoire, comme l'a remarqué Montesquieu, et qui rendit le service au monde de poser un point d'arrêt entre la conquête et les temps modernes. Les peuples alors étaient trop enfants pour se conduire eux-mêmes. La papauté avait une spiritualité trop générale et des passions trop italiennes pour rallier longtemps à elle les intérêts politiques de chaque nation; la philosophie, impopulaire et suspecte, épuisait d'ailleurs toutes ses forces à se défendre des persécutions de la théologie et d'Aristote.

Parut alors la royauté moderne, qui trouva dans la monarchie française son développement le plus complet et le plus fécond. Si, aussitôt après la mort de Karle le Grand, l'Allemagne s'empare du premier rang, et si alors le pape et l'empereur semblent tout dominer, dans les siècles suivants, la France se lève à son tour; elle puise dans sa configuration géographique et dans son unité monarchique la force nécessaire pour ne plus trouver, à travers des fortunes diverses, quelqu'un qui puisse la remettre à la seconde place.

L'audace et la persévérance font la grandeur de la royauté française comme celle de la papauté romaine. Un seigneur féodal, possesseur d'un fief plus central que les domaines de ses égaux, conçoit la pensée de conquérir peu à peu sur la noblesse une autorité monarchique; pensée qui est dans l'ordre politique ce que le dessein de Grégoire VII fut dans l'ordre religieux, et qui mit les rois à la tête de la société française, depuis Hugues Capet jusqu'au moment où Louis XIV entra dans la tombe.

Les premiers successeurs des comtes de Paris avaient senti confusément ce qu'ils pouvaient devenir; mais, avant Philippe-Auguste, rien de grand ne fut conçu ni tenté; et, de même que Rome triompha par une succession de pontifes illustres, depuis Hildebrand jusqu'à Boniface VIII, la royauté française poussa ses entreprises, grâce au génie différent de trois hommes, Philippe-Auguste, saint Louis et Philippe le Bel. Ils inaugurèrent la monarchie et la firent asseoir sur des fondements solides. Il ne saurait échapper que les deux rois qui ont travaillé les premiers à constituer la France ont passé une partie de leur vie dans l'Orient, et se sont montrés chevaliers héroïques et chrétiens les grandes pensées croissent ensemble et confondent leurs fruits et leurs rameaux. C'était encore une manière de contredire le génie local de la féodalité que de guerroyer pour un sentiment religieux, pour une idée générale. Philippe-Auguste songe à

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élever et à concentrer le pouvoir : il rend une ordonnance sur l'université qui ne la crée pas proprement, mais la constitue et la régularise (1). Il requiert les seigneurs de faire exécuter ses propres lois dans leurs domaines, discute avec eux ses ordonnances et leur en fait jurer l'observation. Voilà une justice et une administration générales; voilà véritablement un roi de France. Mais notre plume n'aura pas assez d'éloges pour un homme dont le royal génie est sans contredit ce que le christianisme a produit, parmi ses enfants qui ont passé sur un trône, de plus harmonieux et de plus pur. Louis IX croit à son Dieu avec toute la candeur et la foi naïve d'un enfant; il réchauffe dans son cœur les intérêts de son peuple avec toute la charité d'un père; il y travaille avec le bon sens d'un grand roi; il sait résister aux ambitions temporelles de Rome au moment où il en adore l'autorité divine. Eh! qui serait plus chrétien que saint Louis? qui croirait mieux que lui à Jésus-Christ et à son pontife? Mais rien ne peut déconcerter et faire dévier du vrai cet excellent caractère, qui seul, dans son siècle, sait accorder la raison et la foi c'est lui qui eût été dignement pape et qui méritait de parler aux rois en père et en maître. Poursuivant la pensée de Philippe-Auguste, il rend la justice plus générale encore en établissant les cas royaux, en déterminant les circonstances et les occasions où les lois de sa terre de France deviendront des lois pour les autres fiefs; il abolit le combat judiciaire, c'est-à-dire qu'il frappe au vif l'esprit guerroyant et barbare de la féodalité, qui exprimait d'une manière grossière et matérielle la croyance en la protection de Dieu pour le bon droit. Sous ce rapport, le combat judiciaire pouvait être une idée spirituelle et religieuse inconnue à l'antiquité, mais saint Louis lui substitua la jus

(1) Voyez le livre IX des Recherches de Pasquier, chapitres III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII. Les premiers temps de l'Université de Paris y sont mis dans tout leur jour.

tice même et ses paisibles débats. Les établissements du saint roi recueillirent les procédés de la pratique, quelques notions de droit romain et quelques essais de réforme. Ils sont, après les assises de Jérusalem, fruit des croisades, importation de la loi chrétienne en Asie, le premier monument de la législation française, car Charlemagne et ses Capitulaires appartiennent autant à l'Allemagne qu'à la France. On dirait que Philippe le Bel se chargea de faire payer au pontificat romain les injures de l'empereur Henri IV; Boniface VIII n'a pour se défendre du gantelet de Sciara Colone que l'insolente entremise de Nogaret, et il meurt vaincu par un caractère encore plus altier que le sien. Il est remarquable que la théocratie papale suscita elle-même les deux institutions qui devaient la réprimer et devenir pour elle un obstacle insurmontable. Philippe le Bel rendit le parlement sédentaire et composa les premiers états généraux, création politique qui devait avoir sur l'avenir une si grande influence. Nous allons bientôt examiner à part ces deux fondements de l'ancienne monarchie.

Après Philippe le Bel, de faibles rois occupent le trône : Louis le Hutin, Philippe le Long, Charles le Bel. Je passe sur les règnes désastreux de Philippe de Valois et de Jean. Je cherche les grands hommes, ces rois types de la monarchie, et qui semblent par la variété de leur caractère répondre à la variété des circonstances. Charles le Sage délivre la France des Anglais par l'épée de Duguesclin, restaure les finances, établit une bonne police et corrige, par la persévérance d'une habileté modeste, l'amertume des disgrâces qui pesaient sur le trône quand il y monta. Un siècle après, nous rencontrons un méchant homme qui rendit à la cause populaire d'incontestables services. Jusqu'à Louis XI, les rois, en poursuivant l'agrandissement de leur pouvoir, n'avaient jamais ni considéré ni traité la noblesse comme ennemie Louis XI, au contraire, lui fit une inexorable guerre, inonda les échafauds de son sang. On ne saurait comprendre

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