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On justifia ainsi cette énergique expression de Chrétien de Loges: » A Louis de Savoie succéda Philippe de Savoie, et successivement » trois autres savoyards ravageant avec la même voracité le patri» moine des pauvres '. »

Philippe, frere de Louis, n'avait pas plus de 7 ans quand il fut nommé coadjuteur de la prévôté avec droit de future succession. Il fut fait en même tems évêque de Genève : c'était en 1495.

En 1510, Philippe abandonna l'état ecclésiastique, et finit par épouser Charlotte d'Orléans, comme déjà on l'a vu.

Pendant ce temps, la prévôté du Saint-Bernard avait été administrée en son nom par Jean Arioli de la Forêt, nommé de même coadjuteur de Philippe, cum futurá successionne.

Indigné de semblables abus, l'énergique cardinal Schiner⚫ demanda pour son neveu et pour lui la commande de cette prévôté qu'il eût peut-être réformée. Il appuya cette demande d'un mémoire adressé au pape Jules II, et dans lequel il formulait des plaintes d'une gravité capitale contre les anciennes administrations. Voici, d'après M. de Rivaz, l'analyse de ce mémoire : « Le cardinal » se plaint au pape de la série interminable de prévôts commanda» taires 3, tous ennemis de la république valaisanne et sangsues des » biens de ce monastère-hôpital. Il dit que depuis 37 ans que le Bas» Valais avait secoué le joug de Savoie, les évêques de Sion et le pays » de Valais en avaient été continuellement inquiétés, et que, pour leur » súreté, ils avaient été obligés de tenir à Mont-Jou garnison, tant » en hiver qu'en été; qu'il espérait qu'en dédommagement le sou. » verain pontife lui accorderait la prévôté en commande, sinon avec » tous ses revenus, dont il (le pape) pourrait se réserver une portion considérable, du moins le tiers ou le quart d'iceux, pour qu'il

Ess. hist. sur le St-Bern., p. 94.

2 Mathieu Schiner, évêque de Sion, si célèbre par son opposition violente à la France et par l'immense influence qu'il exerça sur les affaires suisses de son

tems.

3 Chrétien de Loges ajoute: « Créés commandataires avant que de naître, » et tous commandataires dissipateurs sitôt nés. » Ess. hist. sur le St-Bern. p. 97.

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» puisse en même tems faire du bien au monastère. 2o Que cette dignité devait être réputée vacante par désertion, puisque Philippe » de Savoie, qui en avait été pourvu étant encore au berceau, venait » de quitter tous ses bénéfices pour s'engager dans le métier des » armes et dans l'état du mariage. 3o Que depuis qu'il était prévôt » de Mont-Jou il n'avait point encore fait à l'évêque de Sion l'hom» mage de la prévôté qui était du domaine spirituel et temporel de » son église, et qu'aucun de ces prévôts commendataires qui avaient » régi la prévôté au gré de leur caprice, sans règle et sans méthode, » n'avaient jamais paru à aucun synode diocésain. 4° Que le prévôt Philippe nommément laissait le monastère sans discipline, et pres» que sans religieux et sans officiers, et que les passants, à défaut » de maroniers' et de secours, périssaient misérablement sur la mon» tagne, ou étaient fort mal traités dans l'hôpital, lequel, quoiqu'il » fút fort riche, n'avait à leur présenter que malpropreté. 5o Que, » depuis près de 30 ans, on n'avait point tenu de chapitre dans la >> maison principale, mais seulement des conciliabules au-dehors, et » toujours au mépris du seigneur évêque et préfet, au préjudice. » des privilèges du monastère, maison malsaine et qui tombait en » ruine, où les religieux les plus utiles, accablés de rhumatismes, d'hydropisies et d'autres infirmités contractées au service du » public, se sacrifiaient sans espérance de récompense, puisque les » prévôts commendataires ne donnaient les bénéfices qu'à ceux qui >> ne les méritaient pas, à des jeunes gens ignorans et vicieux, à de » vils flatteurs de la puissance prévôtale 3. »

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Malgré tous les efforts du cardinal, ces plaintes demeurèrent sans effet, quant à la nomination du prévôt successeur de Philippe de Savoie. Jean Orioli fut confirmé comme coadjuteur dans son droit de succession.

Cet échec indisposa au dernier point l'irritable cardinal contre le Saint Bernard. Il reporta tout son intérêt sur l'abbaye de Saint

'Gens de l'hospice occupés à secourir et à rechercher les voyageurs avec les religieux.

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Maurice, et comme il se laissait facilement emporter à l'excès de la passion, il fallut toute l'autorité du pape, dit Chrétien de Loges, pour que les religieux destinés à recueillir les aumônes pussent « con» tinuer la quête sans risque d'être battus de verges comme des >> rodeurs 1. »

Le concile de Trente vint ensuite qui réforma partout le fatal abus des commendes. Mais il ne réussit point à sauver le Saint-Bernard de l'influence que la maison de Savoie voulait y conserver. De concert avec quelques prévôts, elle y perpétua une dignité dont elle put disposer suivant son bon plaisir. Cette dignité fut celle des coadjuteurs dont les ducs retinrent à eux la nomination, malgré les résistances des religieux et malgré le Saint-Siége lui-même.

« Lorsque les souverains pontifes voulaient s'occuper à réparer ces » maux...., le parlement de Chambéry sequestrait aussitôt les biens » du monastère existans sur les terres de sa majesté, et défendait » sous de grandes peines de contribuer à l'hospitalité, et interdi» sait toute administration au prévôt et à ses officiers au-delà des » Monts . »

Ex. hist. sur le S.-Bern. p. 100. 2 Ex. hist. sur le S.-Bern. p. 101.

J. P. O. LUQUET,

Evêque d'Hésebon.

polémique Catholique.

EXAMEN CRITIQUE

DU SYSTEME PHILOSOPHIQUE

DE M. L'ABBÉ GIOBERTI.

TROISIÈME ARTICLE 1·

L'objet de nos études est l'idée. Mais M. Gioberti ne peut en donner la notion. Il ne peut, non plus, en assigner l'origine. - Et pourtant l'idée est Dieu, la Vérité, le Christ, l'Église. Toutes les notions sont faussées et dénaturées par ces principes. — Tautologie manifeste.

Quel doit être l'objet de nos études? telle est la question que M. Gioberti va examiner dans ce chapitre. Toute la tradition, même payenne, nous dit que l'objet premier et principal de nos études doit être de connaître ce que Dieu veut que nous croyions et nous pratiquions. M. Gioberti a changé cela; selon lui : « l'objet primaire et » principal de la philosophie ou de la sagesse de l'homme, c'est » P'IDÉE. » — La tradition chrétienne nous dit nettement et clairement ce que Dieu veut que nous croyions et nous pratiquions, et l'origine de cette volonté ou de cette loi; on est en droit d'espérer aussi que M. Gioberti nous dira nettement et clairement ce que c'est que l'Idée, quelle est son origine. Jusqu'a présent il ne nous en a donné qu'une notion vague, mais voici qu'il y consacre un chapitre spécial; nous saurons donc enfin ce que c'est que cette Idée et d'où elle vient.

La question est importante, toute la philosophie de M. Gioberti est assise sur l'idée : Dieu est l'idée, le Christ est l'idée, le Christianisme est l'idée, l'Église est la gardienne et l'institutrice de l'idée. Ce sont ses propres expressions. Il faut donc être bien attentif à ce qu'il va nous dire. Pour que nos lecteurs connaissent à fond ce système et qu'ils ne viennent pas nous accuser de l'avoir tronqué ou dénaturé, nous les prévenons que nous allons citer en entier et sans

! Voir le 2e article au no 108, t. xvш, p. 434.

en rien' retrancher, tout ce que ce grand génie va nous dire de l'Idée. 'Nous nous' bornerous à joindre à ces axiomes philosophiques quelques observations. Nous prions nos lecteurs de prêter quelque attention à cette importante thèse, c'est celle de toute la philosophie moderne. Ecoutons; voici comment il commence :

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* L'OBJET primaire et principal de la philosophie est l'IDÉE, terme immédiat de l'intuition mentale. Ce mot, que Platon a consacré dans la langue philosophique de tous les pays de l'Europe, je le prends dans un sens analogue au sens platonicien, et je l'emploie pour désigner, non pas un concept qui soit nôtre, ni tout autre chose ou propriété créée, mais la vérité absolue et éternelle, en tant qu'elle apparaît à l'intuition de l'homme '.

Ainsi dès son entrée en matière, M. Gioberti, sans preuve, sans discussion, sans même en avertir ses lecteurs, résout par une simple affirmation, par une supposition, les questions philosophiques les plus ardues. On ne sera donc pas étonné qu'il donne des notions fausses, 51° Sur l'objet de la philosophie qui n'est pas l'idée, mais la connaissance des vérités réelles et positives révélées de Dieu et l'explication de ces vérités;

2o Sur l'idée même, qui, dans le sens platonicien n'est pas la vérité absolue telle que nous l'entendons, mais quelque chose, uu archétype, hors de Dieu, indépendant de Dieu, et auquel Dieu lui-même doit conformer ses pensées;

3o Il soutient cette énormité théologique qui est le fond même du panthéisme indien, que la vérité absolue et éternelle apparaît à l'intuition directe de l'homme;

4° Au reste, comme on le voit, il accepte de bon cœur ́ que c'est le système, le monde idéal payen qu'il veut introduire dans le royaume des intelligences chrétiennes, comme si le Christ avait oublié de nous apprendre quel doit être l'objet primaire et principal de notre philosophie.

Tout son livre et toute sa conduite politique ne sont qu'un développement et une application de ces erreurs. Continuons:

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Bien des philosophes ont étrangement abusé du mot Idee; je noterai en particulier les sensualistes et les pantheistes modernes. Georges Hégel, un de

[Introduction à l'étude de la philosophie,'t. 1, p. 252.

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