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lui enverrait pour le recueillir 1, et il lui ordonne de monter sur ce grand navire, entouré des sept Rischis, après avoir rassemblé la collection de tous les êtres, en prenant avec lui toutes les plantes et les semences grandes et petites. Il lui dit de parcourir sans crainte l'Océan immense et ténébreux, guidé par la seule splendeur des Rischis. Mais le Dieu-poisson interviendra lui-même :

36. « Comme un vent impétueux agitera le vaisseau, je me tiendrai près de toi, et tu attacheras ton navire à ma corne, à l'aide du grand serpent (V ́âsuki), 37. Trainant après moi sur l'Océan le vaisseau qui te renferme ainsi que les Rischis, je le parcourrai tout le tems que durera le sommeil de Brahmâ ̧ 38. Tu reconnaîtras dans ton âme ma grandeur qu'on nomme le Brahmâ suprême, et que ma bienveillance aura révélée à tes questions. »

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Satyavrata attendit l'époque fixée, et lorsqu'il eut exécuté les ordres de Vischnou, il le vit apparaître, au milieu du grand Océan, sous la forme d'un poisson de couleur d'or, ayant une corne unique sur la tête. Après avoir attaché son vaisseau à cette corne, le roi satisfait rendit hommage au Dieu sauveur qui dirigeait le vaisseau flottant.

Ici viennent plusieurs strophes conçues dans le langage exalté des adorateurs contemplatifs de Bhagavat; qu'on juge de leur mysticisme par la citation des deux dernières :

52-« Tu es l'ami affectueux, le souverain, l'âme, le précepteur, la science, la perfection désirée de tout ètre; et cependant enchaîné par le désir, le monde aveugle ignore que tu résides dans le cœur de tous les hommes.

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53. Aussi me réfugié-je, pour m'instruire, auprès de toi, ô Seigneur, Dieu désirable, auprès du meilleur des dieux : tranche en moi les liens du cœur avec tes paroles qui m'éclairent sur mon intérêt, et ouvre-moi ton séjour!» Quand Satyavrata eut terminé son adoration, Bhagavat, le primitif Pourouscha, lui enseigna la vérité, c'est-à-dire :

55. La divine collection du (Matsya) Pourána, avec le Samkhya, la théorie du Yoga, celle de l'action, et la mystérieuse science de l'Esprit, le tout sans en rien omettre.

56. Assis dans le vaisseau avec les Rischis, le roi apprit de la bouche de Bhagaval la doctrine indubitable de l'Esprit, qui est l'éternel Brahmů. ▪

1 Le Mauou du Mahâbhârala reçoit l'ordre de construire un vaisseau solide, bien muni de cordages (st. 30).

Le terme du cataclysme venu, Hari tua l'ennemi des dieux, Hayagríva, et rendit à Brahmá réveillé le corps des Védas. Quant au roi Satyavrata, qui possédait la science divine et humaine, il devint par la faveur de Vischnou le Manou Vaivasvata, chef du présent Kulpa.

Le rédacteur du Pourána termine cette histoire du poisson en promettant à celui qui l'écoutera la délivrance de ses péchés, à celui qui la récitera chaque jour, la réussite de ses projets et enfin le salut suprême. Il ne fait que renchérir un peu sur les promesses que le Mahabharata met dans la bouche du sage Markandeya à la fin de l'épisode du déluge; mais il le fait au nom du Dieu par excellence, de l'« Être cause de toutes choses qui se cacha sous la forme d'un » poisson. >>

Félix NÈVE,
Professeur de littérature orientale à l'Université catholique de Louvain.

Traditions.

LE DÉLUGE OU L'ÉPISODE DU POISSON,

TIRE DR MAHABHARATA, GRAND POÈME ÉPIQUE SANSKRIT '.

Le Mahabharata, d'où l'épisode suivant est tiré, est un poème sanskrit de plus de 250,000 vers, qui s'imprime maintenant à Calcuta, sous la direction de M. Wilson. Le Bhagavad guità, épisode philosophique très-célèbre, et connu en Europe par la traduction de M. Wilkins, et celle de M. G. de Schlegel, est extrait du même poème. On est très-incertain sur l'antiquité qu'on doit lui attribuer. M. Wilkins le fait remonter jusqu'à 2,000 ans avant notre ère. En admettant une opinion plus circonspecte, on pourrait peut-être lui accorder jusqu'à 3,000 ans d'existence. Il n'est guère présumable que la tradition rapportée dans l'épisode qui suit ait été empruntée aux Hébreux, car cette tradition se retrouve dans tous les poèmes religieux de l'Inde (A). Un des 18 Pouránas porte même le nom de Matsya-pourána ou Histoire ancienne du Poisson. Le même récit du Bagavad-pourâna, beaucoup moins développé que celui-ci, a été traduit par W. Jones dans les Asiatic. Researches. La traduction qui suit a été laissée presque tout-à-fait verbale, afin de conserver à ce récit sa couleur antique et primitive, dont une traduction plus élégante l'aurait dépouillé. Le traducteur, après avoir fait une première version en vers, a reconnu qu'il devait

4 Cet épisode a été traduit sur le texte sanskrit publié à Berlin, en 1829, par M. le professeur Bopp, sous ce titre : Diluvium cum tribus aliis Mahabhârali præstantissimis episodiis. Fasciculus prior.

(A) Nous laissons subsister cette remarque de M. Pauthier, bien certain, au contraire, que nos lecteurs reconnaîtront que ces traditions n'ont pu venir que des traditions primitives. Car, il faut noter qu'il n'est pas nécessaire que les Indiens aient reçu directement des Hébreux ces traditions; les Indiens, comme les Hébreux, descendent des fils de Noé, et c'est à cette source commune que les deux peuples ont puisé ces traditions, que les Hebreux ont conservées pures et que les Indiens ont défigurées et noyées dans des fables. A. B.

sacrifier l'élégance à la fidélité, surtout dans un sujet dont la naïveté et la simplicité monumentale font peut-être tout le prix. Le récit est en sloka ou stances de deux vers.

MARKANDEYA' dit:

1. Le fils de Vivaswata (du Soleil) était un roi et un grand sage, un prince des hommes, semblable par son éclat à Pradjápati.

2. Par sa force, sa splendeur, sa félicité et sa pénitence surtout, Manou surpassa son père et son grand-père.

3. Les bras levés en haut, ce souverain des hommes, ce grand saint, debout sur un seul pied, soutint longtems cette pénible attitude.

4. La tête penchée, le regard fixe et immobile, ce redoutable pénitent se livra à ces austérités pendant une longue série d'années.

5. Un poisson s'étant approché du pénitent aux cheveux longs et humides, sur les bords du Wárini, lui parla ainsi :

6. O bienheureux! je suis un petit et faible poisson qui ai peur » des grands et forts poissons; c'est pourquoi sauve-moi, toi qui » exauces les voeux des mortels!

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7. Car les gros poissons mangent toujours les petits poissons; telle » est notre condition éternelle.

8. C'est pourquoi, sauve-moi de ces gros monstres qui inspirent » la crainte; je te serai reconnaissant de l'action que tu auras faite » pour moi. »

MARKANDEYA dit:

9. Lui, Manou, le fils du Soleil, ayant entendu le discours du poisson, fut ému de pitié, et il prit ce poisson dans sa main.

'C'est un des interlocuteurs du poème qui est supposé s'adresser au roi Dhritarȧchtra, aveugle, père de Kourous, dont la guerre avec les Pandous, leurs cousins, fit périr, dit-on, sept millions d'hommes; ce qui explique les nombreuses épithètes honorifiques répétées à chaque vers de cet antique récit. L'auteur du poème est nommé Vyasa par les Indiens, nom sanskrit, qui-signifie compilateur, et qui indique mieux que le nom d'Homère la part qu'il aura prise à la composition de l'épopée indienne.

10. L'ayant apporté sur le bord de l'eau, Manou, le fils du Soleil, le jeta dans un vase qui brillait comme les rayons de la lune.

11. Là, ô roi! ce poisson crût par les soins de Manou, qui le soigna comme un fils en lui donnant toute son attention.

12. Mais, après un long-tems, ce poisson devint très-gros, et comme il ne pouvait plus se tenir dans le vase,

13. Le poisson dit de nouveau à Manou, en le voyant : « O bien>> heureux! porte-moi maintenant dans une autre demeure. »

14. L'ayant retiré du vase, aussitôt le bienheureux Manou transporta le poisson dans un grand lac.

15. Là le jeta Manou, le vainqueur des villes ennemies; mais le poisson y grossit de nouveau pendant un grand nombre d'années.

16. Le lac avait trois yodjanas (ou 15 milles), de longueur, et un rodjana (ou 5 milles), de largeur ; le poisson aux yeux de lotus ne put se placer,

17. Ni se mouvoir dans ce lac, ô fils de Kounti! ô maître des Vaisyas! (les agriculteurs et les marchands). Alors le poisson, en voyant Manou, lui tint de nouveau ce discours :

18. « Porte-moi, ô bienheureux! dans la compagne ou l'épouse de > l'Océan ; dans le fleuve Ganga' (le Gange), où je demeurerai; porte-moi partout ailleurs où tu le désires.

19. « Car il me convient de demeurer sans murmure dans le lien » que tu ordonneras, puisque j'ai obtenu cette grosseur extraordi» naire par tes soins, ô toi qui es sans péché ! »

20. Ainsi interpellé, Manou, le bienheureux, le puissant, transporta le poisson dans le fleuve du Gange, où il le jeta lui-même, l'indompté.

21. Là le poisson grossit encore pendant un certain tems, ô dompteur des ennemis! Alors le poisson, en voyant Manou, lui tint de nouveau ce discours :

22. « Je ne puis mouvoir ma grosseur dans le Gange, ô très-élevé!

1 En sanskrit, le nom du Gange (Gangâ) est fém ́nin : c'est une déesse; et celui qui est donné ici à la mer, Samoudra, est masculin. La figure n'a pu être rendue en français avec toute son exactitude.

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