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» Adorons le Seigneur en joignant les dix doigts des mains. »

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C'est par ces dernières paroles que se terminent presque toutes leurs prières publiques. C'est là leur doxologie. Après cet exorde, l'assemblée exécute, à la louange de lova, divers chants monotones et mélancoliques, dont l'esprit est aussi religieux que l'invocation que je viens de vous traduire. Mais le style en est plus orné; à l'éclat des images, il joint la précision de la mesure et l'harmonie des rimes; c'est, en un mot, de la poésie. Plus tard, si Yotre Grandeur le dési-, rait, nous pourrions lui communiquer quelques-uns de ces chants

Il en est un, le plus connu de tous, qui semble n'être que la tra➡ duction du verset: Ab ortu solis usque ad occasum, laulabile nomen Domini 20hing sien NO

» Avant que les Anglais s'emparassent de ce pays, les Carians ne tenaient leurs assemblées qu'en cachette. Les Birmans faisaient subir de cruelles persécutions à ceux qu'ils surprenaient en adoration devant tout autre dieu que Gaudama et ses idoles. Ils poussaient quelquefois la cruauté jusqu'à massacrer leurs victimes, et toujours, ils leur faisaient payer une forte rançon si elles ne voulaient pas apostasier. Les vieux Carians s'accordent à dire que, plusieurs fois, certains de leurs compatriotes trouvés dans les Bou-do, furent traînés à Faway devant le gouverneur, et que, sur le refus d'abjurer leur religion, ils furent soumis à une rude bastonnade, et obligés de racheter leur vie au prix de pièces d'argent, en assez grand nombre pour remplir deux COCOS.!

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Depuis l'arrivée des Anglais, ces assemblées religieuses ne sont plus guères en usage parmi les Carians les plus voisins de la côte. Sans perdre leurs traditions dogmatiques, la plupart ont fini peu à peu, en se mêlant aux Birmans, par adopter certaines pratiques superstitieuses de ce dernier peuple. Ces superstitions tendent toutes à apaiser les mauvais Nats, dont ces pauvres gens redoutent singulièrément la puissance. Comme les Birmans, ils attribuent à cette influence, provoquée par des maléfices, un grand nombre de maladies

1 C'est une chose bien importante que de conserver ces antiques prières, qui sont sur le point de disparaître; nous ne doutons nullement que Monseigneur ne leur ait demandé de les traduire.

2 Du levant au couchant béni soit le nom du Seigneur (Ps. 112).

aiguës dont ils ignorent la cause naturelle. Suivant eux, dès qu'un sorcier veut se défaire de quelqu'un, il introduit dans le corps de sa victime une poule réduite à la petitesse d'une insecte. Cette poule, avalée en respirant sans qu'on s'en doute, reprend peu à peu ses dimensions ordinaires, et finit par étouffer le malheureux qui la porte dans son sein. Carians et Birmans assurent que, quand on brûle le cadavre, l'objet du maléfice se retrouve intact au milieu des flammes. Quel que soit en ceci leur aveuglement, il paraît certain que le démon opère des choses assez merveilleuses parmi ces peuples, où il règne en maître, tandis que le sort des chrétiens ne présente rien de semblable. Ce fait, bien connu des infidèles, est, aux yeux d'un grand nombre, une forte preuve de la vérité ou du moins de la supériorité de notre sainte Religion.

» Le Carian, à son entrée en ce monde, n'est fêté en aucune manière. Il n'en est pas de même de sa sortie. Peut-être que ces pauvres gens, comme certains peuples de l'antiquité, voient la mort comme la délivrance des misères innombrables dont un nouveau-né commence seulement à subir le joug. Ils brûlent tous les cadavres, grands et petits, différant encore en cela des Birmans qui enterrent les enfants et ceux qui ont péri par un accident quelconque. Ils enveloppent le mort dans une natte, et le plus proche parent met le feu au bûcher. L'épouse ne va pas à la cérémonie funèbre de son mari, ni la mère à celle de son enfant. Les ossements épargnés par le feu, et notamment le crâne, sont portés sur une montagne éloignée; on en réserve néanmoins quelques fragmens comme souvenir du défunt. Quelques jours après le décès, et le jour du premier anniversaire, se célèbrent des fêtes en son honneur. Il serait trop long de vous en parler en détail, Nous pourrons le faire dans une autre lettre.

L'abbé PLAISANT,
Des Missions Etrangères.

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Deuxième Article 1.

§II. Etude de la tradition indienne du déluge d'après les vues de M. E. Burnouf. Preuves de l'antériorité du récit de Mahabharata sur tous les autres. Des circonstances communes aux deux versions de la même légende ; recherches sur leur homogénéité et leur caractère indien. - Des personnages en rapport avec la théorie des Manous; du fait du déluge en rapport avec la théorie des cataclysmes cosmiques : objections du commentateur indien du Bhagavata contre la réalité du fait. Observations critiques de M. E. Burnouf.- La tradition du déluge primitivement étrangère à l'Inde.

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Après avoir considéré les vicissitudes et les altérations auxquelles la tradition du Déluge a été exposée dans les siècles modernes de la littérature sanscrite, nous arrivons à la question principale que nous avons choisie pour matière de notre travail: la source de cette tradition relativement à l'Inde. M. Burnouf a consigné dans la préface du tome III du Bhagavata des recherches infiniment précieuses qui fournissent le moyen de résoudre la question ainsi posée mais, avant de rapporter les conclusions de l'illustre indianiste, nous le suivrons dans quelques-uns des aperçus dont il les a fait précéder dans sa dissertation critique.

1 Voir le 1er article au no précédent, ci-dessus p. 265.

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On ne peut perdre de vue un seul instant le fait qui ressort de l'analyse et de la comparaison des textes : l'histoire du Déluge est racontée en détail dans le Mahabharata, et c'est du poëme épique que les auteurs du Bhagavata Pourana ont tiré la matière de leur narration au chapitre 24° du livre VIII. Le changement capital qu'ils y ont introduit a consisté à faire gloire du merveilleux de cette histoire, non plus à Brahmâ, mais à leur divinité : travaillant sur le même fond traditionnel, ils en ont constitué avec peu de modifications un mythe Vischnouïte, le mythe de l'incarnation de Vischnou en poisson. Que conclure de cette différence? qu'au tems où a été rédigé le Mahabharata, la fable de l'Incarnation d'un dieu en poisson n'était pas encore une fable Vischnouïte, et qu'elle a reçu plus tard une nouvelle importance du rang qu'on lui a donné dans la série des principales incarnations de Vischnou. Car, si les compilateurs de l'épopée eussent trouvé cette fable au nombre des croyances appartenant déjà à la religion de Bhagavat, ils n'eussent pas attribué l'honneur d'une si merveilleuse incarnation à Brahmâ, à un dieu différent de celui qu'ils ont célébré avant tous les autres 1.

Ce n'est pas seulement un caractère irrécusable d'antiquité qui distingue le premier récit du second, mais c'est encore la mention exclusive du nom de Brahmâ, comme du Dieu qui agit et qui opère le miracle: ce qui atteste d'ailleurs la priorité de la fable du Mahâbhârata, ce sont les efforts que tentent les commentateurs pour donner à l'épisode un tour exclusivement vischnouïte, en faisant du nom de Brahmâ un synonyme de celui de Vischnou. Ils sont forcés, pour soutenir l'idendité, d'appliquer à leur Dieu l'épithète de Brahmâ (racine wrih), signifiant ce qui croit, ce qui va croissant, et ils font ainsi allusion à une des circonstances.extraordinaires de l'incarnation de Vischnou en poisson, comme on aura pu le remarquer précédemment. Il n'est pas besoin de dire qu'un pareil système d'étymologies conduirait à ne plus distinguer d'avec les autres une seule des divinités anciennes de l'Inde.

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2 Voyez Bopp, Préf. de ɛa traduction : die Sündfluth, etc., p. XVII-XX.

Nous devons encore toucher à un second point de comparaison qui montre également bien que le récit du Bhagavata est fondé sur le remaniement d'une source plus ancienne : il est bon de remarquer en quels lieux les narrateurs ont placé la première partie de l'action. Or, selon le Mahabharata, la scène est au nord des monts Vindhyas, auprès d'une rivière dite Virini, peut-être la Varani, un des affluents du Gange. De plus, le poisson est jeté dans le grand fleuve du Gange, et le vaisseau est attaché à un des pics de l'Himalaya. Au contraire, selon la version du Bhagavata, la scène est au sud des monts Vindhyas, dans des contrées occupées en dernier lieu par la population brâhmanique; elle se passe dans le Dravida, dénomination générale du pays des Tamouls. La rivière où était plongé le roi du Dravida, Satyavrata, c'est le Kritamâlâ qui prend sa source dans le mont Malaya, faisant partie de la chaîne occidentale des Ghates.

Il demeure établi, par la mention de ces noms géographiques, que, selon l'Épopée, la scène du Déluge est au nord de l'Inde, et qu'elle est au sud selon le Bhagavata et les Pouránas qui l'ont copié. On est en droit d'en conclure avec M. Burnouf que le récit que nous donne le premier ouvrage a été composé dans le nord de la péninsule, ou, plus précisément, dans l'Inde centrale, tandis que le récit du second l'a été dans l'Inde méridionale ou le Décan2. Le récit épique a de ce chef une incontestable priorité, puisqu'il répond à une phase plus ancienne de l'histoire de l'Inde. Le mouvement qui a porté la race arienne du nord au midi s'étant continué depuis les époques les plus reculées, l'histoire littéraire a suivi dans sa marche l'histoire politique, et il est advenu que les compilateurs des vieilles traditions, et en particulier des Pouranas, ne se sont

Dans cette partie du récit, que le Bhagavata a entièrement omise, le vaisseau est lié par les sages sur l'ordre du dieu-poisson au sommet le plus haut de l'Himavat, qui serait appelé d'après cela jusqu'à l'époque actuelle Nau bandhanam (liaison du navire) (stances 46-49). C'est un des incidens qu'il importe le plus de relever dans l'étude comparée des traditions, puisqu'un pic de l'Himalaya est littéralement l'Ararat du dé-luge indien dans le Mahabharata.

2 Préface du Bhagavata, t. III, p. xxvII-VIII,

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