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Ce n'est pas tout. On semble demander des réponses aux objections du jour, mais des réponses fortes, substantielles, accablantes. On a raison de les vouloir avec ce caractère. Elles seront faites, car les travailleurs sont à l'œuvre. Ni les formules sèches, arides, obscures, avec lesquelles on les condamne à vivre, ni l'ébranlement du sol de la patrie, ne jetteront dans leur cœur le découragement ou l'effroi. Ils ont foi en l'avenir, foi en la Providence qui tient entre ses mains l'esprit des peuples.—Et ne craignez rien: «La controverse ne se changera pas en élégie 1. On » ne s'attachera pas à maudire les docteurs du Rationalisme alle» mand; on fera mieux : on les contredira avec une patience égale » à celle dont ils ne se sont pas départis 2. »

Voyez ce qui se passe déjà. Il y a quelques années, un cri de triomphe, parti des rangs du rationalisme, accueillait l'apparition du volumineux ouvrage du docteur Strauss. La Vie de Jésus! c'était le dernier mot de la science allemande! c'était le coup de grâce donné au Christianisme et à son auteur. Pendant cinquante ans, l'exégèse avait creusé le tombeau; Strauss y faisait descendre le Christ avec son Evangile; sur le couvercle de ce tombeau il apposait un sceau qu'aucune puissance ne devait briser. Nos rationalistes français se joignaient à ceux de l'Allemagne pour le proclamer. Que reste-t-il maintenant de tous ces efforts? Le Christ est au ciel; son Evangile devient, plus que jamais peut-être, la règle que doivent embrasser les individus et les sociétés, s'ils veulent ne pas descendre dans la tombe. Les rationalistes croyaient avoir déchiré toutes ses pages; M. Chassay leur prouve avec une science et une logique désespérantes pour l'erreur, que ces pages sont intactes, et qu'on se brise quand on veut les attaquer.

II.

Un jeune membre du clergé, M. l'abbé André, entreprend un 1 M. Quinet, ibid.

2 « Il ne suffit pas de maudire (les exégèses allemands), il faut les con» tredire avec une patience égale à celle dont ils ne se sont pas dépar>>tis. » M. Quinet, Des Jésuites, p. 305.

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3 Voir Le Christ et l'Évangile, t. I, II, III.

Voir aussi Tholuck : Essai

travail semblable sur les livres de Moïse. Voulez-vous comprendre son importance et sa nécessité? Ecoutez M. Quinet: « Est-il vrai, demande-t-il, que le Pentateuque est l'œuvre, non » de Moïse, mais de la tradition des Lévites? Que la plus grande >> partie de l'ancien et du nouveau Testament est apocryphe? Cela est-il vrai? Voilà la question qui est aujourd'hui flagrante » et dont vous ne parlez pas. »

Comme on le voit, c'est toujours l'enseignement de Dieu qui se trouve mis en doute ou foulé aux pieds. M. l'abbé André se propose de le relever, comme M. l'abbé Chassay l'a fait pour l'Evangile; son intention est de répondre à la question flagrante que pose le Rationalisme.

Il y a quelque chose de grand dans le plan que M. André s'est tracé. Nous montrer Moïse remplissant tout à la fois le triple rôle de révélateur, de législateur et d'historien; citer à son tribunal les hypothèses rationalistes de nos jours, les erreurs dogmatiques et morales qui nous pressent, c'est là une vaste conception. Tous les esprits sérieux qui ont conservé le goût des fortes études, tous les hommes qui s'intéressent au triomphe de la vérité, applaudiront aux efforts de M. l'abbé André. Ils feront plus : ils les seconderont. Aujourd'hui, il y aurait crime à laisser isolés les hommes d'intelligence et de cœur qui se dévouent au culte de la science. Que deviendrait la société, si les éternels principes sur lesquels elle s'appuie allaient s'effacer? Nous ne savons que trop quels abîmes s'ouvrent sous ses pas, quand on réussit à les obscurcir, même un instant.

C'est un de ces principes, et le plus grand de tous, que M. l'abbé André s'attache à entourer de cet éclat et de ce respect qu'il ne doit jamais perdre. «La société, nous dit-il, a vu, à la » clarté d'un orage, que la cause de Dieu est aussi la sienne, et » que défendre l'un c'est défendre l'autre. Les plus implacables » ennemis de l'ordre social ont déclaré, dans d'inexprimables

sur la crédibilité de l'histoire évangélique, édit. de Valroger. La préface de cet ouvrage doit fixer l'attention.

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» blasphemes, que, pour détruire cet édifice abhorré, il fallait » commencer par la pierre angulaire qui est Dieu; que tant que » l'idée de cet être régnerait sur l'intelligence humaine, il n'y >> aurait pas de bonheur possible pour l'homme. »

Nous croyons, nous, avec un philosophe du 18 siècle, que vivre au sein d'une société sans Dieu, ce serait descendre dans un enfer. Il faut donc défendre le Dieu de nos pères, le Dieu qui établit la société sur ce principe immuable ; « Tu ne désireras >> pas d'avoir injustement le bien des autres. » Le Dieu, auteur du Décalogue, ce n'est pas le Dieu-Nature. le Dieu-Humanité, le Dieu-Philosophique de l'imagination et du mensonge, - c'est le Dieu de Moïse.

Moïse! Voilà une de ces figures rayonnantes de l'antiquité, qui traversent les siècles, sans jamais rien perdre de leur éclat. On éprouve, en la contemplant, je ne sais quel ravissement. Que de destinées reposent sur la tête de cet enfant qu'il faut, au jour de sa naissance, abandonner aux flots du Nil!.., Mais Dieu veille sur lui: il sera sauvé. Il grandira sous les yeux et dans la science de son ennemi; pour éviter son glaive, il prendra, quand il aura atteint l'âge d'homme, la route de l'exil; il passera des années dans le désert, gardant des troupeaux... Puis, un jour Dieu lui apparaît; il lui commande d'aller délivrer son peuple. — Le pâtre du désert part donc pour la cour de Pharaon. A sa voix, les prodiges se multiplient; les fers des Hébreux se brisent; la mer Rouge ouvre ses eaux, et le peuple de Dieu entre dans le désert. Le voilà qui marche, sous la conduite de Moïse, vers la terre de Chanaan, -triomphant partout des ennemis qu'il rencontre, recevant chaque jour la manne du Ciel, se désaltérant aux sources d'eau

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1 M. l'abbé André, Moïse révélateur, p. x. Le méchant a toujours eu peur de Dieu; son regard l'a toujours glacé d'effroi, il faut s'y soustraire. Mais pour le chasser du ciel, il n'a d'autres argumens à faire valoir que ceux de l'Epicurien : << Imposuistis cervicibus nostris sempiternum » dominum, quem dies et noctes timeremus. Quis enim non timeat om»> nia providentem, et cogitantem, et animadvertentem, et omnia ad se » pertinere putantem, curiosum, plenum negotii Deum? » Cic. De natara Deorum, l. 1, c. 20, édit Nisard.

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vive qui jaillissent d'un rocher ;-et cependant murmurant contre Dieu, contre son libérateur, élevant, pour l'adorer, un veau d'or. Quel courage ne fallut-il pas déployer pour gouverner', pour dompter et civiliser ces six cent mille rebelles, à la tête dure, au cœur incirconcis, au palais toujours épris des oignons et des viandes de l'Egypte! Que d'amertumes à dévorer afin de l'enfanter à l'état de peuple libre! On se révolte contre lui,-on le persécute, souvent on le maudit, et quand vient une grande calamité,- quand la foudre et les éclairs embrasent le Sinaï,-quand les cœurs sont saisis d'effroi, on tombe à ses pieds: en lui reposent sans cesse toutes les espérances. Moïse monte donc alors vers l'Eternel; il est reconnu par Dieu face à face; il reçoit de ses mains le Décalogue. Il usera le reste de sa vie à incarner cette loi dans le cœur des descendans de Jacob. Mais, un jour, laissé le doute pénétrer dans son esprit,-doute coupable qui doit être expié. Il verra donc de ses yeux le pays promis à Abraham, à Isaac, à Jacob, à leur postérité; mais il n'y entrera pas. Il meurt, en effet, «dans la terre de Moab, par le commandement du Sei» gneur 2.» Tel est l'homme. Ses écrits ne sont pas moins extraordinaires que sa vie.

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Ces livres composés, il y a plus de 3,000 ans, sous la tente du désert, ont toujours eu une étrange destinée. On les voit entre les mains de toutes les générations,-objet d'amour ou de haine,— accueillis avec enthousiasme ou soulevant d'aveugles clameurs, « soit pour l'approfondir, soit pour le combattre, soit pour le com>> menter, soit pour le défendre, le génie, dit M. André, a toujours » fixé son attention sur Moïse". »

V. Herder, Histoire de la poésie des Hébreux, p. 562, trad. de madame la baronne de Carlowitz.

2 Mortuus est ibi Moyses, servus Domini, in terrà Moab, jubente Domino. Deuteronome, XXXIV, 5.

3 « Le Pentateuque fut le premier livre écrit (en caractères alphabétiques), il a été le premier livre imprimé, il sera le dernier livre lu. Il descendit autrefois du ciel aux éclats du tonnerre; il y remontera de même au dernier jour.» M. André, Moïse révélateur, p. 10.

Ibid.,
p.

C'est que le Pentateuque présente un caractère particulier. Regardez les livres sacrés des autres peuples : ils sont faits pour une race, souvent même pour une époque; mais le livre de Moïse est « le livre de Dieu, de la nature, de l'humanité 1. »-L'humanité! elle marche et se développe dans le tems et dans l'espace; chacun de ses pas, chacun de ses campemens se trouve marqué par des découvertes scientifiques: ainsi s'étend la sphère de sa puissance. Mais ces découvertes, Moïse les avait prophétisées. Son livre précède toujours le génie dans le domaine de la science.

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Il a même à révéler à l'humanité quelques-uns de ces secrets profondément cachés qu'elle ne pourrait jamais découvrir :-l'origine et le problème de la destinée de l'homme,-la raison de cette lutte incessante dont il est le théâtre, de cette terrible propension qui l'emporte vers le mal,—de ces sueurs qu'il lui faut répandre, s'il veut rendre le sol fécond ;-en un mot, de toutes ces ruines intellectuelles et morales dont le triste spectacle frappe sans cesse le regard de l'observateur attentif. Au-dessus de toutes ces notions brille encore la grande notion de Dieu. Partout une théologie sublime tracée par la main d'un homme, en caractères ineffaçables, mais descendue du ciel, mais écrite sous l'inspiration du souffle divin.

Car c'est Dieu lui-même qui nous fait connaître sa nature 2. Toutefois, n'allez pas chercher dans le Pentateuque une exposition didactique de la théologie hébraïque. Ce ne sont pas de froids raisonnemens que Moïse nous présente. Comme il s'adresse à un peuple qui partage ses croyances, il ne s'arrête pas à prouver l'existence de Dieu; il n'enferme pas ses argumens dans la forme syllogistique. Cependant il parlera pour tous les âges, pour toutes les générations. Il y aura dans son langage et dans son procédé une clarté, une force, qui saisiront et frapperont toutes les intelligences les plus faibles comme les plus développées... Il nous fait 'M. l'abbé André, ibid., p. 10.

2

« La définition de Dieu dans le Pentateuque, n'est point de Moïse : elle est de Dieu même. Était-ce pour faire entendre que la pensée humaine n'aurait pu trouver, par elle seule, la traduction exacte de ce nom ineffable...? » M. l'abbé André, ubi sup., p. 27.

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