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mène de la pensée que le phénomène de l'univers. Raison décisive! Mais même d'après vous, du moment que vous aurez trouvé quelqu'un qui contestera l'existence du fait de la pensée, c'en sera fait, cette raison cessera d'être décisive. Véritables jeux d'enfans que tout cela. Non, non, ce ne peut pas être là la véritable raison qui vous a décidé. La véritable raison je vais vous la dire, vous l'insinuez vous-mêmes et plusieurs autres l'avouent ingénûment.

6°C'est que la philosophie a pour but principal l'étude de l'homme1; ou, comme le dit la philosophie de Senlis et plusieurs autres : L'âme est l'objet de la philosophie comme la philosophie est l'étude de l'âme 2. Voilà la vraie raison, toutes les autres, c'est évident, n'ont été inventées que pour venir en aide à celle-ci, elles ne sont guère que ses suivantes et ses dames d'honneur ; c'est-à-dire que nous avons été vaincus par l'Éclectisme, éblouis par la philosophie cousinique, traînés à la remorque par la doctrine qui réduit toute la philosophie à l'étude de l'homme, qui subordonne toute science à la science de l'homme, et qui fait de la théodicée un appendice de la psychologie, comme elle fait de Dieu une production de l'humanité.

Je sais bien que telle n'est pas la pensée de nos estimables confrères; mais pourquoi favoriser une méthode funeste en l'imitant, en la prônant à ses élèves comme la seule méthode naturelle? Pourquoi avoir l'air de tremper dans cette grande conjuration contre la vérité ? Pour eux ce besoin de commencer par la psychologie n'est qu'une illusion qu'ils se font, mais pour l'éclectisme, c'est une rigoureuse, une inflexible nécessité. Pour lui, en effet, l'âme humaine est le principe, non-seulement régulateur mais générateur, le sinus maternus de la vérité. Écoutons l'école éclectique, non pas celle qui voudrait tuer brutalement, et tout d'un coup, la foi chrétienne, mais celle qui est la plus respectueuse à son égard, qui voudrait seulement l'étouffer tout doucement en lui disant : Ave rabbi..... elle vous dira pourquoi il faut nécessairement commencer par la psychologie, et certes, cette raison vaut mieux que

▲ Ibid., p. 26.

2 Philosophie de Senlis. Tiré des cahiers donnés aux élèves.

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toutes les autres. « Entre les œuvres de Dieu, je dois m'attacher » d'abord et surtout, pour le bien connaître, à celle où il a mis le » plus de lui-même, en laquelle il a déposé une parcelle de ses per» fections infinies...Connaissant l'homme, je pourrai dès lors espérer » de comprendre quelque chose de Dieu; il faudra, pour cela, que » je tente d'élever à l'infinitude ce que j'aurai trouvé en moi de » borné 1. » C'est-à-dire que la psychologie n'est qu'un panthéisme voilé, mais qui n'en fait pas moins de l'âme humaine une particularisation de la raison divine. Ce n'est plus par l'illumination, il est vrai, que nous atteindrons ce terme, mais par la lumière réfléchie de la conscience. La Raison ne sera plus un dieu abstrait, un roi solitaire, rélégué par-delà la création sur le trône désert d'une éternité silencieuse, et d'une existence absolue qui ressemble au néant même de l'existence; mais ce sera le dieu de la conscience. La Raison ne sera plus, sans doute, le dieu absolu dans sa majestueuse indivisibilité; mais ce sera sa manifestation en esprit et en vérité. La Raison ne sera plus l'Etre des êtres; mais ce sera le Dieu du genre humain; ce sera toujours le Verbe fait chair, homme à la fois et Dieu tout ensemble 2. L'intelligence humaine ne sera plus ainsi le buisson ardent où Dieu se manifeste face à face, le Sinaï où il resplendit dans tout son éclat, mais ce sera le sanctuaire, le saint des saints où il reste caché derrière le voile. Il n'y aura plus la révélation directe, immédiate de l'illumination, mais il y aura la lumière réfléchie de la philosophie, et vous verrez que cette philosophie n'en est pas moins pour cela une révélation. C'est ce que nous prouverons dans le prochain article. L'abbé GONZAGUE, Professeur de philosophie.

1 Manuel de philos. à l'usage des collèges, par MM. A. Jacques, S. Simon, E. Saisset, Introd., 9.

2 Fragmens philos.; préface, XLIII.

Polémique catholique.

EXAMEN CRITIQUE

D'UNE ATTAQUE DIRIGÉE PAR LE P. CHASTEL, JÉSUITE, CONTRE LA PHILOSOPHIE TRADITIONNELLE.

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Sa

But et position des Annales dans leur polémique philosophique. Bonne foi en publiant les réfutations de leurs adversaires. Un nouvel opposant à la philosophie traditionnelle, le P. Chastel, jésuite. méthode; il refuse de citer les propres paroles de ses adversaires. Correspondance à ce sujet. -Historique de ces articles. - Tendance du Correspondant. Article premier.

Quand nous avons entrepris de faire la critique des principes aristotéliciens, platoniciens et cartésiens, qui forment la base de la philosophie actuelle, nous n'avons pas prétendu ne poser que des principes à l'abri de toute erreur, et par conséquent de toute attaque; nous n'avons pas espéré surtout que les professeurs de philosophie, qui ont blanchi dans leur chaire, enseignant à toute notre génération l'art sublime de penser et de raisonner juste, approuveraient toutes nos paroles, céderaient sans combattre, et avqueraient innocemment que eux, qui ont appris aux autres à raisonner, n'ont fait que raisonner à faux, Non, certes, nous connaissons assez la nature humaine, et celle toute spéciale des professeurs de philosophie, pour savoir qu'ils ne céderaient pas sans combat. Au contraire, si quelque chose nous a étonnés, c'est que les professeurs de la vieille méthode, de la méthode mixte, ne se soient pas défendus avec plus de vigueur, et nous avons dû en conclure que les derniers tems de la philosophie sont arrivés; ces tems où en était la religion païenne quand ses augurés, comme le dit Cicéron, ne pouvaient plus se regarder sans rire.

Pour nous, loyaux adversaires, par respect pour la vérité et pour nos lecteurs, nous avons publié tout ce que MM. les abbés Noget, Maret, Espitalier, D. Gardereau, ont cru devoir reprendre

ou réfuter dans nos articles. Les pièces ont été mises sous les yeux de nos lecteurs qui ont pu juger de l'attaque et de la défense.

Aussi, quand nous avons su qu'un membre honorable d'un corps illustre, un ancien professeur de philosophie, le P. Chastel, jésuite, devait critiquer notre méthode et nos tendances, nous nous en sommes réjouis. Nous croyions trouver un adversaire qui, loyalement, citerait nos paroles, ferait observer ce qu'il peut y avoir de vraí, ou d'exagéré ou de faux ; nous nous préparions à entrer en un sérieux et amical examen avec lui de toutes nos pensées et de toutes nos expressions, pour, ensemble, aider à débrouiller ce chaos que l'on appelle la philosophie, et au milieu duquel le Christianisme et la Société sont menacés de disparaître.

Malheureusement, notre attente a été trompée. Le P. Chastel évite toute discussion précise; il choisit des phrases ou des lambeaux de phrases, dans les Annales, dans les écrits de M. Bautain, de Mgr Affre, de Mgr l'évêque de Montauban, de M. Nicolas; il amalgame tout cela ensemble, met toutes ces paroles sous les mêmes guillemets, et sans citation, sans précision, sans moyen aucun pour ses adversaires de savoir ce qu'il leur attribue, il attaque toute la philosophie traditionnelle au profit de la philosophie rationaliste. Comme les paroles des Annales sont celles qui sont citées avec le plus de précision, et qu'il n'y a pas pour elles possibilité de se dissimuler l'attaque, nous crûmes devoir nous adresser à la loyauté du P. Chastel lui-même, et nous lui écrivimes la lettre suivante : Paris, le 11 avril 1849.

Mon Révérend Père,

Je viens de lire avec beaucoup d'attention, dans le Correspondant, votre premier article sur les rationalistes et les traditionnels. Je suis bien aise de voir cette importante question examinée par un homme de votre science et de votre mérite; j'en fais mon profit et je compte faire part à mes lecteurs de vos réflexions et de mes remarques. Mais il y a une chose qui me peine, c'est de voir que vous citez plusieurs de mes paroles mêlées avec celles d'autres écrivains dont je suis loin de partager les opinions, et que vous n'indiquiez pas où sont prises ces paroles. Certes, je me verrai avec plaisir réfuté et corrigé, mais je demande au moins que l'on ne confonde pas mon opinion avec celle des autres et que l'qu indique où se trouvent les paroles que l'on blame en moi.

Ceci me paraît juste, et il me serait pénible de commencer la discussion par formuler une plainte qui pourrait porter sur la loyauté. Je promets moi-même de bien me conformer à ce que je vous demande, et la discussion pourra alors être vraiment utile.

Je suis avec une parfaite considération, etc.,
BONNETTY.

Le P. Chastel nous répondit par la lettre suivante :

Monsieur,

J'ai reçu votre lettre du 11, dans laquelle, avec des éloges que je ne puis recevoir, vous m'adressez un reproche que je ne crois pas mériter. Non, Monsieur, le fait que vous incriminez ne blesse en rien la loyauté, et je suis convaincu que le public y verra toute autre chose que ce que vous avez cru y voir. J'attaque les doctrines; je n'attaque pas les personnes, je les respecte, surtout quand il s'agit de catholiques. Pour les doctrines que je signale, chacun est libre de les laisser à d'autres comme leur appartenant, ou de les prendre pour soi et de les défendre comme siennes. Mais en tout cas les noms propres n'y font rien. Il faut même que tout ce qui est personnel soit écarté de ce débat, et que la discussion porte uniquement sur le fond des doctrines. Agir autrement, serait peu honorable et nuirait à la cause que l'on défend.

Je suis avec une parfaite considération, etc.,
CHASTEL.

Jeudi 12 avril. Nous l'avouons, cette lettre fut loin de nous satisfaire, cependant comme nous étions bien aise de cette controverse, même dans les termes où on la posait, nous commençâmes l'examen du travail du P. Chastel; mais à mesure que nous avançions, en voyant combien nos pensées étaient dénaturées et nos phrases tronquées; avant de nous plaindre en public de cette façon d'agir, nous voulûmes faire une dernière tentative et nous écrivîmes encore au P. Chastel la lettre suivante :

Mon Révérend Père,

Paris, le 21 avril 1849.

Reconnaissant complétement le droit que vous avez de donner à votre polémique la forme qui vous paraît la plus convenable, j'avais renoncé à vous adresser une nouvelle lettre. Mais à mesure que je prépare la réponse que je fais à votre article, il me semble que je dois encore, dans l'intérêt de la cause que nous défendons tous les deux, vous adresser les observations suivantes.

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