Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

de ces biens et de les appliquer à des usages tout autres que ceux auxquels le légitime possesseur les destinait, le même Etat peut et doit aller beaucoup plus loin encore, disent les socialistes. Il peut et doit au besoin, étendre cette toute-puissance qu'il usurpe à toutes les propriétés des aggrégations publiques et particulières, aux propriétés de l'individu, comme à celles de l'association. En un mot, lorsque l'intérêt du moment l'exige, il peut et doit déshériter les familles pour subvenir à ses propres besoins. Il peut et doit faire disparaître telles inégalités sociales qu'il est à même de détruire et qui blessent les yeux de plusieurs. Il peut, et l'on doit, par ce même principe, l'y contraindre, il peut et doit retrancher partout une opulence qui insulte à la misère du pauvre. Il peut et doit établir enfin l'heureuse égalité de misère que l'école sociale se chargerait de procurer.

Or, précisément parce que ces conséquences semblent d'une logique rigoureuse, précisément parce qu'on ne saurait les envisager sans effroi, précisément aussi parce que les spoliations faites aux dépens de l'Eglise y portent, et que les abus commis dans l'usage des biens de l'Eglise ont amené ces mêmes spoliations; à cause de cet enchaînement fatal de circonstances, il nous importe de distinguer nettement la légitimité et l'inviolabilité sociales des propriétés ecclésiastiques, des fautes commises dans l'usage qu'on a pu en faire. Nous devons, dans nos paroles, défendre les principes avec courage, et flétrir les abus sans faiblesse. Nous devons, dans nos actions, montrer que si la possession de ces biens est légitime, le but auquel nous les destinons est pieux et sacré. Tel est le seul moyen qui nous reste, s'il en est tems encore, de faire revenir à de plus justes sentimens l'opinion politique prépondérante; tel est le seul moyen d'empêcher désormais les fils de la génération qui s'éteint d'appliquer à outrance les principes sophistiques de leurs pères.

Ce devoir, nous voulons le remplir en tout ce qui dépend de nous dans le tableau que nous allons faire des libéralités répandues sur le Saint-Bernard, des résultats bons ou mauvais que ces largesses produisirent.

D'après le sentiment que nous avons adopté, saint Bernard aurait établi son hospice au Mont-Joux dans le tems qui s'écoula entre l'année 1032, époque de la mort de Rodolphe III et l'année 1049 où Léon IX passa la montagne.

A l'occasion de ce même passage, nous voyons aussitôt le comte de Iserette, parent du pontife, faire des dons considérables à l'établis sement où il prend même des chanoines pour la collégiale qu'il fonde -au chef-lieu de son comté. Nous voyons également l'anglais Reuklin exécuter le même voyage, et se montrer non moins généreux pour l'hospice. Telles sont, comme déjà nous l'avons indiqué, les premières donations connues en faveur du monastère.

De 1078 à 1103, Humbert II, fils d'Amédée II, comte de Maurienne, en augmenta considérablement les revenus.

En 1125, Amédée III fit une donation bien touchante, quant à l'origine de biens qu'elle procurait au monastère. Dans un tems où la législation la plus barbare était en vigueur contre les voyageurs et les étrangers, c'était certainement une consolation pour les familles d'apprendre que les dépouilles de leurs parents morts dans le redoutable passage demeuraient la possession des hommes dévoués qui avaient au moins recueilli leurs cadavres, s'ils n'avaient pu, au prix de leur vie, sauver celles des malheureux voyageurs. Or, Amédée leur en donna l'assurance par sa donation.

Il accorda aux religieux du Saint-Bernard, sur tous les voyageurs, le droit d'échute dans la montagne, depuis le Bourg-Saint-Pierre d'un côté, jusqu'à la Fontaine-Couverte de l'hospice; et, de l'autre, depuis cette même fontaine jusqu'à la sortie de la vallée.

Le pape Lucien III confirma cette donation en 1182. Les comtes Thomas, en 1206, et Amédée IV, en 1248, font de même, ainsi que l'État du Valais, vers le commencement de ce même siècle. Le même état reconnut de nouveau ce droit, ainsi que plusieurs autres, en 1586.

Le comte Amédée III, du reste, ne s'était pas borné, en faveur du Saint-Bernard, à des dons de cette nature. Il avait cédé à l'hospice, en 1137, la terre et l'hôpital de Château-Verdun; tandis qu'en 1141 saint Pierre de Tarantaise donnait aux mêmes religieux, pour l'entretien de la maison hospitalière du Petit-Saint-Bernard, les prieurés de Saint-Jaquême, de Sest et de Châtel-Argent.

Une donation, faite au Saint-Bernard en 1154 par Henri, comte palatin de Troyes, est assez intéressante pour l'histoire du commerce

[ocr errors][merged small]

et de l'industrie en France. Le comte accordait aux religieux de l'hospice, entre autres avantages, la moitié du péage des toiles qui se vendaient à Provins. Cette donation est confirmée par Henry de Carinthie, évêque de Troyes, lequel, d'accord avec le comte, leur donne aussi un hôpital (Domus Dei) dans la ville. Le tout fut confirmé quelques années plus tard par le pape Adrien IV.

L'année 1176, eut lieu en faveur du Saint-Bernard, l'acte de l'empereur Frédéric Barberousse dont nous avons déjà parlé.

L'année suivante, le pape Alexandre III confirmait les donations faites jusqu'alors à l'hospice. De ce nombre se trouvaient déjà des terres concédées par la couronne d'Angleterre, et une quantité d'églises, de chapelles, d'hôpitaux et de propriétés territoriales en Bourgogne, en France', en Savoie, en Suisse, en Italie, en Sicile et en Allemagne.

En 1180, eurent lieu les deux actes par lesquels l'empereur Henry VI prend sous sa protection l'hospice du Saint-Bernard, et assigne des revenus à ce même établissement.

Neuf ans plus tard, Thomas Ier, comte de Maurienne, accorda aux religieux une faveur d'une bien grande importance pour l'exercice de l'hospitalité. Il leur donne en propriété, « pro remedio animæ suæ » et patris sui Humberti », les bois de Ferray et des environs, jusqu'à concurrence de la quantité requise pour alimenter l'hospice. Il leur accorde en même tems des pâturages suffisans pour les chevaux nécessaires au transport du bois coupé pour le chauffage. Il leur concède, en outre, un de ces droits qui, tout en procurant l'avantage des établissemens religieux qui l'exerçaient, procurèrent si souvent des biens inappréciables pour tout un pays. Il leur donna le droit de construire à leurs frais, de la manière et dans le lieu qui leur semblerait le plus convenables, une route pour l'exploitation de ces mêmes forêts.

Mais, comme il arrive trop souvent en pareille circonstance, l'esprit d'envie et le sentiment d'intérêt particulier excitèrent parmi les

L'établissement, dès cette époque, possédait dans le diocèse de Langres, des terres ou des revenus à Bar-sur-Seine, Val-Suzon et Sexfontaine. « Pour le bien de son âme et de celle de Humbert, son père.

habitans du village d'Orsières, voisins du bois de Ferray, un esprit très-violent d'opposition contre les concessions du comte.

Celui-ci, par deux actes adressés à Uldric, châtelain de Chillon, et aux officiers du comté dans l'Entremont, parvint à en assurer l'exécution sous la menace des plus graves peines. Dans le premier, il ordonne à Uldric « ut exturbet è patriâ, bonis publicatis, quoscumque » leserint nuntios Montis Jovis educentes vel cedentes ligna in pre» dictis nemoribus ». Dans l'autre, il ordonne l'exécution immédiate de ses volontés, « sub pœnâ amissionis bonorum et crucis iis qui >> ejusmodi jussioni obstare præsumpserint'. »

Le pape Clément III, au mois de mars 1191, et le comte Amédée IV, en 1248, confirmèrent la même donation.

En 1202 et 1207, le grand pape Innocent III accorda deux bulles de confirmation de tous les priviléges, donations ou autres faveurs accordés à l'hospice du Saint-Bernard depuis les premiers tems de l'établissement. Grégoire IX fit de même en 1231; Clément IV en 1268, Honorius IV en 1286 2, Clément V en 13093, Jean XXII en 1324, Clément VI en 1342, Innocent VI en 1357, Urbain V en 1368, et Grégoire XI en 1374, l'imitèrent également.

Dans le tems du malheureux schisme d'Avignon, les différens compétiteurs à la papauté s'efforcèrent, comme partout ailleurs, à se concilier la faveur de Saint-Bernard, par des concession de même nature. Puis, lorsque sous Martin V, temporum suorum felicitas 4, comme le dit l'inscription tumulaire de son tombeau 3, lorsque sous

[ocr errors]

1 Annol., p. 5. Qu'il chasse du pays tous ceux qui blesseraient les envoyés du Mont-Joux chargés de couper et de transporter ces bois, et qu'i confisque leurs biens. » — Sous peine de la perte des biens et du dernier supplice pour ceux qui oseraient s'opposer à ces ordres.

2

• D'après cette bulle, on voit qu'à ses autres possessions dans le diocèse de Langres, le Saint-Bernard avait ajouté alors l'hôpital de Voisey, la grange et les vignes de Pratel.

3 Dans cette bulle, le Pape parle ainsi des religieux de l'hospice : Atten» dentes igitur quod circa humanitatis solatia peregrinis et pauperibus exhi» benda versatur totaliter sollicitudinis vestræ cura, propter quod dignos vos ⚫ apostolicæ sedis gratiâ reputamus.»

«La félicité de son tems. »

'Sur la tombe en bronze qui se trouve à Saint-Jean-de-Latran.

Martin V la paix se rétablit dans l'Église, la bienveillance du SaintSiége pour un aussi précieux établissement fut loin de se ralentir.

Nous avons déjà vu quel service immense ce pape rendit à l'hospice, en réglant d'une manière convenable les exemptions des religieux, par rapport à la juridiction épiscopale. Il ne borna point là ses faveurs, comme on peut le voir par ses bulles de 1418 et 1422.

Le concile de Bâle, dans ses prétentions illégitimes, voulut aussi se montrer généreux vis-à-vis de l'hospice, aux dépens mêmes de l'autorité pontificale..

Mais la réforme opérée en 1438 par le pape Eugène IV, fut un biensait tout autrement précieux à l'établissement, que les faveurs illégales d'une assemblée ambitieuse. Nous en donnerons bientôt la preuve.

Constatons, en attendant, que Pie II, Paul II, Sixte IV, Pie III, Jules II, Clément XI, Clément XII, Pie VII et Léon XII, se montrèrent aussi bienveillans pour les religieux et pour l'hospice, que l'avaient été leurs prédécesseurs.

Nous pourrions également citer une foule de donations de particuliers ou de princes en faveur de l'établissement. A ceux que nous avons mentionnés jusqu'ici, qu'il nous suffise d'ajouter les suivans.

Ainsi, le 18 juillet 1274, le roi d'Angleterre, Édouard Ier, confirmait la donation faite 74 ans auparavant, par Éléonore sa mère, aux religieux dépendant du Saint-Bernard, dans son royaume.

Amédée V, comte de Savoie, accordait également des faveurs à l'hospice en 1314. Le comte Édouard se montrait plus généreux encore en 1324 et en 1326, lorsqu'il confirmait les anciens priviléges, lorsque surtout il exemptait les hommes du Saint-Bernard des charges onéreuses qu'entraînait le passage des princes, et que l'on connaissait sous le nom de droit de cavalcade ou autres.

De l'ensemble de ces biens, donations ou priviléges, la charité chrétienne forma le fonds de richesse consacré au service des pauvres et des voyageurs, pour l'exercice de l'hospitalité. C'est par ce moyen que, depuis l'héroïque entreprise de saint Bernard de Menthon, jamais cette même charité n'a cessé de rendre à tant de malheureux les

Droit qu'avait le prince de prendre chez les particuliers tous les chevaux nécessaires au transport de ses bagages sur les grands chemins.

« ZurückWeiter »