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FUNÈBRES

DE BOSSUET,

ÉVÊQUE DE MEAUX.

NOUVELLE ÉDITION.

AZ 6508

PARIS.

L. HACHETTE, LIBRAIRE,

RUE PIERRE-SARRAZIN,

No 12.

1833

1

ORAISON FUNÈBRE

DE LA REINE

DE LA GRANDE-BRETAGNE,

Prononcée le 16 novembre 1669, en présence de Monsieur, frère unique du Roi, et de Madame, en l'Eglise des Religieuses de Sainte-Marie de Chaillot, où avait été déposé le cœur de Sa Majesté.

Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui judicatis

terram. PSAL. 2.

Maintenant, ô rois, apprenez; instruisez-vous, juges de la terre.

MONSEIGNEUR,

CELUI qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorific de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et de terribles leçons. Soit qu'il élève Bossuet

les trônes, soit qu'il les abaisse, soit qu'il communique sa puissance aux princes, soit qu'il la retire à lui-même, et ne leur laisse que leur propre faiblesse, il leur apprend leurs devoirs d'une manière souveraine et digne de lui; car, en leur donnant sa puissance, il leur commande d'en user, comme il fait lui-même, pour le bien du monde; et il leur fait voir, en la retirant, que toute leur majesté est empruntée; et que, pour être assis sur le trône, ils n'en sont pas moins sous sa main et sous son autorité suprême. C'est ainsi qu'il instruit les princes, nonseulement des discours et par par des paroles, mais encore par des effets et par des exemples. Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui judi

catis terram.

Chrétiens, que la mémoire d'une grande reine, fille, femme, mère de rois si puissans, et souveraine de trois royaumes, appelle de tous côtés à cette triste cérémonie, ce discours vous fera paraître un de ces exemples redoutables qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entière. Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines: la félicité sans bornes, aussi bien que les misères, une longue et paisible jouissance d'une des plus nobles couronnes de l'univers; tout ce que peu

vent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulées sur une tête, qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune; la bonne cause d'abord suivie de bons succès, et depuis, des retours soudains, des changemens inouis; la rébellion long-temps retenue, à la fin tout-à-fait maîtresse; nul frein à la licence; les lois abolies; la majesté violée par des attentats jusqu'alors inconnus; l'usurpation de la tyrannie sous le nom de liberté, une reine fugitive qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes, et à qui sa propre patrie n'est plus qu'un triste lieu d'exil; neuf voyages sur mer entrepris par une princesse malgré les tempêtes; l'Océan étonné de se voir traversé tant de fois en des appareils si divers, pour des causes si différentes; un trône indignement renversé et miraculeusement rétabli. Voilà les enseignemens que Dieu donne aux rois; ainsi fait-il voir au monde le néant de ses pompes et de ses grandeurs. Si les paroles nous manquent, si les expressions ne répondent pas à un sujet si vaste et si relevé, les choses parleront assez d'elles-mêmes. Le cœur d'une grande reine, autrefois élevé par une si longue suite de prospérités, et puis plongée tout à coup dans un abîme d'amertume, parlera assez haut; et, s s'il

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