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tions nous rappellent plusieurs déluges en Grèce, durant lesquels la Thessalie devait offrir un vaste lac qui s'écoula par le Pénée; la Béotie, au contraire, dut être inondée par les dégorgements du lac Copaï (1).

Si nous revenons à des souvenirs plus précis, c'est-à-dire plus rapprochés, au temps d'Homère, on pouvait naviguer de l'île du Phare au lac Maréotis, qui avait cinquante milles d'étendue; Strabon, qui vécut neuf siècles après le poëte, ne lui en trouva plus que vingt; et, depuis, les sables poussés par la mer et par le vent formèrent la langue de terre sur laquelle fut bâtie Alexandrie, obstruèrent la bouche du Nil la plus voisine, et firent disparaître ce lac (2). Ce fut pour cela que les prêtres égyptiens dirent à Hérodote qu'ils regardaient leur pays comme un don du Nil (3), et que le Delta était de formation récente. Dans Homère, en effet, il n'est pas fait mention de Memphis, mais seulement de Thèbes (4). Les principales bouches du Nil étaient la Pélusiaque et la Canopique, et la plage s'étendait en ligne directe de l'une à l'autre, au temps où Ptolémée traçait sa géographie; plus tard, le fleuve se jeta dans les bouches Bolbitine et Fatnitique, et la plage prit la forme d'un croissant. Rosette et Damiette, qui s'élevaient là sur la mer il y a mille ans, en sont distantes aujourd'hui de deux lieues. Le sol des bords du Nil s'exhausse en même temps qu'il se prolonge; ce qui fait que les monuments antiques gisent en grande partie sous terre.

Parmi les mille exemples que me fourniraient toutes les contrées, je choisis ceux offerts par des pays sur l'histoire desquels nous devons porter une attention plus spéciale. Les alluvions du Nil ébranlent l'antiquité indéfinie à laquelle prétendent les Égyptiens. M. de Girardin (5) démontre en effet que le terrain des pays niliaques s'élève de vingt-six millimètres par an; or,

trionale, par celle de Madère et autres voisines à son extrémité orientale, par les îles Canaries au sud de Madère et par celles du Cap-Vert à son extrémité méridionale. Cette opinion avait été produite par Mentell, mais avec moins de précision. Voy. l'Encyclopédie, art. Ile Atlantique.

(1) Déluge d'Ogygès.

(2) Voyez un Mémoire de Dolomieu dans le Journal de physique, t. XLII, p. 40. Selon lui, l'élévation dans le Delta égyptien par les alluvions est de deux pieds tous les cent vingt ans.

(3) HÉRODOTE, Euterpe, 5 et 15.

(4) L'observation est d'Aristote, liv. 1, chap. 14 des Météores

(5) Dissertation à l'Académie des sciences, 1818.

celui sur lequel Thèbes est bâtie étant d'une profondeur de six mètres, elle ne peut aspirer à plus de quarante-cinq siècles d'antiquité.

Ce qui arriva du Delta égyptien se réalise également pour celui du Rhône, dont les embouchures, en dix-huit cents ans, se sont prolongées de neuf milles. Les plus belles cités de l'ÉOlide se voient couvertes par les atterrissements; Élée, Cumes, Pitane, percent à peine au-dessus des sables du Caïque qui comblèrent le port de Pitane et le golfe en avant d'Élée; l'Hermus tardera peu à avoir fermé le golfe de Smyrne; le Méandre a fait un lac de celui de Mitylène; celui d'Ephèse fut encombré par le Caïstre (1). Que de changements en peu de siècles! Ainsi, les dunes du golfe de Gascogne enterrèrent beaucoup de villages mentionnés sur les cartes du moyen âge, et menacent d'en recouvrir d'autres, n'avançant pas moins de soixante et douze pieds l'an, de sorte que dans vingt siècles elles auront gagné Bordeaux (2). M. de Lamartine (3) nous montrait naguère les bancs de sable rouge qui, mal contenus par la forêt de Fracardin, poussent en avant sur Beyrouth en Syrie. Denon (4) énumère combien de villages et de cités en Égypte furent envahis par les sables, depuis que l'inertie musulmane cessa d'y porter remède; tout ce qui s'étend entre la chaîne libyque et la mer en serait entièrement couvert, si le vice-roi actuel n'avait fait planter des arbres par milliers dans les vallées sablonneuses. Bassora, au contraire, n'aura pas à attendre longtemps les flots qui ajouteront au golfe Persique ses plaines si florissantes dans un temps de magnifique civilisation.

Mais pourquoi chercher si loin des exemples? N'avons-nous pas sous les yeux Venise conservant à grand'peine ses lagunes? et Ravenne, éloignée de trois milles de la mer sur laquelle elle était assise, et Adria, à dix-huit milles des flots auxquels elle a donné son nom? Il y a des géologues qui soutiennent que les monts Euganéens ont été des îles. Le Pô, qui coule renfermé dans des digues, a élevé son lit au-dessus des toits des maisons de Ferrare (5): menace terrible, comme celle des fleuves de

(1) TEXIER, Rapport au ministre de l'intérieur.

(2) Voir Mémoire de M. BRÉMOUTHIER sur la fixation des dunes.

(3) Souvenirs d'un voyage en Orient.

(4) Description de l'Égypte.

(5) PRONY, inspecteur général des ponts et chaussées, membre de l'Institut français, chargé, au temps du royaume d'Italie, d'étudier les remèdes à ap

Hollande, dont les eaux coulent jusqu'à trente pieds au-dessus de la plaine. A partir de 1604, le Pô a prolongé son lit dans la mer de six mille toises, et l'on ne pourra mettre obstacle à ses ravages qu'en lui ouvrant de nouveaux canaux dans les terrains qu'il a déposés. Dans la campagne de Rome, la mer venait baigner les murs de Tarquinie; elle en est aujourd'hui distante d'une lieue: Trajan construisit à l'embouchure du Tibre un port qui est actuellement à deux mille deux cents mètres du rivage; et une tour élevée sur la mer par Alexandre VII en est à cinq cent cinquante-quatre.

Voilà une partie des changements apportés depuis les temps historiques par les seuls atterrissements et par les bancs de sable. Qui dira en outre l'effet de cinq cent cinquante-neuf volcans toujours embrasés (1) ?

de

La nature cependant ne travaille pas seulement à détruire, elle forme encore à présent de nouvelles terres. Certaines eaux, au moyen de l'acide carbonique dont elles sont saturées, dissolvent les substances calcaires, puis les laissent se cristalliser en stalactites qui fournissent une digue aux terrains d'alluvion, formant ainsi des levées naturelles; phénomène lent ailleurs, mais très-actif dans les mers équatoriales, où l'on dirait que, même que la civilisation n'y fait que de naître, la nature n'a pas acquis encore le calme de nos climats. Des rameaux entrelacés de corail et d'autres zoophytes s'élancent de l'une à l'autre des montagnes sous-marines qui entourent les continents de l'Océanie, et forment des bancs ou des îles nouvelles. Autour de l'île de Peel, et dans tout l'espace qui s'étend du pied de la NouvelleZélande au nord des îles Sandwich, un œil exercé voit s'amonceler de telles masses de polypes, qu'elles rendent ces eaux trèsdangereuses pour les gros vaisseaux. La mer, en s'y brisant, y dépose un sable calcaire qui en fait bientôt un terrain solide où le vent et les oiseaux portent des semences, et l'on voit des prés verdoyants où naguère roulaient les flots en fureur. Celui qui observe cet accroissement rapide se reporte en imagination aux temps qui précédèrent l'existence de l'homme, et croit être

porter aux dévastations du Pô, examina le déplacement du rivage de l'Adriatique à l'embouchure de ce fleuve.

(1) ARAGO, dans l'Annuaire du bureau des longitudes, 1824, disait qu'il restait encore 163 volcans non éteints. Maintenant on en compte 22 en Europe, sans y comprendre l'Islande, 126 en Asie, 25 en Afrique, 204 en Amérique, et 282 dans l'Océanie.

encore à ce jour de la création où Dieu séparait les eaux de la terre (1).

Il n'est pas besoin de dire quelle force productrice déploie la nature dans ces terrains nouveaux, tant à l'égard de la végétation vigoureuse dont ils se couvrent, que de la multiplication des animaux. Une de ces îles, où quelques naufragés anglais abordèrent en 1589, fut trouvée, en 1667, par les Hollandais, peuplée de douze mille personnes descendues de quatre mères seulement (2). Cent ans après la découverte de la NouvelleEspagne, on y voyait paître des troupeaux de soixante et dix jusqu'à cent mille têtes de bétail, bien que les brebis n'y eussent été portées que par les Espagnols; les bêtes à cornes avaient multiplié dans la même proportion (3). En Europe aussi, nous pouvons voir combien la végétation se montre vivace et luxuriante sur les laves récentes. Que devait-ce donc être quand l'écorce de notre globe venait d'être réduite à son état présent?

Mais, puisque nous parlons des terrains phlégréens de l'Italie, nous dirons un mot d'une observation que l'Anglais Brydone, l'un de ces étrangers qui abusent trop souvent de la confiance hospitalière des Italiens, attribua, non sans quelque retentissement, au chanoine Recupero. Il écrivit (4) que ce dernier, en creusant près de Jaci-Reale en Sicile, avait trouvé sept bancs de laves, alternés avec une couche épaisse d'humus; et comme il faut deux mille ans pour que celui-ci se superpose à la lave, il en concluait que cette montagne ne devait pas compter moins de cent quarante-neuf siècles.

(1) CHARLES DARWIN vient de publier, cette année (1843), un ouvrage important sur la formation des îles et des récifs par les coraux, dans lequel on peut suivre l'admirable travail des polypes. Il y montre aussi que le fond des mers sous-tropicales s'affaisse ou s'est affaissé dans quelques endroits, tandis que dans d'autres il s'élève continuellement, ainsi que le prouvent les bancs de corail. Plusieurs de ceux-ci, dans les îles Sandwich, se trouvent fort audessus du niveau de la mer, quoiqu'ils n'aient pu être formés que sous l'eau. Les lles Philippines, Sumatra, Java, Tumba, Timor, Gilolo, Formose, LooChoo, s'élèvent et s'étendent incessamment. Aussi se joindront-elles un jour, d'un côté, à la péninsule de Malacca; de l'autre, aux côtes orientales de la Chine, et feront de cette mer une autre Méditerranée.

(2) BULLET, Réponses, critiques, etc. Besançon, 1819, vol. III, p. 45. (3) ACOSTA, Historia natural y moral des las Indias. Barcelone, 1591, p. 180.

(4) Voyage en Sicile et à Malle. Londres, 1773.

T. I.

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Mais des savants d'une autre portée et d'une autre expérience prouvèrent d'abord qu'on ne peut, à aucune condition, déterminer en combien de temps l'humus se forme sur la lave, puisque l'on en voit quelques-unes, de date ancienne, entièrement nues; que celle qui a été vomie par l'Etna en 1536 est aride et noire, tandis que celle de 1636 est couverte d'arbres et de vignes; puisque, enfin, des veines de bonne terre alternent avec les six couches de lave accumulées sur Herculanum, dont la destruction remonte à une époque bien connue de tous (1). Mais le fait lui-même s'évanouit, quand Dolomieu constata qu'aucune couche végétale ne se trouvait interposée dans les laves de Jaci (2).

Sans remonter donc à des milliers de siècles, les causes que nous venons d'énumérer peuvent rendre raison des changements opérés sur la terre, même depuis que l'homme y fut transporté (3); depuis qu'ont cessé les violentes agitations qui, à l'aube du grand jour de la création, bouleversaient la superficie de notre planète, comme elles le font aujourd'hui dans la lune, et qui sont indiquées historiquement dans le déluge de Noé et dans le Chérubin à l'épée flamboyante.

Les arguments firent aussi défaut à ceux qui citèrent certaines œuvres humaines comme étant de beaucoup plus haute antiquité que ne le comportait la tradition de Moïse. Si quelqu'un a soutenu que les mines de fer de l'ile d'Elbe devaient avoir été exploitées depuis quarante mille ans au moins, d'autres (4) établirent sur de meilleurs fondements que cinq mille ans suffisaient pour les mettre dans l'état actuel, en supposant que les anciens en tirassent à peine un quart du métal qu'on en extrait aujourd'hui; mais qui ne voit ce qu'il fallut de fer aux Romains pour vaincre et enchaîner le monde?

Lors de l'expédition de Bonaparte en Égypte, le général De saix, poursuivant l'armée en déroute de Mourad-Bey, aperçut d'abord un zodiaque sculpté en relief dans le temple de Den

(1) SMITH, Mémoire sur la Sicile et ses iles. Londres, 1821. Il avait été envoyé explorer ces pays par le gouvernement anglais. Hamilton, Transact. philos., vol. LXI, p. 7.

(2) Mémoire sur les îles Ponces. Paris, 1788, p. 471.

(3) Tulit ergo Dominus Deus hominem, et posuit eum in paradiso voluptatis. Genèse, c. 11.

(4) DE FORTIA D'URBAIN, Histoire de la Chine avant le déluge d'Ogygès, p. 33.

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