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fleuve que l'on croyait mettre en communication le PontEuxin avec l'Océan et avec la mer Intérieure. Le centre du monde était la Grèce, ayant elle-même pour centre l'Olympe, puis Delphes. Si, pour décider une question de confins, on s'en rapporta publiquement aux livres d'Homère, cela veut dire qu'on croyait à son exactitude en ce qui concerne la Grèce; mais, pour les pays éloignés, il n'a fait qu'enregistrer des notions absurdes ou contradictoires, acceptant toutes les fables qui couraient de son temps. Le voyage de Sparte en Afrique est pour lui chose téméraire et périlleuse (1). Alcinoüs, roi des Phéaciens, pour prouver la grande habileté de ses sujets dans la navigation, affirme à Ulysse qu'ils pourraient le conduire jusqu'à l'île d'Eubée (2), que chacun sait fort peu distante de Corfou. La navigation avait été d'abord gênée par les corsaires, jusqu'à ce que Minos, roi de Crète, en eût purgé la la mer. On attribuait aux Éginètes l'invention de la navigation, ce qui ne signifie rien de plus que leur habileté dans cet art. Sous Érichthon, successeur de Cécrops, les Athéniens conquirent Délos; et cependant, trois cents ans après, il leur fallut demander des marins et des pilotes aux habitants de Salamine, pour pouvoir faire passer Thésée en Crète. Ils distinguaient seulement quatre vents et ne faisaient usage que la voile simple, en sorte que Dédale parut opérer un miracle lorsqu'il passa, contre le vent, à travers la flotte de Minos. A coup sûr, l'expédition des Argonautes était alors une entreprise hardie. Il est vrai qu'il se trouva mille deux cents navires armés contre Troie, mais ils étaient très-légers et n'avaient pas même d'ancres, invention étrusque : on les attachait avec une corde ou on les tirait à sec; ils n'avaient qu'un timon, qu'un seul mât, que l'on couchait sur le pont comme dans les petits bateaux; la carène ni les câbles n'étaient goudronnés, et les plus grands portaient vingt hommes. Le commerce, dans Homère, consiste uniquement en échange (3).

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1100.

Ἐς πέλαγος μέγα τοῖον.

OATE., F., 318 et suiv.

(2) « Fût-ce encore au delà de l'Eubée, que ceux des nôtres qui l'ont vue disent la région la plus éloignée qui s'élève de la mer. » Odyssée, VII.

(3) Eumée, prince de Lemnos, envoie aux Atrides des navires chargés de

T. I.

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Médecine.

Nous serions porté à croire que l'astronomie resta là encore un secret de la science sacerdotale, car, dans un temps postérieur à celui où les Babyloniens et les Égyptiens y étaient si si versés, Homère et Hésiode ne paraissent rien connaître au delà des Hyades, des Pléiades, de Sirius, du Taureau, des deux Ourses et d'Orion; on dit même que Pythagore enseigna le premier aux Grecs que l'étoile du soir est la même que Lucifer.

Homère montre plus d'habileté en anatomie, car toutes les blessures sont par lui exactement indiquées. Mais Achille et Machaon font preuve de peu de science médicale lorsque l'un guérit Télèphe avec la pointe de la lance qui l'a percé, et que l'autre, pour fermer une blessure reçue du fils de Thétis, lui touche l'épaule et lui met dans la bouche un mélange de vin, de farine, d'orge et de fromage râpé. Ces héros sont pourtant vantés pour leur connaissance des simples, instruits qu'ils avaient été par le centaure Chiron (1), à la science duquel ses élèves Machaon, Podalire, Esculape, purent faire faire des progrès, surtout alors que la chirurgie se sépara de la médecine. Pour ne rien dire des cures d'Esculape, consistant en remèdes externes, incisions, chants et paroles mystiques (2), on trouva, vers cette époque, l'usage du laserpitium, de l'aristoloche, de la petite centaurée, puis celui des eaux minérales, près desquelles on élevait des temples à l'Esculape.

La religion d'Homère est véritablement grossière : ce mélange de notions sublimes et d'enfantillages ridicules; ce Jupiter dont un simple signe de tête ébranle l'Olympe, et qui invite Thétis à fuir pour que Junon ne la voie pas et n'ait pas à le tourmenter de sa jalousie, seront, pour quelques-uns, la preuve qu'un même auteur n'a pas composé ces poëmes; d'autres y verront un indice de l'altération que le désaccord de la conscience apporta dans les traditions primitives. Mais, comme le nouveau polythéisme grec se fixe avec Homère, nous saisirons cette occasion pour nous arrêter quelque peu sur l'un des éléments les plus importants de la civilisation.

vin, et une partie en est distribuée aux soldats, qui donnent en échange du bronze ou du fer, ou des peaux de boeufs, ou des esclaves.

(1) Hésiode a chanté ses louanges. Voy. PAUSANIAS, liv. IX, ch. xxxi. (2) PINDARE, Pyth., III, 84. Voy. aussi livre III, ch. xxII, du présent ouvrage.

CHAPITRE XXVIII.

DES RELIGIONS EN GÉNÉRAL.

Nous avons désormais pris assez connaissance des réligions antiques pour pouvoir nous élever à quelques considérations générales. Mais, nous déclarant tout d'abord convaincu que l'espèce humaine n'a pas tant de goût pour les subtilités de la métaphysique que le supposent les philosophes, nous écarterons autant que possible les abstractions pour suivre le cours des faits et les révélations de l'histoire (1).

(1) Les travaux des anciens sur les religions méritent à peine qu'on en parle. Le siècle passé chercha à les expliquer matériellement. Dupuis acquit une grande célébrité par son ouvrage sur l'Origine des cultes, dans lequel il entreprit de démontrer que tous se réfèrent à la science des astres, et que les mythologies de quelque peuple que ce soit ne sont que des légendes calendaires. Le Christ, par exemple, est le soleil ; les apôtres, les douze signes du zodiaque, ayant à leur tête Janus, porteur des deux clefs; Marie est le signe zodiacal de la Vierge; la naissance de son fils est le solstice d'hiver, sa mort, l'équinoxe, et ainsi de suite. Son livre fit d'autant plus d'impression, qu'il se produisait avec cet appareil de science qui éblouit facilement le vulgaire et qui ne saurait se réfuter aussi promptement. Beaucoup de travaux partiels furent faits sur ce sujet par HEINe, Gatterer, Plessing, Voss, Boettiger, Mytholog. Vorsetsung; MEINERS, dans l'Allgemeine kritische Geschichte der Religionem (Hanovre, 1806-7, 2 vol.); ct par d'autres encore. Tout ce qu'ils avaient écrit fut résumé par FR. MEÏER dans l'Allgemeine Mythologisches Lexicon aus Original-Quellen bearbeitet, Weymar, 1803-14: il se borne toutefois le plus souvent à commenter la mythologie grecque et romaine.

Le progrès des études orientales amena pour ces recherches une ère nouvelle. Voir J. J. Wagner, Ideen zu einer Allgemeine Mythologie der alter Welt, Francfort, 1808. G. ARN. KANNE, Erste Urkunden der Geschichte oder Allgemeine Mythologie, 1808 : il donne aux fables une signification astronomique et l'origine asiatique, ainsi que BUTTMANN, Mythologus. FRed. SchleGEL, Ueber die Sprache und Weisheit der Indier, Idelberg, 1810. G. L. HUG, Untersuchungen über den Mytos der bersumtem Völker der alten Welt, 1812 il rapporte tout à l'Égypte. GOERRES, Mythengeschichte der asiaftischen Welt, Heidelberg, 1810. Surtout F. CREUTZER, Simbolik und Mythologie der alten Volker, besonder der Griechen, Leipzig, 1810-12, Augsbourg, 1819-22. J. D. GUIGNAUT en fait une traduction française; il refond le texte, et ajoute à l'immense érudition de l'auteur tout ce qui se découvre de nouveau, à tel point qu'on peut considérer la traduction comme un ouvrage original. Il est imprimé lentement à Paris, sous le titre de Religions de l'anti

S'il est une marche progressive contraire à celle d'après laquelle procède d'ordinaire l'esprit humain et que démente l'histoire, c'est celle qui lui est tracée dans l'ordre suivant: Au

quilé, considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques.

Son système trouva beaucoup de contradicteurs; Voss, d'abord, combattit toute sa vie Heine et Kreutzer, soutenant que les dieux ne représentent pas des pouvoirs naturels et moraux, mais bien des êtres indépendants qui agissent de pur caprice. En outre, il fut contredit par l'école historique, par LOBECK principalement, qui écrivit sur les mystères; HERMANN, de Mythologia Græ. corum antiquissima, Leipzig, 1827. OuwarofF, Ueber das vorhomerische Zeitalter, Pétersbourg, 1819. G. G. RHODE, Beitrage zur Alterthumskunde, elc., Berlin, 1819. C. OTFRED MUELLER, Geschichte Hellenischer Stämme und stadte, Breslau, 1820, et Prolegomena zu eines Wissenschaftlichen Mythologie, Gottingen, 1825. Selou ce dernier, les fables racontent les actions des personnages antérieurs aux temps historiques, et les noms des liéros ont des significations correspondantes à leurs exploits; quelques-unes sont de pure invention. Les premières ne furent pas importées, mais puisées dans la tradition vulgaire, de sorte que chaque mythe offre l'histoire réelle dans ses circonstances locales. La difficulté consiste à écarter du fond de la légende primitive ce qui est ornement du poëte, préoccupation nationale chez l'historien, et interprétation du philosophe. Il semble pourtant que les hellénistes qui voudraient croire que tout est indigène en Grèce, succombent à la peine à mesure que l'on acquiert de nouveaux renseignements sur l'Orient, car on y trouve non-seulement la substance, mais bien encore les formes des mythes helléniques.

Parmi ceux qui se sont occupés de ces recherches sous un point de vue différent, nous citerons :

BAUR, Symbolique et Mythologie, ou Religion de la nature chez les anciens, 1825 (allemand).

ROBERT MUSHET, la Trinité des anciens, observations sur la mythologie des premiers temps, sur l'école de Pythagore, etc., Londres, 1837 (anglais). MILLIN'S Mythologische Gallerie, 2o édit. de Berlin, 1836, avec les notes de PARTHEY.

SCHWEIGGER, Introduction à la mythologie grecque, avec un Essai pour l'expliquer au moyen de la physique, 1836 (allemand).

ÉMÉRIC DAVID, Jupiter, Paris, 1833; Vulcain, 1837, el son Introduction à l'étude de la mythologie. D'autres s'occupèrent spécialement d'une religion, comme N. MUELLER de l'indienne, RuODE de la persane, MUNTER de la carthaginoise, etc.

- Parmi les publications les plus récentes relatives aux religions de l'antiquité, il faut surtout compter la troisième partie du tome II de la Symbolique de KREUTZER, traduite et refondue par M. GUIGNAUT, partie qui contient les notes et éclaircissements sur les livres IV, V et VI, et qui a paru en 1849, puis la troisième partie du tome III, qui a paru en 1851, et qui termine cette œuvre importante, véritable encyclopédie mythologique, où l'érudition la plus solide et la plus saine critique ont été mises à profit par le savant mythographe français pour faire comprendre au lecteur l'essence de cette forme symbolique et

premier éclat de la foudre, l'homme soulève de terre son front abruti, et reconnaît un Être supérieur; il se fait un dieu de ce qui lui est utile ou de ce qui l'épouvante, et adore les objets les plus grossiers (fétichisme); ou bien il adresse aux astres ses hommages (sabéisme); il assimile ensuite à lui-même les puissances de la nature (anthropomorphisme), et il révère après leur mort les personnes qu'il chérit ou redouta, jusqu'à ce que peu à peu il crée la mythologie perfectionnée : c'est ainsi qu'il compose pièce à pièce les religions d'éléments isolés et sans vie, sans principe organique et commun. Voilà un développement d'idées tout à fait opposé à la marche ordinaire de l'esprit humain, et démenti par l'histoire.

Le fétichisme n'est pas le degré le plus infime de la religion; car peu importe quels soient les objets de son adoration, si l'homme y rattache déjà l'idée d'une cause prédominante, et ne les considère que comme des instruments de magie, Comment croire ensuite que les religions soient une invention des prêtres, si dans presque toutes des privations leur sont imposées, des jeûnes, des austérités, et parfois d'horribles mutilations? S'il n'est pas un peuple, quelque grossier qu'il soit, qui n'ait adopté une religion, comment ce peuple songea-t-il à se la donner, tout occupé qu'il devait être de satisfaire aux besoins urgents de son existence? Quel objet, parmi ceux qui l'environnaient, put lui enseigner à adorer, si les systèmes les plus perfectionnés ne suffirent pas à amener l'homme par le moyen du moi et de la raison à la notion de la Divinité?

Il faut donc commencer par avoir la connaissance de Dieu pour retrouver ses vestiges dans la nature et dans l'intelligence. Purgeons les religions du mélange des fictions et des erreurs, ainsi que de tout ce qui tient à l'intuition de la nature, à son symbolisme, et leurs traits fondamentaux s'accorderont tous avec la vérité, témoigneront de l'origine commune des idées les plus élevées, nous donneront la conviction que l'homme

mythique qui fut l'expression spontanée autant que nécessaire des antiques croyances, et qui est inhérente à toute religion : << Puisse le lecteur, dit M. Guigniaut dans sa préface, saisir le fond sous cette forme, et par cela même mesurer la distance des cultes antérieurs au christianisme, engagés plus ou moins dans les liens de la nature et du monde; à ce culte, saint entre tous, qui veut que Dieu soit adoré en esprit et en vérité, qui fonde l'obéissance sur la raison, l'autorité sur la liberté, et qui n'exclut pas plus la philosophie que la philosophie ne doit l'exclure. » (Note de la 2o édition française.)

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