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preuve, sont à peine retenus par la crainte de l'enfer, à peine sensibles à la honte, à peine dociles à la raison, à peine tenus en bride par une discipline exacte et sévère. La vie de cette dernière sorte de gens ne vous semble-t-elle pas incliner vers l'abîme, lorsque, pensant d'une manière et voulant de l'autre, trouvant dans les lumières de leur esprit la condamnation des affections de leur cœur, ils se voient forcés de mettre la main à l'ouvrage des forts, sans prendre pour cela l'aliment des forts, et d'avoir part à la tribulation de leurs frères sans participer à leurs consolations? O si c'est là notre disposition d'esprit, sortons-en au plus tôt, relevons nos courages, ranimons en nous la ferveur de l'esprit, et renonçons à ce funeste état de tiédeur, sinon parce qu'il est dangereux et qu'il a coutume de provoquer les vomissements de Dieu, comme les exemples n'en sont, hélas! que trop fréquents, du moins parce que c'est un état plein de tristesse et d'ennui, un enfer anticipé et l'image de la mort. Si nous recherchons les biens d'en haut, nous devons aussi savoir en savourer l'avant-goût. »

3. S. GRÉGOIRE-LE-GRAND, Pastoral, troisième partie, seizième (al. 15) conseil: « Il ne faut point parler de la même manière à ceux qui sont paresseux et à ceux qui agissent avec précipitation. Représentez aux premiers qu'ils peuvent, en différant de faire le bien, en perdre entièrement l'occasion; et aux seconds, qu'ils peuvent perdre tout le mérite de leurs bonnes actions par la précipitation inconsidérée qu'ils mettent à les accomplir. Dites aux paresseux que, si nous laissons échapper l'occasion favorable de faire le bien, il vient bientôt un temps où nous en sommes incapables; car l'indifférence s'empare insensiblement de notre cœur dès le moment où nous cessons d'y entretenir un ardent amour pour le bien, et parvient à y étouffer entièrement le désir de le faire. C'est ce qui a fait dire à Salomon: La paresse produit un profond assoupissement. En effet, le paresseux, tant qu'il a de bons sentiments, veille encore, pour ainsi dire, quoique, par rapport à la nullité de ses actions, il soit assoupi; mais sa paresse l'assoupit, parce qu'en négligeant l'occasion de faire le bien, il perd peu à peu les bons sentiments. Aussi le Sage ajoute : Et l'âme qui se dérobe au travail souffrira la faim. L'âme perd, en effet, toutes ses forces, dès qu'elle cesse de diriger tous ses efforts vers le ciel. Et lorsqu'elle manque d'ardeur pour les biens célestes, elle a une espèce de faim des biens de ce monde; et plus son indifférence augmente, plus cette faim la presse de s'abandonner

à ses désirs terrestres. C'est pourquoi Salomon dit encore Les désirs tuent le paresseux. Jésus-Christ nous apprend lui-même qu'une maison devient nette, lorsque le démon s'en retire; mais qu'il s'en empare de nouveau avec plusieurs autres esprits, si on ne l'habite point. Le paresseux, pour se dispenser d'accomplir ses devoirs, se crée des difficultés et des craintes chimériques; et s'il parvient à trouver un prétexte favorable en apparence, il le met en avant pour justifier son désœuvrement. Voici un bon avis que donne le Sage aux gens de ce caractère: Le paresseux ayant peur du froid n'a pas voulu cultiver la terre; c'est pourquoi, quand l'été sera venu, il se verra réduit à la mendicité; mais personne ne se mettra en peine de le secourir (Prov., X, 4). Le froid empêche un paresseux de cultiver la terre, lorsque sa lâcheté lui fait différer de remplir ses devoirs, et de s'appliquer au bien qu'il est obligé de faire. Le froid l'empêche de labourer son champ, c'est-à-dire que des maux légers qu'il redoute lui font négliger les occasions qui s'offrent à lui de faire beaucoup de bien. C'est pour cela que le Sage ajoute que le paresseux sera réduit à la mendicité pendant l'été, et que personne ne lui donnera rien. Car celui qui ne s'occupe pas en cette vie à faire de bonnes œuvres demandera inutilement d'entrer dans le royaume du ciel, lorsque le soleil de justice paraîtra dans son plus grand jour.

>> Salomon dit encore fort à propos sur ce sujet : Celui qui s'amuse à observer le vent ne sème point, et celui qui s'arrête à regarder les nues ne moissonne jamais (Eccles., XI, 4). Qu'entend-il par le vent, si ce n'est les tentations dont les malins esprits se servent pour nous séduire? Les nues qui sont portées par les vents désignent les persécutions des méchants. Car comme les vents poussent les nues, ainsi les malins esprits excitent les méchants à faire le mal. Celui donc qui observe le vent ne sème. point, et celui qui s'arrête à regarder les nuées ne moissonne jamais, parce que quiconque s'inquiète des tentations que peuvent lui susciter les malins esprits, ou des persécutions qu'il peut avoir à essuyer dés méchants, ne fera point ici-bas de ces bonnes. œuvres qu'on peut comparer à des semences, et ne recueillera point là-haut la récompense qui en serait le fruit ou la moisson. »

4. Le même, Morales, livre XXXI, chap. 31 : « De la tristesse naissent la malignité, l'aigreur de caractère, la pusillanimité, le découragement, le manque d'énergie par rapport aux choses commandées, la facilité à se laisser aller aux choses défendues. >> 5. S. BERNARD, Serm. XXXV ex parvis sermonibus : « Heureux

l'homme qui n'est point entré dans, le conseil des impies. Ceux-là sont pieux, qui croyant en Dieu lui rendent le culte qui lui est dù. Car la piété n'est autre chose que le culte dû à Dieu. Or, ce culte consiste en trois choses, qui sont la foi, l'espérance et la charité, vertus qui toutes les trois ont pour siége le sanctuaire invisible du cœur de l'homme. Les impies en sont privés, eux qui ne rendent pas de culte à Dieu, et qui font consister leur sagesse à préférer les choses visibles aux choses invisibles, les biens terrestres aux biens célestes. Ils ont pour chef et pour roi le démon, qui fut le premier à abandonner le parti de la piété, et qui devenu impie, a su par ses artifices rendre semblables à lui les hommes primitivement placés dans le paradis, en leur faisant partager son erreur en même temps que son crime. Car il séduisit Eve, et celle-ci son mari. Aujourd'hui encore le démon tente la chair, la chair tente l'esprit, et il se fait ainsi un conseil d'impies. Car ils se disent les uns aux autres (Prov., I, 14): N'ayons tous qu'une même bourse. Chacun d'eux apporte son obole qu'il dépose dans la mémoire comme dans une bourse commune le démon pour son contingent fournit la suggestion, la chair la délectation, l'esprit le consentement. Avec cela ils se ménagent à frais communs la subsistance qui convient à chacun : la chair s'attire à elle-même le feu inextinguible qui la brûlera; l'esprit se procure la mauvaise conscience, ce ver qui ne cessera point de le ronger; et le démon achète le salut de l'un comme de l'autre. Il y a quatre manières d'entrer dans ce conseil d'impies. Car les uns y sont entraînés par force, d'autres y sont attirés par appât, d'autres se laissent séduire par ignorance, d'autres enfin s'y mêlent par leur propre volonté. Ils ont besoin tous ensemble qu'on leur propose quatre vertus, au moyen desquelles ils pourront résister, et s'empêcher d'entrer dans cet affreux conseil. A ceux qui y entreraient par force je recommanderai la vertu de force, avec laquelle ils pourront résister jusqu'à la mort aux menaces, aux tourments et aux privations de toutes sortes. Ceux qui se laissent attirer par appât, je leur recommanderai la tempérance, qui réprime les désirs illicites, qui ne cède point aux promesses, et que les caresses ne sauraient corrompre. Ceux qui se laissent séduire par ignorance, je leur conseillerai la prudence, cette vertu qui sait discerner ce qui est utile de ce qui ne l'est pas, et qui nous apprend ce qu'il faut rejeter ou ce qu'il faut admettre. Enfin la vertu nécessaire à ceux qui se laissent emporter par leur propre volonté, c'est la justice;

la justice qui mettra de la rectitude dans leur volonté, la justice qui ne veut ni pécher, ni consentir au péché. C'est dans la volonté que la justice et la force ont leur siége; car la volonté doit être juste et forte en même temps. Or, voici l'ordre que la justice affectionne c'est de rejeter ce qui est mal, et quant au bien lui-même, de lui préférer ce qui est mieux. Adam perdit cette vertu, quand, par le consentement qu'il donna au mal, il renonça à son bonheur. La prudence et la tempérance ont leur siége dans la raison; car la raison doit être prudente et tempérée. La prudence en effet n'est autre chose qu'une raison éclairée, ou instruite par la grâce à éviter la contagion de l'injustice par amour pour la justice. Elle nous détourne non-seulement de ce qui est évidemment injuste, mais encore de tout ce qui est en quelque manière opposé à la justice, cherchant en toutes choses moins encore ce qui est permis, que ce qui est expédient, redoutant les richesses et autres choses semblables, non parce qu'elles sont défendues, mais parce qu'elles sont d'ordinaire des obstacles à l'observation de la justice. Mais comme il y en a qui, même en faisant cela, se conduisent par hypocrisie, j'ajoute à dessein: Par amour pour la justice. La justice est la perfection de l'âme raisonnable : les autres vertus n'ont pour but que d'acquérir celle-ci et de la conserver. Ainsi la force, la tempérance, la prudence, conservent la justice, en empêchant qu'elle ne se perde ou s'affaiblisse. Et lorsque la justice est parfaite, et qu'elle devient la disposition habituelle du cœur, elle se confond avec ces trois premières; car elle est alors forte, prudente et tempérée. Qui ne s'en est point allé. S'en aller est le propre de ceux qui sont inconstants, ou qui changent facilement de résolution. Quelquesuns, pour ne pas encourir ce reproche, aiment mieux tomber dans une obstination évidente, n'acquiesçant aux conseils de personne, s'en tenant inébranlablement à leur parti pris; et c'est pour cela que le Psalmiste ajoute: Et non stetit (il ne s'est point arrêté), c'est-à-dire que l'homme juste n'est ni inconstant ni obstiné. La voie des pécheurs c'est le monde, ou bien encore la propre volonté qui est la même chose que l'orgueil, et de laquelle dérivent tous les maux, comme de la déférence à la volonté commune dérivent tous les biens. Et qui ne s'est point assis dans la chaire de pestilence. Etre assis dans la chaire de pestilence, c'est enseigner le mal, ou le faire commettre aux autres par son exemple. Cette chaire, elle aussi, a ses quatre pieds. Le premier pied, c'est la malice; le second, c'est le mépris de Dieu; le troi

sième, c'est l'effronterie; le quatrième, c'est l'astuce. La malice consiste à aimer le mal et à le rechercher, précisément parce qu'il est mal, comme fait le démon, et après lui quelques-uns qui lui ressemblent. Mais comme il arrive quelquefois que ces sortes de gens craignent Dieu non d'une crainte louable, mais pour ne pas encourir soit une perte de biens, soit un mal corporel, en sorte qu'ils n'en deviennent que plus mauvais, ils méprisent Dieu lui-même, et c'est là le second pied de la chaire de pestilence, qui est le mépris de Dieu. Il pourrait arriver encore, qu'avec l'amour du mal et le mépris de Dieu, ils conservassent cependant un certain respect pour les hommes avec qui ils ont à vivre; c'est pourquoi nous disons que le troisième pied de la chaire de pestilence c'est l'effronterie, qui fait qu'on n'est plus retenu ni par la crainte de Dieu, ni par le respect humain. Enfin ce qui fait la consommation du mal, et comme le quatrième pied de la chaire de pestilence, c'est l'astuce, qui met en œuvre, avec profit pour elle-même, les trois dispositions d'esprit que nous venons de dire, en détrempant dans l'huile le venin qu'elle distille, et en mêlant le miel au vinaigre qu'elle verse. Le dôme de la chaire, dans laquelle siége ainsi le mal personnifié, c'est la puissance. Car si un homme qui est ainsi disposé a la puissance en main, c'est alors surtout qu'il fait du mal; comme il y parviendra encore, s'il peut mettre de son côté quelque autre que lui qui ait en main cette puissance, et qu'il réussisse à le séduire par ses mauvais conseils et à l'entraîner dans le mal. N'oublions pas non plus le coussin sur lequel l'homme de pestilence puisse s'asseoir mollement. Ce coussin est garni de plumes d'oiseaux ou d'un léger duvet, symbole de la vaine gloire et de la faveur populaire, qui ont pour effet de remplir les hommes d'orgueil et d'une joie enivrante. On leur met sous les pieds un escabeau, pour qu'ils ne touchent pas la terre. Car quelques-uns de ce caractère ne font en apparence rien de terrestre, et ils affectent la spiritualité, pour n'en réussir que mieux à tromper les autres. Leur doctrine est une espèce de peste, qui se répand au loin et porte la mort en tous lieux. >>

FIN DU TOME TROISIÈME.

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