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La copie de l'Economique 1, qui remplit les fol. 330-349 du ms. d'Avranches, donne lieu à des observations du même genre que la Politique. Seulement les termes de comparaison sont moins nombreux parce que la Bibliothèque impériale possède seulement cinq exemplaires de l'Economique, dans les mss. 125, 204, 208, 9106 et 24279 du fonds français. Ces cinq mss. m'ont paru dériver du ms. d'Avranches, et se partagent en deux familles d'une part, le ms. 9106, qui reproduit le texte primitif tel qu'il avait été, à l'origine, transcrit dans l'exemplaire d'Avranches; d'autre part, les mss. 24279, 204, 208 et 125, dans lesquels ont pénétré diverses additions ou corrections marquées sur les marges ou dans les interlignes du même exemplaire. J'en rapporterai trois exemples significatifs :

:

(a) Vers le commencement du chapitre II du premier livre, Nicole Oresme s'exprime en ces termes : « .... ce est assavoir le seigneur et sa femme et qui les serve. Car se aucune de ces trois choses deffailloit en un hostel, ce ne seroit pas maison completement. » Telle était la leçon primitive du ms. d'Avranches (fol. 331), et telle est celle du ms. 9106 (fol. 359 vo). A cette version on a substitué après coup dans le ms. d'Avranches la version suivante: «< ce est assavoir le seigneur et sa femme et qui les serve; car la femme ne doit pas estre serve, si comme il appert ou premier chapitre de Politiques. Et se aucune de ces trois choses deffailloit, etc. » Cette dernière version est celle des mss. 24279, 204, 208 et 125.

....

(b) Dans le chapitre III du premier livre, Nicole Oresme, en parlant de l'amitié de la femme, s'était d'abord contenté de dire: << Item elle est très-grande, si comme denote l'escripture, ou livre des Roys, en disant que Jonathas estoit plus amable que femmes : Amabilis super amorem mulierum. » Il n'y a rien de plus dans le ms. 9106 (fol. 361 vo), ni dans le texte primitif du ms. d'Avranches (fol. 333). Mais dans ce dernier, l'auteur a ajouté ou fait ajouter au bas de la page une citation empruntée à l'Ecclésiastique: « Et le Sage dit ainsi : Species mulieris exhilarat faciem viri sui et super omnem concupiscenciam hominis superducet desiderium (Ecclesiastici XXXVIo). » Les mss.

1. Nicole Oresme a traduit l'Economique d'après la version latine de Durand d'Auvergne; voyez à ce sujet une notice de M. Hauréau, Histoire littéraire de la France, XXV, 62.

24279, 204, 208 et 125 contiennent à la fois la citation tirée du livre des Rois et la citation tirée de l'Ecclésiastique.

(c) Au chapitre VI du second livre, Nicole Oresme parle ainsi de Pénélope : « Pour ce que son mari lui monstroit si grant amour oveques reverence, elle se garda chastement et honestement long temps, lui absent, quant il estoit en l'obsidion de Troie ou en la mer. » Ainsi portait d'abord le ms. d'Avranches, et c'est encore tout ce qu'on lit dans le ms. 9106 (fol. 375 v°). Dans la suite, l'auteur a trouvé bon de rapporter ici un distique de Mathieu de Vendôme en l'honneur de Pénélope; de là une addition qu'on trouve au bas de la page dans le ms. d'Avranches, et qui est passée dans le texte des mss. 24279, 204, 208 et 125: << De quoy un appellé Matheus de Vindocino, qui metrifia l'istore de Thobie, en un livre que il fist de doctrina versificandi, dit ainsi :

Penelopen morum festivat gratia forme,

Purpura declarat, ditat acervus opum. »

Encore plus tard, l'auteur a fait une seconde addition : au témoignage de Mathieu de Vendôme, il a joint celui d'Ovide: << Et Ovidius:

Penelope mansit, quamvis custode careret,

Inter tam multos intemerata procos. »

Cette seconde addition se trouve au bas de la page du ms. d'Avranches; mais elle manque dans les mss. 24279, 204, 208 et 125, qui sont, pour ainsi dire, un calque de l'exemplaire original, alors que l'auteur avait déjà inséré dans cet exemplaire le distique de Mathieu de Vendôme, mais non pas celui d'Ovide.

Ainsi, l'examen de l'Economique nous conduit au même résultat que celui de la Politique. Pour les deux ouvrages, le ms. d'Avranches, dégagé des modifications qu'il a successivement subies, est le type du ms. qui nous offre le texte le plus voisin de l'état primitif; ce même ms., complété et corrigé par des notes marginales et interlinéaires, paraît être la source première des mss. qui contiennent un texte plus ou moins révisé.

Maintenant que nous sommes fixés sur le caractère de dix manuscrits importants de la Politique et de l'Economique de Nicole Oresme, nous pouvons aisément nous rendre compte de l'édition gothique, in-folio, qui fut achevée d'imprimer le 8 août

1489 pour Antoine Vérard1. C'est généralement la reproduction d'un assez mauvais ms. de la deuxième famille; toutefois, au chapitre XX du livre III et aux chapitres X et XIX du livre VII, elle contient les additions qui sont propres aux mss. de la troisième famille. Il est donc assez probable que l'imprimeur aura eu à sa disposition deux manuscrits, ou du moins qu'il aura travaillé d'après un exemplaire de la deuxième famille sur les marges duquel avaient dû être reportées quelques unes des additions fournies par un ms. de la troisième. Un exemple montrera avec quelle servilité le compositeur a suivi un ms. de la deuxième famille,

J'ai rapporté plus haut le texte exact d'une observation que Nicole Oresme a ajoutée après coup dans le chapitre X du livre IV, et qui est à la marge du fol. 139 du ms. d'Avranches. Je reproduis ici la même observation telle qu'elle est copiée dans nos deux manuscrits de la deuxième famille, les nos 22499 et 12233. Je suis le premier, et je mets entre crochets les variantes fournies par le second:

Et affin que les souverains princes et ecclesiastiques ne declinassent et telle malignité, de laquelle dit le prophète à Dieu : Super populum tuum malignaverunt consilium, saint Père l'apostre, en sa canonique, leur dit ainsi Sermones qui in vobis sunt obteccio, contester, etc. Pascite qui in vobis est [et. 12233] gregem Dei providentes, non coacte, sed spontanee, secundum Deum, non turpis lucri, sed gracia et voluntarie neque ut dominantes in cleris, etc. Et doncques doivent gouverner le clergie non pas comme seigneuriaus, mais debonnairement et selon Dieu et non pas affin de pecune.

Voici maintenant le passage correspondant de l'édition de Verard (t. I, fol. CXXXVI):

Et affin que les souverains princes et ecclesiastiques ne declinassent et telle malignité, de laquelle dit le prophète à Dieu : Super populum tuum malignaverunt consilium, sainct Pière l'apostre en sa canonique leur dit ainsi : Seniores qui in vobis sont obtectio contestor pascite que in vobis est gregem Dei providentes, non coacte sed spontanee, secundum Deum, non turpis lucri sed gracia et voluntarie neque ut dominantes in terris, etc. Et doncques ilz doivent gouverner le clergie

1. Brunet, 5 édition, I, 469.

non pas comme seigneuries mais debonnairement et selon Dieu et non pas affin de peccune.

On voit que, dans ce court fragment, l'édition de Vérard est parfaitement conforme aux manuscrits de la deuxième famille; d'un côté comme de l'autre, nous avons à relever des énormités, telles que ET telle malignité, pour A telle malignité; OBTECTIO pour OBSECRO; non turpis lucri SED gratia ET voluntarie, pour non turpis lucri gratia SED voluntarie; de plus, dans l'édition comme dans les deux mss. 22499 et 12233, le fragment se termine par une interversion: mais debonnairement et selon Dieu, et non pas à fin de pecune, tandis que le ms. d'Avranches et les six mss. de la troisième famille portent ne à fin de pecune, més debonnairement et selon Dieu. Il n'en faudrait pas davantage pour conclure que l'édition découle en droite ligne d'un exemplaire analogue aux mss. 22499 et 12233.

L'exemple que j'ai cité montre aussi combien est incorrecte l'édition de Vérard. Aussi, pour les travaux de philosophie comme pour ceux de philologie, dont la Politique et l'Economique de Nicole Oresme pourront être l'objet, sera-t-il désormais indispensable de remonter aux manuscrits, et, autant que possible, au manuscrit que la ville d'Avranches a recueilli de l'abbaye du Mont-Saint-Michel, et qu'elle conservera avec orgueil sur les mêmes rayons que le fameux exemplaire du Sic et non employé par M. Cousin pour la publication des œuvres inédites d'Abélard.

LÉOPOLD DELISLE.

LE BARON DE JAUIOZ.

Il y a vingt-cinq ans, notre regretté confrère, M. Vallet de Viriville rendait compte dans cette revue des troisième et quatrième éditions du Barzaz Breiz de M. de La Villemarqué. Parmi les poèmes, la plupart si élégants et d'un goût si exquis, que le célèbre écrivain breton a réunis sous ce titre, M. Vallet de Viriville avait surtout remarqué la ballade du baron de Jauioz. Cette ballade raconte l'histoire d'une jeune fille vendue par ses parents à un homme riche; la jeune fille meurt de chagrin: - ordinairement les pièces publiées par M. de La Villemarqué se terminent d'une manière morale. Dans le texte édité par lui, l'homme qui a acheté la jeune fille porte le nom de baron de Jauioz.

Voici une partie des critiques suggérées à M. Vallet de Viriville par la lecture de ce morceau. On pourra lire l'article entier dans la 2° série de la Bibliothèque de l'École des chartes, t. II, p. 280-283.

< Voyons.... sur quelles preuves repose l'identité de l'action » célébrée par le poète avec l'action célébrée par l'histoire. Nous » laisserons.... la parole à M. de La Villemarqué qui s'exprime » ainsi dans l'argument mis en tête de ce morceau.

Louis, baron de Jauioz, en Languedoc, était fils de » Randon Ier et de Flore de Cailus, etc. Nous le voyons suivre en » Bretagne le duc de Berry, son suzerain, que Charles V y » envoyait pour combattre les Anglais (1378). Nous le retrou» vons sous les mêmes drapeaux en Flandre, et quelques années » plus tard il fait son testament, etc. Son sceau en cire rouge » porte un écusson à trois pals, etc. »- Après cette notice historique, où il s'agit en effet d'un baron de Jauioz, mais » nullement de jeune fille vendue ni de tout ce que rapporte la

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