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dre nuds & fans armes leur vie & leur proie contre les autres bêtes féroces, ou de leur échapper à la courfe, les hommes fe forment un tempérament robuste & prefque inaltérable. Les enfants, apportant au monde l'excellente conftitution de leurs

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peres, & la fortifiant par les mêmes exercices qui l'ont produite, acquierent ainfi toute la vigueur dont l'efpece humaine eft capable. La Nature en ufe précisément avec eux comme la loi de Sparte avec les enfants des citoyens elle rend forts & robuftes ceux qui font bien conftitués, & fait périr tous les autres; différente en cela de nos fociétés, où l'état, en rendant les enfants onéreux aux peres, les rue indiftinctement avant leur naiffance.

--Le corps de l'homme fauvage

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étant le feul inftrument qu'il connoiffe il Pemploie à divers ufages, dont, par le défaut d'exercice, les nôtres font incapables; & c'est notre induftrie qui nous ôte la force & l'agilité que la néceffité l'oblige d'acquerir. S'il avoit eu une hache, fon poignet romproit-il de fi fortes branches? S'il avoit eu une fronde, lanceroit-il de la main une pierre avec tant de roideur ? S'il avoit eu une échelle, grimperoit-il fi légérement fur un arbre? S'il avoit eu un cheval, feroit-il fi vîte à la courfe ? Laiffez à l'homme civilifé le temps de raffembler toutes fes machines autour de lui, on ne peut douter qu'il ne furmonte facilement l'homme fauvage; mais fi vous voulez voir un combat plus inégal en core, mettez-les nuds & défar

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més vis-à-vis l'un de l'autre, & vous reconnoîtrez bientôt quel eft l'avantage d'avoir fans ceffe toutes fes forces à fa difpofition, d'être toujours prêt à tout événement, & de fe porter, pour ainfi dire, toujours tout entier (s) avec foi (5).

Hobbes prétend que l'homme eft naturellement intrépide, & ne cherche qu'à attaquer & combattre. Un Philofophe illuftre pense au contraire, & Cumberland & Puffendorff l'affurent auffi, que rien n'eft fi timide que l'homme dans l'état de nature, & qu'il est toujours tremblant, & prêt à fuir au moindre bruit qui le frappe, au moindre mouvement qu'il apperçoit. Cela peut être ainfi pour les objets qu'il ne connoît pas, & je ne doute point qu'il ne foit effrayé par tous les nouveaux spectacles

qui s'offrent à lui, toutes les fois qu'il ne peut diftinguer le bien & le mal phyfiques qu'il en doit attendre, ni comparer fes forces avec les dangers qu'il a à courir; circonftances rares dans Pétat de nature, où toutes chofes marchent d'une maniere fi uniforme, & où la face de la terre n'eft point fujette à ces changements brufques & continuels qu'y caufent les paffions, & l'inconftance des peuples réunis. Mais l'homme fauvage vivant difperfé parmi les animaux, & fe trouvant de bonne heure dans le cas de fe mefurer avec eux, il en fait bientôt la comparaifon; & fentant qu'il les furpaffe plus en adreffe qu'ils ne le furpaffent en force, il apprend à ne les plus craindre. Mettez un ours ou un loup aux prises avec un Sauvage robufte,

agile, courageux, comme ils font tous, armé de pierres & d'un bon bâton, & vous verrez que le péril fera tout au moins réci proque; & qu'après plufieurs expériences pareilles, les bêtes féroces qui n'aiment point à s'attaquer l'une à l'autre, s'attaqueront peu volontiers à l'homme, qu'elles auront trouvé tout aussi féroce qu'elles. A l'égard des animaux qui ont réellement plus de force qu'il n'a d'adresse, il eft vis-à-vis d'eux dans le cas des autres efpeces plus foibles, qui ne laiffent pas de fubfifter; avec cet avantage pour l'homme, que, non moins difpos qu'eux à la course, & trouvant fur les arbres un réfuge prefque, affuré, il a par-tout le prendre & le laiffer dans la rencontre & le choix de la fuite ou du combat. Ajoutons qu'il ne paroît

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