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d'ouvriers, les uns Couvreurs, d'autres Charpentiers, d'autres Maçons, d'autres travaillant aux carrieres: qu'on réuniffe, dis-je, tous ces objets, & l'on pourra voir dans l'établissement & la perfection des fociétés les raifons de la diminution de l'efpece, obfervée par plus d'un Philofophe.

Le luxe, impoffible à prévenir chez des hommes avides de leurs propres commodités & de la confidération des autres, acheve bientôt le mal que les fociétés ont commencé : & fous prétexte de faire vivre les pauvres qu'il n'eût pas fallu faire, il appauvrit tout le refte, & dépeuple l'Etat tôt ou tard.

Le luxe eft un remede beaucoup pire que le mal qu'il prétend guérir, ou plutôt, il eft luimême le pire de tous les maux, dans quelque Etat grand ou petit que ce puiffe être, & qui, pour nourrir des foules de valets & de

miférables qu'il a faits, accable & ruine le Laboureur & le citoyen: femblable à ces vents brûlants du midi qui couvrant l'herbe & la verdure d'infectes dévorants, ôtent la fubfiftance aux animaux utiles, & portent la difette & la mort dans tous les lieux où ils fe font fentir.

De la fociété & du luxe qu'elle engendre naiffent les Arts libéraux & méchaniques, le Commerce, les Lettres; & toutes ces inutilités qui font fleurir l'induftrie, enrichiffent & perdent les Etats. La raison de ce dépériffement eft très-fimple. Il est aifé de voir que par fa nature l'Agriculture doit être le moins lucratif de tous les arts; parce que fon produit étant de l'ufage le plus indifpenfable pour tous les hommes, le prix en doit être proportionné aux facultés des plus pauvres. Du même principe on peut tirer cette regle, qu'en général les arts font lucra

tifs en raifon inverfe de leur utilité, & que les plus néceffaires doivent enfin devenir les plus négli gés. Par où l'on voit ce qu'il faut penfer des vrais avantages de l'induftrie, & de l'effet réel qui réfulte de fes progrès.

Telles font les caufes fenfibles de toutes les miferes où l'opulence précipite enfin les nations les plus admirées. A mefure l'inque duftrie & les arts s'étendent & fleuriffent, le cultivateur méprifé, chargé d'impôts néceffaires à l'entretien du luxe, & condamné à paffer fa vie entre le travail & la faim, abandonne fes champs pour aller chercher dans les villes le pain qu'il y devroit porter. Plus les capitales frappent d'admiration les yeux ftupides du peuple, plus il faudroit gémir de voir les cam pagnes abandonnées, les terres en friche, & les grands chemins inon→ dés de malheureux citoyens de venus mendiants ou voleurs, &

deftinés à finir un jour leur mifere fur la roue ou fur un fumier. C'eft ainfi que l'Etat s'enrichiffant d'un côté, s'affoiblit & fe dépeuple de F'autre ; & que les plus puiflantes Monarchies, après bien des travaux pour fe rendre opulentes & défertes, finiffent par devenir la proie des nations pauvres qui fuccombent à la funefte tentation de les envahir, & qui s'enrichiffent & s'affoibliffent à leur tour, juf qu'à ce qu'elles foient elles-mêmes envahies & détruites par d'autres.

Qu'on daigne nous expliquer une fois ce qui avoit pu produire ces nuées de Barbares qui durant tant de fiecles ont inondé l'Europe, l'Afie, & l'Afrique. Etoit-ce à l'induftrie de leurs arts, à la fageffe de leurs loix, à l'excellence de leur police, qu'ils devoient cette prodigieufe population? Que nos favants veuillent bien nous dire pourquoi, loin de multiplier à ce point, ces hommes féroces & bru

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taux, fans lumieres, fans frein, fans éducation, ne s'entr'égorgeoient pas tous à chaque inftant, pour se difputer leur pâture ou leur chaffe. Qu'ils nous expliquent comment ces miférables ont eu feulement la hardieffe de regarder en face de fi habiles gens que nous étions avec une fi belle discipline militaire, de, fi beaux codes, & de fi fages loix. Enfin pourquoi, depuis que la fociété s'eft perfectionnée dans les pays du nord, & qu'on y a tant pris de peine pour apprendre aux hommes leurs devoirs mutuels & Part de vivre agréablement & paisiblement ensemble, on n'en voit plus rien fortir. de femblable à ces multitudes d'hommes qu'il produifoit autrefois. J'ai bien peur que quelqu'un ne s'avife à la fin de me répondre que toutes ces grandes chofes, favoir les arts, les fciences & les loix, ont été très-fagement inventées par les hommes,

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