comme une peste falutaire pour prévenir l'exceffive multiplication de l'efpece, de peur que ce monde, qui nous est destiné, ne devint à la fin trop petit pour fes habitants. Quoi donc faut-il détruire les fociétés anéantir le tien & le mien, & retourner vivre dans les forêts avec les ours? Conféquence à la maniere de mes adverfaires, que j'aime autant prévenir que de leur laiffer la honte de la tirer. O vous, à qui la voix célefte ne s'eft point fait entendre, & qui ne reconnoiffez pour votre efpece d'autre deftination que d'achever en paix cette courte vie, yous qui pouvez laisser au milieu des villes vos funeftes acquifitions, vos efprits inquiets, vos cœurs corrompus, & vos defirs effrénés; reprenez, puifqu'il dépend de vous, votre antique & premiere innocence; allez dans les bois perdre la vue & la mémoire des crimes de vos contemporains, & ne craignez point d'avilir votre efpece, en renonçant à fes lumieres pour renoncer à fes vices. Quant aux hommes femblables à moi dont les paffions ont détruit pour toujours l'originelle finiplicité, qui ne peuvent plus fe nourrir d'herbe & de gland, ni fe paffer de loix & de chefs; ceux qui furent honorés dans leur premier pere de leçons furnaturelles; ceux qui verront dans l'intention de donner d'abord aux actions humaines une moralité qu'elles n'euffent de long-temps acquife, la raifon d'un précepte indifférent par lui-même, & inexplicable dans tout autre fyftême; ceux en un mot, qui font convaincus que la voix divine appella tout le genre humain aux lumieres & au bonheur des céleftes intelligences; tous ceux-là tâcheront, par l'exercice des vertus qu'ils s'obligent à pratiquer en apprenant à les con noître, à mériter le prix éternel qu'ils en doivent attendre ; ils refpecteront les facrés liens des fociétés dont ils font les membres; ils aimeront leurs femblables, & les ferviront de tout leur pouvoir; ils obéiront fcrupuleusement aux loix, & aux hommes qui en font les auteurs & les miniftres; ils honoreront fur-tout les bons & fages Princes qui fauront prévenir guérir, ou pallier cette foule d'abus & de maux toujours prêts à nous accabler; ils animeront le zele de ces dignes chefs, en leur montrant fans crainte & fans flatterie la grandeur de leur tâche & la rigueur de leur devoir: mais ils n'en mépriferont pas moins une conftitution qui ne peut fe maintenir qu'à l'aide de tant de gens refpectables qu'on defire plus fou vent qu'on ne les obtient, & de laquelle, malgré tous leurs foins, naiffent toujours plus de calamités réelles que d'avantages apparents. Page 38. (8) Parmi les hommes que nous connoiffons, ou par nousmêmes, ou par les Hiftoriens, ou par les voyageurs; les uns font noirs, les autres blancs, les autres rouges; les uns portent de longs cheveux, les autres n'ont que de la laine frifée; les uns font prefque tout velus, les autres n'ont pas même de barbe: il y a eu & il X a peut-être encore des nations d'hommes d'une taille gigantefque ; &, laiffant à part la fable des Pygmées, qui peut bien n'être qu'une exagération, on fait que les Lappons, & fur-tout les Groenlandois, font fort au deffous de la taille moyenne de l'homme; on prétend même qu'il y a des peuples entiers qui ont des queues comme les quadrupedes; & fans ajouter une foi aveugle aux relations d'Hérodote & de Ctefias, on en peut du moins tirer cette que opinion très-vraisemblable |