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croire qu'on feroit aisément l'hiftoire des maladies humaines en fuivant celle des fociétés civiles. C'eft au moins l'avis de Platon, qui juge, fur certains remedes employés ou approuvés par Podalyre & Macaon au fiege de Troye, que diverfes maladies que ces remedes devoient exciter n'étoient point encore alors connues parmi les hommes.

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Avec fi peu de fources de maux, l'homme dans l'état de nature n'a donc guere befoin de remedes, moins encore de Médecins l'efpece humaine n'eft point non plus à cet égard de pire condition que toutes les autres; & il eft aifé de favoir des chaffeurs fi dans leurs cour fes ils trouvent beaucoup d'ani maux infirmes. Plufieurs en trou vent-ils qui ont reçu des bleffu

res confidérables très-bien cicatrifées, qui ont eu des os & même des membres rompus, & repris fans autre Chirurgien que le temps, fans autre régime que leur vie ordinaire; & qui n'en font pas moins parfaitement guéris, pour n'avoir point été tourmentés d'incifions, empoifonnés de drogues, ni exténués de jeûnes ? Enfin quelque utile que puiffe être parmi nous la Médecine bien admini ftrée il est toujours certain que fi le Sauvage malade aban donné à lui-même n'a rien à ef pérer que de la Nature, en revanche il n'a rien à craindre que de fon mal; ce qui rend fouvent fa fituation préférable à

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la nôtre.

Gardons-nous donc de confondre Phomme fauvage avec les hommes que nous avons fous

les yeux. La Nature traite tous les animaux abandonnés à fes foins avec une prédilection qui: femble montrer combien elle eft jalouse de ce droit. Le cheval, le chat, le taureau, l'âne même, ont la plupart une taille plus haute, tous une conftitution plus robufte, plus de vigueur, de force & de courage dans les forêts que dans nos maifons; ils perdent la moitié de ces avantages en devenant Domestiques, & l'on diroit que tous nos foins à bien traiter & nourrir ces animaux n'aboutiffent qu'à les abâtardir. Il en eft ainfi de l'homme même en devenant fociable & efclave il devient foible, craintif, rampant; & fa maniere de vivre molle & efféminée acheve d'énerver à la fois fa force & fon courage, Ajoutons qu'entre les

conditions fauvage & domeftique la différence d'homme à homme doit être plus grande encore que celle de bête à bête; car l'animal & l'homme ayant été traités également par la Nature, toutes les commodités que l'homme fe donne de plus qu'aux animaux qu'il apprivoife font autant de causes particulieres qui le font dégénérer plus fenfiblement.

Ce n'est donc pas un fi grand malheur à cés premiers hommes, ni fur-tout un fi grand obftacle à leur confervation, que la nudité, le défaut d'habitation & la privation de toutes ces inutilités que nous croyons fi néceffaires. S'ils n'ont pas la peau velue, ils n'en ont aucun befoin dans les pays chauds ; & ils favent bientôt, dans les pays froids, s'approprier celles des

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bêtes qu'ils ont vaincues s'ils n'ont que deux pieds pour cou rir, ils ont deux bras pour pourvoir à leur défenfe & à leurs befoins. Leurs enfants marchent peut-être tard & avec peine, mais les meres les portent avec facilité avantage qui manque aux autres efpeces, où la mere étant pourfuivie, fe voit contrainte d'abandonner fes petits, ou de régler fon pas fur le leur. Enfin, à moins de fuppofer ces concours finguliers & fortuits de circonftances, dont je parlerai dans la fuite, & qui pouvoient fort bien ne jamais arriver, il eft clair en tout état de caufe, que le premier qui fe fit des habits ou un logement, fe donna en cela des chofes peu néceffaires, puifqu'il s'en étoit paffé jufqu'alors ; & qu'on ne voit pas pourquoi il n'eût pu

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