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justice raisonnée: Fais à autrui comme tu veux qu'on te faffe infpire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle, bien moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il eft poffible: c'est, en un mot, dans ce fentiment naturel, plutôt que dans des arguments fubtils qu'il faut chercher la caufe de la répugnance que tout homme éprouveroit à mal faire, même indépendamment des maximes de l'éducation. Quoiqu'il puiffe appartenir à Socrate, & aux efprits de fa trempe, d'acquerir de la vertu par raison; il y a long-temps que le genre humain ne feroit plus, fi fa confervation n'eût dépendu que des raifonnements de ceux qui le compolent.

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les

Avec des paffions fi peu actiyes, & un frein fi falutaire, hommes, plutôt farouches que méchants & plus attentifs à de garantir du mal qu'ils pouvoient recevoir, que tentés d'en faire à autrui n'étoient pas fujets à des démêlés fort dangereux. Comme ils n'avoient entre eux aucune espece de commerce; qu'ils ne connoiffoient par conféquent ni la vanité, ni la confidération, ni l'eftime, ni le mépris qu'ils n'avoient pas la moindre notion du tien & du mien aucune véritable idée de la juftice; qu'ils regardoient les violences qu'ils pouvoient effuyer comme un mal facile à réparer, & non comme une injure qu'il faut punir; & qu'ils ne fongeoient pas même à la vengeance, fi ce n'est peut-être machinale

ni

comme

ment & fur le champ le chien qui mord la pierre qu'on lui jette; leurs difputes euffent eu rarement des fuites fanglantes, fi elles n'euffent point eu de fujet plus fenfible que la pâture: mais j'en vois un plus dangereux, dont il me refte à parler.

Parmi les paffions qui agitent le cœur de l'homme, il en eft une ardente, impétueufe, qui rend un fexe néceffaire à l'autre; paffion terrible qui brave tous les dangers, renverse tous les obftacles, & qui, dans fes fureurs, femble propre à détruire le genre humain qu'elle eft destinée à conferver. Que deviendront les hommes en proie à cette rage effrénée & brutale, fans pudeur, fans retenue, & fe difputant chaque jour leurs amours au prix de leur fang?

Il faut convenir d'abord que, plus les paffions font violentes, plus les loix font néceffaires pour les contenir: mais outre que les défordres & les crimes que celles-ci caufent tous les jours parmi nous, montrent affez l'infuffifance des loix à cet égard, il feroit encore bon d'examiner fi ces défordres ne font point nés avec les loix mêmes; car alors, quand elles feroient capables de les réprimer ce feroit bien le moins qu'on en dût exiger, que d'arrêter un mal qui n'existeroit point fans elles.

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Commençons par diftinguer le moral du phyfique dans le fentiment de l'amour. Le phyfique eft ce defir général qui porte un fexe à s'unir à l'autre; le moral eft ce qui déter mine ce defir, & le fixe fur

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un feul objet exclufivement ou qui du moins lui donne pour cet objet préféré un plus grand degré d'énergie. Or il eft facile de voir que le moral de l'amour est un fentiment factice, né de l'ufage de la fociété, & célébré par les femmes avec beaucoup d'habileté & de foin, pour établir leur empire & rendre dominant le fexe qui devroit obéir. Ce fentiment étant fondé fur certaines notions du mérite ou de la beauté qu'un Sauvage n'eft point en état d'avoir, & fur des comparaifons qu'il n'eft point en état de faire, doit être prefque nul pour lui car comme fon efprit n'a pu fe former des idées abftraites de régularité & de proportion, fon cœur n'eft point non plus fufceptible des fentiments d'admiration & d'a

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