nuit des temps; qui n'eût éprouvé que des atteintes propres à manifester & affermir dans fes habitants le courage & l'amour de la patrie, & où les citoyens accoutumés de longue main à une fage indépendance, fuffent, non feulement libres, mais dignes de l'être. J'aurois voulu me choifir une patrie dé tournée par une heureuse impuiffance du féroce amour des conquêtes & garantie par une pofition encore plus heureufe de la crainte de devenir elle-même la conquête d'un autre Etat : une ville libre placée entre plufieurs peuples dont aucun n'eût intérêt à l'envahir, & dont chacun eût intérêt d'empêcher les autres de l'envahir eux-mêmes : une république, en un mot, qui ne tentât point l'ambition de fes voifins, & qui pût raisonnablement compter fur leur fecours au befoin. Il s'enfuit que, dans une position si heureuse, elle n'auroit eu rien à craindre que d'ellemême, & que fi fes citoyens s'étoient exercés aux armes, c'eût été plutôt pour entretenir chez eux cette ardeur guerriere & cette fierté de courage qui fied fi bien à la Jiberté & qui en nourrit le goût, que par néceffité de pourvoir la à leur propre défense. J'aurois cherché un pays où le droit de légiflation fût commun à tous les citoyens; car qui peut mieux favoir qu'eux fous quelles conditions il leur convient de vivre ensemble dans une même fociété ? Mais je n'aurois pas approuvé des plébifcites femblables à ceux des Romains où les chefs de l'Etat & les plus intéreffés à fa confervation a étoient exclus des délibérations dont fouvent dépendoit fon falut, & où, par une abfurde in conféquence, les Magi ftrats étoient privés des droits dont jouiffoient les fimples citoyens. Au contraire, j'aurois defiré que, pour arrêter les projets intéreffés & mal conçus, & les innovations dangereufes qui perdirent enfin les Athéniens, chacun n'eût pas le pouvoir de propofer |