Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

heureusement pour nous comme une des plus épineuses que les Philofophes puiffent réfoudre : car comment connoître la fource de l'inégalité parmi les hommes, fi l'on ne commence par les connoître eux-mêmes & comment l'homme viendra-t-il à bout de fe voir tel que l'a formé la Nature, à travers tous les changements que la fucceffion des temps & des chofes a dû produire dans fa conftitution originelle; & de démêler ce qu'il tient de fon propre fonds d'avec ce que les circonstances & Les progrès ont ajouté ou

changé à son état primitifa Semblable à la ftatue de

[ocr errors]

Glaucus, que le temps, la mer & les orages avoient tellement défigurée, qu'elle reffembloit moins à un Dieu qu'à une bête féroce, l'ame humaine altérée au fein de la fociété par mille caufes fans ceffe renaiffantes, par l'acquifition d'une multitude de connoiffances & d'erreurs, par les changements arrivés à la conftitution des corps, & par le choc continuel des paffions, a, pour. ainfi dire, changé d'apparence au point d'être pref que méconnoiffable; & l'on n'y retrouve plus, au lieu

d'un être agiffant toujours par des principes certains & invariables, au lieu de cette célefte & majestueuse fimplicité dont fon auteur Favoit empreinte, que le difforme contraste de la paffion qui croit raisonner, & de l'entendement en délire. Ce qu'il y a de plus cruel encore, c'eft que tous les progrès de l'efpece humaine Féloignant fans ceffe de fon état primitif, plus nous accumulons de nouvelles connoiffances & plus nous nous ôtons les moyens d'acquerir la plus importante de toutes; & que c'est en un fens à force d'étudier

[ocr errors]

P'homme, que nous nous fommes mis hors d'état de le connoître.

[ocr errors]

Il eft aifé de voir que c'eft dans ces changements fucceffifs de la conftitution humaine qu'il faut chercher la premiere origine des différences qui diftinguent les hommes lefquels, d'un commun aveu, font naturellement auffi égaux entre eux que l'étoient les animaux de chaque efpece, avant que diverfes caufes phyfiques euffent introduit› dans quelques unes les variétés que nous y remarquons. En effet, il n'eft concevable que ces premiers

pas

changements, par quelque moyen qu'ils foient arrivés, aient altéré tout à la fois & de la même maniere tous les individus de l'ef pece mais les uns s'étant perfectionnés ou détériorés, & ayant acquis diverfes qualités bonnes ou mauvaifes qui n'étoient point inhérentes à leur nature, les autres refterent plus longtemps dans leur état originel; & telle fut parmi les hommes la premiere fource de l'inégalité, qu'il eft plus aifé de démontrer ainfi en général, que d'en affigner avec précifion les véritables causes.

« ZurückWeiter »