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différentes, la force matérielle, le libre arbitre, le mauvais principe, et la volonté divine, principe de salut : de là les diverses phases de la parole, de la force, de la lumière, et, pôle divin au milieu des temps, la rédemption.

C'est ainsi que l'histoire naquit du désir, inné dans l'homme, de connaître les actions de ses semblables. Elle devint ensuite un exercice d'art, puis une école d'expérience, puis une lice pour le combat, enfin science de l'humanité, dont la mission est d'assigner aux événements leurs causes éloignées et convergentes; de même que l'observateur découvre dans la profondeur des cieux la force qui émeut le fond des mers par le flux et le reflux.

Tant que la philosophie de l'histoire repose sur les faits, et se contente de les vérifier, de les exposer, d'enchaîner des fragments épars, de résumer tout le savoir historique, elle élève les esprits plus que ne le fit jamais la science antique; mais si elle franchit ces limites, elle dégénère en systèmes capricieusement adoptés, et étayés par une série indéterminée d'observations sur les évé

nements.

Mais ces systèmes se soutiennent-ils en présence de la totalité des faits? le monde qui passe est-il véritablement l'enveloppe d'un autre monde qui se perpétue?

Oui certainement, l'homme, à son insu, accomplit sur la terre l'œuvre de Dieu; et la Providence, qui traça aux planètes des orbites infranchissables, n'a pu abandonner l'espèce humaine à un arbitraire aveugle; elle la guide, au contraire, à l'aide d'un fil mystérieux, où s'allient, sans se contrarier, la liberté et la prescience. Mais le principe rationnel de la création, mais le but de la vie de l'humanité, peut-il être saisi par l'homme? peutil s'appliquer à la manifestation des faits?

A coup sûr ne s'y appliquent point les théories débitées avec le plus de hardiesse; il suffit de les mettre à l'épreuve pour les reconnaître chimériques ou du moins insuffisantes. En effet, qui pourrait nous apprendre comment participèrent aux événements les plus éclatants de notre civilisation, soit les Chinois, société patriarcale, immobile sur la base primitive de la piété domestique; soit les Indiens qui, circonscrits en castes perpétuées par la fausse interprétation des traditions religieuses, semblent avoir jeté l'ancre sur la mer des âges; soit toutes ces populations, non moins nombreuses que les nôtres, qui, derrière des fleuves im

menses et des montagnes gigantesques, s'avancent distinctement dans leur civilisation, mais d'un mouvement si tardif, qu'il est à celui des Européens comme la précession des équinoxes à la révolution annuelle? Et cependant à cette civilisation si imparfaite nous sommes redevables d'inventions capitales, la boussole, l'imprimerie, la poudre à tirer, le papier monnaie, les chiffres de numération, l'art de maintenir durant tant de siècles sous une même loi une population plus considérable que celle de l'Europe entière.

Un jour viendra où ces peuples se mêleront avec nous pour remplir la promesse évangélique (1); et alors peut-être apparaîtra dans leur marche un ordre providentiel conforme au nôtre. En attendant, il ne faut pas que les naufrages signalés dans la philosophie de l'histoire fassent perdre courage, et détournent de tendre de nouveau la voile. Beaucoup avaient péri avant que Colomb, grâce à un sublime mécompte, abordât le nouveau monde; et les tombes de Lapeyrouse et de Mungo-Park servirent de phare à ceux qui cheminèrent sur leurs traces. Mais si jamais on arrive à la science de prescrire une règle aux pas à faire en avant, elle ne pourra reposer que sur la connaissance de ceux déjà faits d'où ressort l'importance des recherches historiques, d'autant plus qu'ayant cessé d'être individuelles, elles s'étendent au monde entier, comme une vaste épopée dans laquelle chaque nation réalise une pensée de Dieu dans l'intérêt du genre humain. La philosophie de l'histoire ne doit point s'arroger le droit de prescrire la formule du progrès, mais il faut qu'elle l'enregistre, en observant les circonstances qui dominent dans ce sublime voyage de la civilisation d'Orient en Occident.

Voyez-la s'avancer du cœur de l'Asie vers l'Atlantique, conquérir et faire halte. A chaque temps d'arrêt, elle a adopté des croyances nouvelles, des mœurs, des lois, des usages et un langage nouveaux ; les questions capitales des rapports entre l'homme, Dieu et l'univers, de la hiérarchie politique, sociale et domestique, sont remises en débat. Elles sont résolues et acceptées; mais dans l'âge suivant, la civilisation reprend sa marche, et va les agiter de nouveau, pour en chercher une nouvelle solution. Dans sa route, elle est détournée par le choc des deux races de Sem et de Japhet, l'une s'avançant du septentrion, et l'autre du midi. Toutes deux

(1) Fiet unum ovile et unus pastor.

se rencontrent sur le même terrain, se heurtent, puis se mêlent et se modifient; et à chaque nouvelle période, elles se retrempent à leur source primitive. Tantôt ce sont les fils de Sem qui répandent les arts de l'esprit et du luxe; tantôt ceux de Japhet qui font irruption dans les tentes des Sémites (1), et leur mâle et indomptable vigueur apporte une nouvelle énergie aux méridionaux dégénérés.

C'est sur une ligne opposée que s'avance la civilisation de l'extrême Orient, partant de même des plateaux de l'Asie centrale, pour se diriger lentement à l'encontre du soleil. Comme la nôtre, elle est modifiée par le mélange des hommes septentrionaux et des méridionaux; car le Nord, qui nous envoya les Pélasges, les Scythes, les Celtes, les Thraces, les Slaves, vomit sur eux les Young-nu, les Mongols et les Mantchoux qui, parfois, firent retentir jusqu'aux rives du Danube leurs sauvages hourras (2).

Attachons-nous à suivre cette marche imposante, et qu'elle soit pour nous l'occasion d'embrasser dans son ensemble le spectacle que nous nous proposons de développer dans cette Histoire universelle heureux si nous savons faire notre profit des conquêtes et des erreurs de nos devanciers.

les origines.

Ce pays, paré de toutes les beautés, qui s'étend entre le golfe re époque; Persique et l'Arabie, la mer Caspienne et la Méditerranée, position centrale entre l'Inde et l'Écosse, l'Espagne et la Chine, est le foyer de la civilisation. L'homme y naît dans la parfaite harmonie de ses facultés, doté par Dieu de tout ce qui peut contribuer à son développement moral, physique et intellectuel. Nous dirons avec Vico (3) que, désespérant de retrouver le principe commun de l'humanité dans les annales des Romains, trop récentes eu égard à l'antiquité du monde; dans celles des Grecs, dictées par l'orgueil; dans celles des Égyptiens, mutilées comme leurs pyramides; non plus que dans celles tout à fait ténébreuses de l'Orient, nous irons le demander au début de l'histoire sainte, à la Genèse, à laquelle chaque science a, par ses progrès, apporté un nouveau tribut de preuves.

L'unité est brisée par l'orgueil; et l'harmonie entre les facultés IIe époque;

(1) Inhabitet Japhet in tabernaculis Sem. Genèse.

(2) Avec Gengis-Kan.

(3) Scienza nuova, 1, 7,

de la dispersion aux olympiades.- 776.

T. I.

3*

intérieures une fois détruite par le péché, s'égarent même celles extérieures, comme le langage et les traditions. Le Paropamise et le Caucase déterminent deux courants de populations, l'un se dirigeant vers le lever du soleil, l'autre vers le couchant; et si vous interrogez sur l'histoire la plus reculée, les mythes, les étymologies, les traditions, les idiomes, tous d'un commun accord vous signalent le centre de l'Asie comme le berceau des nations. Mais tandis que tout nous annonce la jeunesse de la société, loin d'y rencontrer l'état sauvage d'où l'homme se serait élevé peu à peu jusqu'à devenir le roi de la nature, déjà dans ces commencements nous rencontrons quatre grands empires : l'assyrien, l'égyptien, le chinois, l'indien. Ces deux derniers enfantent la civilisation du Thibet et du Japon, étrangère à celle de l'Europe. L'Égypte, en rapport de guerre ou de commerce avec la Perse, avec les Babyloniens, les Arabes, les Phéniciens, les Hébreux, devient, non la source, mais le canal par lequel les sciences, les lettres, les arts, le culte se propagent chez les trois nations occidentales, étrusco-pélasgienne, grecque et romaine, héritières des empires primitifs.

Les deux civilisations s'entre-choquent d'abord lorsque les Deucalions de l'Asie et de l'Afrique métamorphosent en hommes les pierres de la Grèce et de l'Asie Mineure. Quinze cents ans avant J. C., toute chose est orientale, telle que l'ont transplantée les colonies égyptiennes, arabes, phéniciennes, personnifiées dans les types d'Ogygès, de Cécrops, de Pélops et de Cadmus. Mais Prométhée, fils de Japet, ou la race hellénique descendue du nord, secoue et donne une autre vie à ces êtres dégrossis, jusqu'à ce qu'elle demeure subjuguée à son tour par les mœurs de l'Orient; et les monarchies sont partout établies. Toutefois, les Héraclides ne tardent pas à survenir avec la race septentrionale des Doriens; ils font prévaloir l'Occident, réduisent à des aristocraties féodales les gouvernements, qui passent de l'immobilité asiatique à la variété, et ouvrent en réalité le monde occidental. Le rapt d'Europe, celui d'Hélène, les amours de Médée, la conquête de la toison d'or, sont les riantes fictions sous lesquelles les poëtes voilent les inévitables combats de ces civilisations différentes. La conquête n'efface pas cette différence originaire, et la rivalite des Doriens et des Ioniens dure autant que la Grèce on en voit les chances alternatives dans la suprématie des Athéniens, de

Cimon à Périclès, dans celle des Spartiates après la victoire d'Ægos-Potamos, des Thébains, née et morte avec Épaminondas, jusqu'à ce que la domination macédonienne vienne livrer le pays amolli et enchaîné à la supériorité occidentale. Durant ce temps, un peuple spécialement dirigé par Dieu conserve intacte la tradition primitive; et tandis que chez les autres nations celle-ci s'altère à mesure qu'elle s'éloigne des sources, il maintient et proclame le principe le plus sublime : un Dieu seul, dont l'univers est un acte de libre volonté.

Ille époque, 776-323; des olympia

dre.

Ce peuple a son histoire; mais celles des autres ou se taisent, ou s'amusent puérilement à des fictions qui valurent à cet âge le des à Alexannom de fabuleux. C'est seulement au huitième siècle avant J. C. que les faits commencent à se classer par époques; et l'ère des olympiades (776) pour la Grèce, celle de la fondation de leur cité (754) pour les Romains, de Nabonassar (747) pour les Babyloniens et les Égyptiens, annoncent qu'à la fable succèdent les temps historiques, à l'âge des héros celui des hommes.

Dans l'Orient la civilisation s'affermit, et la race des Perses descend des montagnes pour rajeunir les Mèdes amollis et fonder un des plus vastes empires. On dirait que cette monarchie s'irrite contre la petite Europe qui commence à conquérir les sciences, les arts, les lois, et que ce soit par dépit qu'elle lance sur elle des torrents d'hommes réclamant la terre et l'eau. C'est le passé qui se déchaîne contre l'avenir, la race immobile contre la progressive. De même qu'Homère avait chanté le premier duel de l'Asie avec l'Europe, en faisant jaillir de la barbarie la pitié et l'admiration, ainsi Hérodote, témoin de la guerre persique, nous la transmet dans un récit dont l'unité gît pareillement dans la rivalité de l'Orient et de l'Occident. A Marathon, à Salamine, à Platée se décide la supériorité de la civilisation européenne sur l'asiatique, et bientôt les peuples, restés d'abord isolés, se rapprochent et se connaissent mieux les uns les autres. L'esprit humain, dans le siècle qui s'écoula de Périclès à Alexandre, fait plus de chemin que ne lui en avaient fait faire durant une bien plus longue période ni l'imagination des Indiens, ni la profonde intelligence des Égyptiens, ni le froid raisonnement des Chinois, ni la ferme volonté des Israélites. En racontant la guerre des Mèdes et celle du Péloponèse, le récit acquiert l'intérêt de l'épopée : comment pourrait-il en être autrement au milieu du vaste essor que pren¬

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