être réexportées après main-d'œuvre, sans figurer dans les tableaux du commerce, ni en allant, ni en venant. On leur consacre des tableaux spéciaux. La valeur des matières brutes importées a été de 100,845,668 en 1866 et de 174,984,850 en 1867; la valeur des exportations correspondante a atteint, en 1866, de 209,743,425 francs, et, en 1867, de 258,836,685 francs. Parmi les matières admises temporairement, et dont le nombre est assez grand, trois ont fait beaucoup parler d'elles : les grains, les fers et les cotonnades. On comprend que nous faisons allusion au commerce des acquits à cautions, que des dispositions réglementaires récentes ont dû beaucoup restreindre. Nous croyons qu'on a exagéré de tous les côtés : les uns, les avantages des importations temporaires; les autres, les inconvénients des acquits à cautions. Comment aussi entretenir une polémique bruyante sans exagérer quelque peu; mais dans les pages sereines du Journal des Economistes, on ne doit trouver que la stricte, la froide vérité scientifique. Or cette vérité se résume pour nous dans ce vers si souvent cité : Les admissions temporaires ne méritent Ni cet excès d'honneur, ni cette indignité. MAURICE BLOCK. CORRESPONDANCE A propos D'ANTOINE DE MONTCHRÉTIEN, auteur du premier Traité de l'Economie politique. Mon cher Directeur, Dans la livraison du 15 décembre dernier, du Journal des Economistes (p. 406), notre confrère M. Jules Pautet me reproche d'avoir « qualifié à tort Antoine de Montchrétien d'économiste inconnu, vu qu'il a sa place dans le Dictionnaire d'économie politique, où M. Joseph Garnier lui a consacré une intéressante notice. » C'est la seconde fois que ce petit reproche revient sous sa plume, car déjà, dans la livraison de juin 1868 (p. 423), il me l'avait adressé. Cette première fois j'avais laissé passer la critique, sachant par expérience combien d'inexactitudes involontaires se glissent sous la plume d'un écrivain; mais la répétition atteste une intention réfléchie, et dès lors elle me fait un devoir d'éclaircir le grief qui m'est imputé. Comme vous êtes un peu en cause vous-même, permettez-moi, pour la simplicité du discours, de substituer à la forme épistolaire une note, où je pourrai parler de vous à la troisième personne. Ceci dit, j'aborde directement la question. 3 SÉRIE, T. XIII. 15 février 1869. 20 J'ai eu l'honneur de lire, à l'Académie des sciences morales et politiques, un mémoire sur Antoine de Montchrétien, sieur de Vateville, auteur du premier Traité de l'économie politique (1615), et ce mémoire je l'ai présenté sous ce titre : Un Économiste inconnu du XVIIe siècle. Ce titre est-il ou non justifié ? Voilà le litige soulevé par M. Jules Pautet, et qui l'avait déjà été dans la Revue de l'instruction publique (numéro du 19 novembre), où j'ai dû le discuter (numéro du 10 décembre). Je ne puis que répéter en partie, mais en les complétant, les explications que j'ai déjà données dans cette Revue. Si l'adjectif « inconnu » signifiait toujours absolument non connu, c'est une épithète qui s'appliquerait mal à Montchrétien. Non-seulement il figure dans le Dictionnaire de l'économie politique, comme le dit M. Jules Pautet, comme je n'ai pas manqué de le dire moi-même dans mon Mẻmoire, mais il est eité aussi dans la bibliographie qui termine l'Histoire de l'économie politique de Blanqui; mais il a fait, en 1865, l'objet d'une notice particulière de M. Joly, professeur à la Faculté des lettres de Caen, et MM. Haag l'ont inscrit dans le tome VII de la France protes tante (1857). Mais bien avant eux, et avant tous, je crois, l'historien Monteil l'avait cité cinquante fois au moins dans les notes du xvi et du xvir siècle de son Histoire des Français des divers Etats. Tous ces précédents et quelques autres sont par moi rappelés dans mon Mémoire. Pourquoi donc osé-je qualifier Montchrétien d'économiste inconnu? Parce que, d'après le Dictionnaire de l'Académie (60 édit., t. II, p. 23), « inconnu se dit quelquefois, particulièrement, d'uné personne qui n'est << guère connue, ou qu'on regarde comme peu digne de l'être elle s'est « entêtée d'un inconnu. » C'est dans ce sens, parfaitement correct, que j'ai cru pouvoir qualifier Montchrétien d'économiste inconnu. Le débat entre M. Pautet et moi se pose donc sous cette nouvelle forme: Montchrétien est-il un économiste peu connu? Etait-il, avant mon Mémoire, regardé comme peu digne d'être connu ? 1° Montchrétien est-il peu connu ? Comme preuve qu'il est peu connu, je me borne à citer les faits sui vants. Il ne figure, ni par extrait, ni par simple mention, dans la Collection des principaux économistes, de la maison Guillaumin, ni dans la série intitulée Bibliothèque des sciences morales et politiques, de la même maison. Il n'est cité, encore moins apprécié, dans aucun des traités et cours les plus estimés (Rossi, Sismondi, Michel Chevalier, Cournot, Courcelle-Seneuil, de Villeneuve, Baudrillart, Léon Faucher, Villiaumé, J. Garnier, Molinari, Fr. Passy, et je crois pouvoir ajouter, avec une moindre certitude, Ricardo, Smith, Carey, Cherbuliez, Périn, etc.). Il n'a jamais été mentionné par les économistes du XVIIe siècle (les Physiocrates, Turgot, Adam Smith, et Malthus au seuil du XIX). M. Levasseur, dans son Histoire des classes ouvrières avant 1789, et M. Roscher, dans ses Principes, traduits par M. Wolowski, citent une seule fois, en nötë au bas d'une page, le Traité de l'économie politique de Montchrétien, mais sans aucun commentaire qui permette de croire qu'ils en aient soupçonné la valeur, que même ils l'aient connu de visu. Et quant à M. Horn, qui, dans son livre de l'Economie politique arant les Physiocrates, lui consacré une citation importante et étendue, son ouvrage ne date qué de 1867, deux ans après la conférence que j'avais faite à Rouen en 1865, sur trois économistes normands (Oresme, Montchrétien et Boisguillebert), dont un résumé a été publié dans l'Annuaire du Congrès scientifique de cette année. Montchrétien est aussi peu connu des historiens que des économistes. Pour en citer trois parmi nos contemporains les plus éminents, MM. Michelet, Henri Martin, Poirson, qui ont si profondément fouillé le xvii sièclé, né citent pas le Traité de l'économie politique, où ils eussent puisé de précieuses informations sur l'état de la France. Voltaire lui-même, leur devancier, n'a pas connu Montchrétien son Siècle de Louis XIV en fait foi. Les littérateurs l'ignorent autant que les économistes et les historiens. Beaucoup d'écrivains, et à leur tête MM. Sainte-Beuve et Philarété Chasles, ont parlé de Montchrétien, auteur de tragédies et d'autres poésies, mais ils ont gardé le silence sur Montchrétien l'économiste, qui est le même personnage. Pareil silence chez MM. Guizot, Cousin, Villemain, Saint-Marc Girardin. Les bibliographes n'en savent guère plus. La plupart des dictionnaires biographiques consacrent bien un article au tragédien, au duelliste, à l'industriel, au rebelle huguenot qui fut tué par un ancêtre de Turgot, et dont le cadavre fat brûlé et les cendres jetées au vent; mais, du publiciste, ils ne savent que le titre de son livre, et encore a-t-il bien peu de notoriété. Brunet ne le cite pas dans la 1 édition du Manuel du libraire; et, si, dans la 5e et dernière, s'il nomme le Traité, c'est sans indiquer de prix marqué par une seule vente. Le livre est en effet très-rare. Imprimé à Rouen en 1615, il n'a pas eu d'autre édition: la triste fin de l'auteur, autant que la nouveauté d'une science, dont Montchrétien inventait le nom et traçait le plan, à uñ point de vue national et concret, il est vrai, plutôt qu'universel et abstrait, explique suffisamment l'obscurité dont son nom et son œuvre sont restés entourés. C'est au point que j'oserais conjecturer que M. Jules Pautet, avant mon Mémoire, n'en savait pas plus sur Montchrétien que le reste des savants, malgré le Dictionnaire de l'économie politique. 2o Montchrétien était-il regardé comme peu digne d'être connu ? Sur ce second point, je n'aurai qu'à citer les opinions des deux seuls économistes qui aient parlé du Traitė, MM. Blanqui et Joseph Garnier. Qu'en dit Blanqui (1re édit., t. II, p. 394) : « Cet ouvrage, aujourd'hui fort rare, est divisé en trois livres qui traitent de la manufacture et de l'emploi des hommes, du commerce et de la navigation. Il ne présente d'autre intérêt que celui de résumer les idées du temps sur ces graves matières. Très-probablement Blanqui, dont l'ouvrage paraissait en 1838, avait connu Montchrétien par Monteil; mais on voit, par ces quatre lignes dédaigneuses, qu'il n'en a pas même soupçonné la portée, qu'aurait pu cependant lui faire entrevoir cette particularité, fort remarquable, que son livre traitait « de l'emploi des hommes », un souci des plus nouveaux, certes, au XVIIe siècle. - Blanqui avait feuilleté Montchrétien, et au premier coup d'oeil l'avait jugé indigne d'examen : c'était un inconnu ! Quant à M. Joseph Garnier, il s'est, à ma connaissance, occupé deux fois de Montchrétien. Une première fois, dans le Journal des Economistes (1), et dans le Dictionnaire de l'économie politique (1854). Il me suffira de citer son jugement, dans ce dernier article, le plus récent. « Cet ouvrage, dit-il, est surtout remarquable par son titre, si différent de celui qui est consigné dans l'acte concédant privilége à l'auteur. C'est la première fois qu'on trouve employé le mot d'Economie politique, et l'on se demande si ce mot était dans la langue, ou bien si Montchrétien l'a imaginé au moment de faire tirer son titre. Il est ensuite intéressant, si on veut se rendre compte des idées qu'un personnage pareil pouvait avoir, il y a deux siècles et demi, sur beaucoup de sujets économiques, qu'il effleure plutôt qu'il ne les traite, dans des discours pleins de fades compliments au roi et à la reine mère, de longueurs emphatiques et de réflexions en général de médiocre valeur. >> Certainement, c'est M. Joseph Garnier qui a seulement « effleuré » le livre, sans quoi il eût remarqué avec quelle ampleur Montchrétien traite les thèses qu'il aborde, ce que son cadre du reste lui permettait le Traité n'a pas moins de 600 pages petit in-40! Il n'eût pas non plus jugé médiocres des réflexions dont la lecture de mon Mémoire prouvera au contraire la profondeur et la nouveauté. Mais il a un mérite dont je lui sais un gré particulier : il a joint à sa notice la table des matières du Traité, table fort remarquable et qui m'a donné l'éveil. Mais ce qui achève de montrer le peu de cas que M. Garnier faisait de Montchrétien, c'est que dans son Traité d'économie politique (5e édit., pages 645 à 659), où il consacre aux origines et à la bibliographie de l'économie politique de nombreuses et substantielles pages, où il s'ingénie à découvrir tous les auteurs de traités dans toutes les langues, il ne cite même pas Montchrétien, ni son Traité d'économie politique, le premier en date, de tous les temps et de tous les lieux! Son patriotisme reste aussi indifférent que son érudition à cet honneur de notre pays! M. Jules Pautet trouve que, dans l'intéressante notice de M. Joseph Garnier, Montchrétien est sommairement apprécié »: c'est inexactement qu'il fallait dire. M. Garnier a eu sous la main un trésor, et n'en a pas דו soupçonné la valeur, parce qu'il y avait un peu de gangue autour du métal précieux. C'est bien en effet un bloc de minerai précieux que ce Traité de Montchrétien toute l'économie politique du xvIII et du xIx siècle y est tantôt en substance, tantôt complétement développée. Et si l'auteur avait eu sur l'échange une doctrine un peu plus complète, il serait sans conteste le véritable créateur de la science économique. Mais je n'insiste pas. En même temps que M. Jules Pautet apprécie avec équité les mérites de Montchrétien, que j'ai mis en lumière, mon Mémoire, dont le Compte-rendu de l'Académie publie les derniers chapitres, ne tardera pas à paraître en corps d'ouvrage, et les lecteurs curieux pourront juger de la valeur de cet écrivain, que je ne crains pas de signaler comme le plus éminent prédécesseur des économistes modernes, et comme un publiciste de premier ordre, par l'élévation et la sûreté de ses idées politiques. Aujourd'hui encore on le lirait avec profit. Neuilly, le 2 janvier 1869. Jules DUVAL. Nous accueillons la critique précédente (bien qu'elle soit un peu longue. pour une observation de deux lignes), parce qu'elle porte sur un sujet qui ne manque pas d'intérêt au point de vue de l'histoire et de la bibliographie de la science. Nous ne discuterons pas avec l'auteur de cette critique si nous avons bien ou mal apprécié le livre de Montchrétien dans la notice que nous avons pu fournir au Dictionnaire de l'économie politique, ayant eu la bonne fortune de mettre la main sur ce rare volume; ce sera au lecteur de l'œuvre de Montchrétien à prononcer en connaissance de cause. Nous nous bornerons à dire que si nous n'avons pas mentionné cet ouvrage en tête de la liste dont parle M. Duval, c'est simplement parce que l'idée ne nous en est pas venue; et elle ne nous est pas venue parce que ce n'est pas là un traité, malgré son titre encore inexpliqué, mais un recueil de quatre discours très-verbeux, très-emphatiques, roulant principalement sur l'utilité des arts mécaniques, le règlement des manufactures, le commerce et la navigation, recueil sans liaison méthodique, n'ayant même pas une pagination suivie, et portant deux titres différents: celui de Traicte d'œconomie du trafic dans l'ordonnance octroyant le privilége à l'auteur, et celui de Traicté d'œconomie politique sur la première page. Montchrétien avait-il de la science économique l'idée qu'on a commencé à en avoir cent cinquante ans après? Entendait-il par «œconomie politique » cette même science? Voulait-il faire un traité dans le sens que l'on attache à ce mot? C'est ce qui est plus que douteux. Quoi qu'il en soit, pouvait-on dire, en 1868, qu'un auteur et un livre cités cinquante fois au moins par Monteil dans l'Histoire des Français des divers états; qui ont, en 1852, fait l'objet d'une notice biographique et bibliographique dans le Dictionnaire de l'économie politique, où M. Duval |