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qui lui est indifférente dans le fond, et à laquelle elle doit nécessairement survivre. Et en effet le changement violent de cette forme ne saurait modifier la situation sociale de l'Espagne, laquelle produira toujours les mêmes effets que nous avons signalés.

Contrairement à l'opinion commune, rien en réalité n'est donc changé au delà des Pyrénées, que des qualifications nouvelles qui ont été substituées aux anciennes pour recouvrir une même société.

A une situation aussi grave, parce que la cause en réside dans les éléments mêmes dont se compose la nation espagnole, l'on ne peut porter remède que par la modification graduelle et successive de ces mêmes éléments. La classe ouvrière et la bourgeoisie font défaut, il convient de faire naître ces deux forces sociales sans lesquelles il ne saurait aujourd'hui exister de société harmonieusement combinée.

On y parviendra non pas seulement en rédigeant une constitution nouvelle qui fondera une monarchie ou une république, chose relativement secondaire, mais en développant les forces économiques du pays, par des facilités de toute nature données à la production et au commerce. On augmentera la production par la construction de routes, le commerce par la liberté introduite non-seulement par la suppression ou l'abaissement des tarifs, mais aussi par la simplification des formalités administratives qui, en matière de douane et de navigation, sont, en Espagne, particulièrement complexes.

Les routes permettront aux céréales de ne pas pourrir sur place, aux minerais de sortir des entrailles de la terre; la liberté permettra au commerce de les exporter au loin, et le développement de la richesse publique, qui en sera la conséquence, donnera enfin naissance à une classe ouvrière et à une bourgeoisie issues du travail.

L'équilibre social sera alors établi, la classe supérieure se verra disputer le monopole de la puissance, et elle devra nécessairement ou se transformer ou disparaître comme corps politique.

D'autre part l'élément civil, soutenu par deux forces sociales organisées, pourra lutter contre l'élément militaire et le réduire au seul rôle qui lui appartient de serviteur de la société.

Le remède au mal politique réside,, comme on le voit, dans l'amélioration de l'état social; le remède au mal social se rencontre dans l'amélioration de la situation économique.

Enfin le développement de l'instruction publique apporterait un puissant concours à cette œuvre de régénération sociale. Ce serait toutefois sortir du cadre du Journal des économistes que de nous étendre sur ce côté de la question. Bornons-nous à signaler que les statistiques officielles du recensement de 1860, toujours optimistes en cette matière, constatent que sur 15,673,000 Espagnols, 11,837,000 ne savent ni lire ni écrire, et que 705,000 autres ont appris à lire mais ne savent

pas écrire il n'en reste que 3,130,000 capables à la fos de lire et d'écrire. 80 010 de la population sont donc illettrés! Nous le répétons, ce sont les chiffres officiels que nous donnons ici. L'Anuario estadistico (1) nous les a fournis.

CASIMIR DELAMARRE.

OBSERVATIONS

SUR LA

RENTE FONCIÈRE EN ALGÉRIE (1).

Le passage presque sans transition de la valeur très-élevée des terres voisines des agglomérations d'habitants à une valeur très-inférieure de celles qui les suivent immédiatement est un fait général dû, en grande partie, à la gratuité des engrais, forcément produits par ces aggloméra, tions. A la limite de la surface que les engrais gratuits peuvent couvrir, se trouve cette diminution brusque de la valeur de la terre, dont parle M. Dubost. Si ce fait général est plus accentué en Algérie qu'ailleurs, on pourrait l'expliquer par le défaut de sécurité des entreprises dans les campagnes; défaut dénoncé par la prépondérance de l'autorité militaire dans le pays.

M. Dubost« croit que les partisans de Ricardo ne vont pas jusqu'à nier que la terre soit un capital; ils prétendent seulement qu'elle est un capital d'une nature spéciale, etc. »

Pourquoi ces partisans n'y vont-ils pas ? Le maître y est allé, et les partisans de la vérité y vont avec lui. Au point de vue scientifique, il y a trois moyens de production, et, par conséquent, trois ayants-droit au produit obtenu en commun.

Deux de ces moyens, Travail et Capital (3), ont une origine commune: l'effort intelligent de l'homme, tandis que l'existence du troisième, qui est l'Emplacement occupée par l'industrie, en est naturellement indépendante.

(1) Années 1862-65, page 29.

(2) Communiqués par M. Dubost (Journal des Economistes, novembre 1868, correspondance, p. 279).

(3) Sauf quelques capitaux naturels de territoires récemment exploités, tels que des forêts vierges, des gisements limités de minéraux, des éléments du sol épuisables par la culture.

Le Travail et le Capital ne peuvent se passer de rémunération, parce qu'ils ne peuvent continuer indéfiniment à rendre service sans s'épuiser, s'user et se détériorer. L'Emplacement, au contraire, rend service indéfiniment sans altération aucune (1), et n'exige, par conséquent, aucune rémunération pour continuer toujours à exister et à servir également bien.

Le Salaire et l'Intérêt ont, dans le même pays et à la même époque, un taux effectif à peu près uniforme, ne variant qu'entre des limites très-rapprochées, à moins qu'il ne s'agisse d'un pays, comme l'Algérie, où les voies de communication sont imparfaites, et la sécurité des producteurs précaire et inégale partout.

Le montant de la Rente foncière (2), à cause de l'immobilité de l'em

(1) Quelques auteurs nient cette inaltérabilité, parce qu'un terrain cultivé abandonné se couvre de broussailles, ses fossés se comblent, etc Mais il suffit que les défrichements, les fossés, les drainages, etc., durent sans renouvellement, autant que dure l'exploitation, pour qu'ils ne cessent de servir, quand même il n'y aurait aucune rémunération pour les sacrifices qu'ils ont coûté. De semblables travaux s'assimilent aux qualités naturelles et indestructibles du sol, tout comme s'y confondent les travaux d'un effet absolument éternel, tels que les dépierrements, certains amendements, les modifications de la configuration du terrain, etc.

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(2) Rente signifie revenu annuel permanent, ou à long bail, de quoi d'ailleurs qu'il provienne rente perpétuelle d'une dette d'État; rente viagère d'un placement à fonds perdu; rente d'un capital; rente d'un salaire dû, non acquitté ou ne pouvant pas l'être; rente d'une maison; rente d'un emplacement, ou foncière, etc., etc. Ce mot s'emploie seul, par abréviation, après avoir averti de laquelle de ces diverses rentes il est question, et l'on a déjà fait tort à la clarté des notions, lorsqu'on a voulu le consacrer spécialement à désigner la rente foncière. Mais il paraît que cette méprise-soi-disant imitée des Anglais — ne suffit plus à nos prétendus novateurs, qui trouvent plus divertissant d'inventer une économie politique à eux, que de bien comprendre les principes de la science des Ricardo et des Thünen. Ils sont en train de fausser complétement le sens du mot Rente, pour l'adapter à une idée des plus erronées en économie politique, quoiqu'elle ait eu l'honneur d'une approbation académique, celle de confondre la rente foncière avec des gains aléatoires, qui, le plus souvent, ne sont même pas des revenus annuels! Point de vue d'avocat-juriste et moraliste, peut-être, mais nullement celui de la science économique.

Rente foncière, rente de la terre ou de l'emplacement, loyer de la terre, valeur locative du terrain, revenu foncier, etc., toutes ces appellations sont prises dans le sens d'un revenu annuel permanent du pro

placement, varie, au contraire, à la même époque, d'une localité à une autre, dans tout pays, quelque homogène qu'il soit. A sa limite inférieure, cette rente est nulle, sans qu'une pareille absence du revenu de l'emplacement en affecte, en quoi que ce soit, la participation dans la production qui y serait établie. Quant à la hausse de la rente foncière, elle ne trouve de frein que dans le degré de richesse des concurrents à la location ou l'acquisition des emplacements, et on la voit poussée, dans les grandes villes, au point de faire monter la valeur du mètre carré à plusieurs milliers de francs.

Nous n'en finirions pas, si nous voulions épuiser toutes les dissemblances entre deux choses aussi radicalement distinctes que le sont le capital et son emplacement. Il est vrai que dans le sens vulgaire et générique du mot, capital c'est tout ce qui donne un revenu. Mais l'emplacement n'en donne pas toujours (1); de plus, au point de vue des trois moyens de production, auquel s'est placé M. Dubost, il est essentiel de ne pas élargir ainsi le sens des mots, au risque de confondre et d'embrouiller les notions les plus distinctes et les plus nettes, après quoi, il ne sera plus possible de sortir des ténèbres dans lesquelles se complaisent aujourd'hui beaucoup d'économistes au sujet de la rente foncière.

Il y en a, par exemple, qui pensent que la rente foncière est un cas particulier d'un phénomène plus général, qui embrasse toutes sortes de gains hors de proportion avec les frais. Leur illusion s'évanouira aussitôt qu'ils s'apercevront que la rente foncière, non-seulement n'est pas du tout un élément de la valeur des produits, mais qu'elle n'y a jamais la moindre influence, tandis que tous les autres payements, sans exception, en ont toujours, soit en atténuant, soit en aggravant le prix des produits. Mais revenons à M. Dubost.

S'il n'y a presque pas de fermiers en Algérie, sauf dans le voisinage des villes, c'est, sans doute, en partie, à cause du peu de sécurité des entreprises dans un pays arriéré en civilisation, et, d'autre part, à cause

priétaire de l'emplacement, ne contenant ni profits ni salaires quelconques, ni les intérêts des capitaux, ceux-ci étant des valeurs, naturelles ou produites, séparables du sol, ou périssables pendant la durée même de l'exploitation.

(1) Je possède en Russie, dans le gouvernement de Pskof, qui n'est pas un désert barbaresque, une forêt de bois de construction, laquelle, loin de pouvoir faire valoir son emplacement, c'est-à-dire me donner une rente foncière, ne pourrait même pas couvrir les frais de son exploitation, parce qu'il existe dans le pays une autre forêt, mieux située pour l'exportation du bois, et qu'elle suffit encore aux besoins des consommateurs et du commerce.

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de beaucoup de bonnes terres qui restent encore en friche. Néanmoins, M. Dubost donne des chiffres représentant le loyer et la valeur des terres. D'après ces chiffres, le loyer serait, relativement, toujours plus faible pour les terrains dont la valeur vénale est plus grande.

Arrêtons-nous ici pour mettre les choses à leur place et ne pas nous égarer dans les appréciations et déductions de l'auteur.

Demandons-nous d'abord comment s'évalue la valeur vénale de la terre ? Il n'y a aucune base pour sa détermination a priori (1).

La valeur vénale du capital s'appuie sur les frais actuels de sa production, la concurrence des producteurs de capitaux ne permettant pas le maintien de cette valeur au-dessus des frais, tandis qu'une valeur moindre ne tarderait pas à arrêter la production des capitaux.

Le revenu du capital se détermine aussi a priori; il est toujours la mesure de l'utilité du capital, autrement dit, du service que rend celui-ci, sans aucun égard à sa valeur.

La concurrence entre les producteurs des revenus c'est-à-dire entre ceux qui se servent de capitaux comme d'instruments de travail dans la production tend sans cesse à égaliser le rapport de la valeur du revenu à la valeur du capital, partout dans le même pays à la même époque. En effet, les capitaux se portent vers les industries où le revenu est le plus élevé, relativement, et se retirent, au contraire, de celles où il est le plus faible. Il en résulte que le rapport du revenu à son capital, rapport nommé intérêt du capital, obtient, à toute époque, un taux courant moyen à peu près uniforme dans toute l'étendue d'un pays suffisamment homogène.

Quant à l'emplacement, il n'a pas, comme le capital, de valeur absolue. Sa valeur n'est due à aucun frais (2) renouvelable de production, mais à son revenu seulement, qui est purement éventuel et formé par l'abandon que font les producteurs d'une partie de leur gain, lorsqu'ils se trouvent en compétition pour obtenir un emplacement convenable à leur industrie.

Lorsque ce revenu existe, il donne de la valeur à l'emplacement, en

(1) L'erreur capitale d'Adam Smith, et de ceux qui le prennent encore pour guide, c'est de n'avoir pas vu assez clairement que la rente foncière n'est pas inhérente à la terre, et que cette dernière ne peut jamais, par elle-même, rapporter aucun revenu, ni, par conséquent, avoir aucune valeur, quelque énormes qu'en soient les récoltes naturelles ou artificielles. Le revenu et la valeur de l'emplacement sont les conséquences d'une gêne sociale, causée par la parcimonie de la nature, comme l'a si bien dit Ricardo.

(2) Nous avons déjà expliqué plus haut comment les frais non-renouvelables, incorporés à la terre, ne nécessitent pas de rémunération.

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