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Relation du martyre'de trente-deux religieuses de divers monastères, condamnées à la mort par le tribunal révolutionnaire d'Orange.

On avoit réuni dans les prisons d'Orange quarante-deux religieuses de divers monasteres du Comtat. Dès le lendemain de leur arrivée (le 2 mai 1794), elles se rassemblèrent dans la même salle, et là, pleines d'un même esprit, et ne pouvant douter de leur fin prochaine, elles formèrent la résolution de se rallier à une seule règle, et de ne suivre toutes qu'un même plan de vie, sacrifiant ainsi à l'esprit d'union et de charité, toutes les différences qu'auroient pu mettre dans leurs pratiques les règles diverses des ordres auxquels elles étoient attachées. Dès ce moment, à l'exemple des premiers fidèles, tout fût commun entre elles, provisions, linge, assignats, etc.

Chaque jour, à cinq heures du matin, leurs exercices commençoient par une méditation d'une heure, suivie de l'office de la Ste. Vierge, qui les disposoit à la récitation commune des prières de la Ste. Messe.

A sept heures, elles prenoient un de peu nourriture; à huit heures, elles se réunissoient encore pour réciter les Litanies des Saints et pour faire leur préparation à la mort; chacune s'accusoit, à haute voix, de ses fautes, et se disposoit, en esprit, à la réception du Saint viatique.

L'heure de l'audience publique du tribunal

suivoit de près ces exercices. Comme toutes ces saintes filles s'attendoient à comparoître devant ces juges féroces, elles récitoient ensemble les prières de l'EXTRÊME-ONCTION, renouvelloient les voeux du BAPTÊME et les vœux religieux, en s'écriant, avec un saint transport Oui, mon Dieu! nous sommes religieuses, nous avons une grande joie de l'étre. Nous vous remercions, Seigneur, de nous avoir accordé cette grace.

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A neuf heures, l'appel commençoit. Toutes espéroient d'être nomniées, toutes souhaitoient d'aller au tribunal. Un jour on y appelle les deux dames Roussillon, sœurs et religieuses du même couvent; on n'en condamne à la mort qu'une seule. Comment, ma sœur, s'écrie celle qui étoit condamnée à survivre à l'autre, vous allez donc au martyre sans moi? que ferai je sur la terre, dans cet exil, où vous me laissez sans vous ? Ne perdez pas courage, lui répondit sa sœur, votre sacrifice, ma bonne sœur, ne sera pas long-temps différé. Ne semble-t-il pas entendre le diacre LAURENT et le Pape XISTE, s'entretenant ensemble et s'encourageant, au moment de leur martyre? La prédiction de la sœur, dont le supplice avoit excité une sorte d'envie à l'autre sœur, ne fut pas long-temps sans se réaliser, et le supplice de la seconde, les réunit bientôt après toutes les deux dans le sein de Dicu.

Celles dont la condamnation n'étoit pas encore prononcée, suivoient, par leurs desirs, celles que leur martyre avoit déja couronnées dans le Ciel; et au lieu de prier pour ces courageuses compagnes, eiles les invoquoient, et

demandoient à Dieu, par leur intercession, la grace d'imiter de si beaux modèles et de mériter leur couronne. Elles répétèrent, dans cette intention, les paroles de Jésus-Christ sur la Croix, les Litanies de la Ste. Vierge, la Salutation angélique et les Prières des agonisans. Le jugement une fois prononcé, elles ne revoyoient plus les condamnées. Celles-ciétoient jetées dans une cour, qu'on appelloit le Cirque, avec les autres personnes, condamnées comme elles. C'étoit là que ces chastes amantes de la Croix exerçoient, à l'égard des autres victimes dévouées à la mort, une sorte d'apostolat. Elles fortifioient les foibles, instruisoient les ignorans, encourageoient les lâches, relevoient ceux qui se seroient laissés aller au désespoir. Elles montroient à ceux que la perte de leurs femmes, de leurs enfans, retenoit par des liens trop charnels à la vie, des espérances plus solides, un héritage, dont la vue adoucissoit l'amertume des plus grands sacrifices; et il n'étoit pas rare de voir des condamnés, après avoir jeté derrière eux des regards de tristesse et de regrets, reprendre des forces nouvelles, à la voix consolante de ces martyres, et faire à leur exemple, le généreux sacrifice de leur vie, dans l'espérance d'une vie meilleure; il est enfin, peu de prisonniers qu'elles n'aient gagné à JésusChrist. Nous ne pouvons omettre le trait miraculeux d'une d'entre elles, qui, voyant le père d'une nombreuse famille tomber dans le désespoir, à la seule idée du supplice, qui alloit faire tant d'orphelins, passa une heure entière, les bras étendus en croix, pour le préserver d'un tel malheur. Ce nouveau Moïse ne

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pria pas envain. Cet infortuné mourut avec le plus grand courage.

Fidèles au réglement général, leur prison étoit une sorte d'église, où aucun autre soin que celui de louer Dieu, de le prêcher, de le faire connoître par tous ceux qui y étoient renfermés avec elles n'occupoit ces saintes filles. Chaque heure étoit marquée par un exercice particulier; rien ne pouvoit les distraire, ni l'attente de leur jugement, ni les soins à donner à ceux qui partageoient leur destinée, ni les injures et les cris des séditieux qui les doient. On alloit en juger un jour plusieurs à la fois à l'heure de vêpres; nous n'avons pas dit nos vépres, dit l'une d'elles : nous les dirons au Ciel, répondit une autre.

gar.

Quelle sérénité! quel calme! quelle foi, et quelle foi confiante! Ainsi meurent les enfans de la Croix, les héritiers du royaume céleste. Remplis de l'idée des véritables biens, ils quittent cette vallée de larmes, comme des prisonniers dont on a reconnu l'innocence sortent de leur prison.

Ces bonnes religieuses partageoient l'honorablé mission de prêcher Jésus-Christ, et de le confesser avec plusieurs prêtres fidèles, qui avoient préféré d'obéir à Dieu, plutôt qu'aux hommes, sans craindre les tourmens dont on les avoit menacés et qu'ils étoient assurés de subir. Soumis aux loix civiles, ils en prêchoient Fobservation, au moment même où ces loix, qui n'avoient pas de plus zélés défenseurs, servoient de prétexte à leur condamnation. On les entendoit, en allant au supplice, bénir ceux qui les y menoient, et leur parler de la cité de Dieu et de sa justice, la seule à crain

dre; ils les plaignoient de les voir condamnés à leur survivre, et de les voir exposés à tant de dangers sur une terre, où tout n'étoit qu'erreur et corruption, quand ils alloient jouir de l'éternelle vérité. Qu'elles étoient éloquentes, ces bouches, qui àlloient pour jamais. se fermer! D'autres prêtres moins courageux, et prisonniers comme eux, comme eux condamnés au dernier supplice, se jetoient aux pieds de ces confesseurs de la foi et de ces saintes religieuses, en leur demandant, comme dans le beau siècle de S. Cyprien, un de ces billets d'indulgence, que les premiers fidèles accordoient, au moment de leur martyre, aux pénitens publics. Nous avons, leurs disoient-ils, reconnu notre erreur, et nous l'abjurons de nouveau à vos pieds : « Pardon, mille fois par» don des scandales que nous avons donnés aux » foibles. Nous voulons mourir comme vous » dans le sein de la Religion catholique, apostolique et romaine ».

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Une joie douce succédoit à ces marques publiques de répentir; et ces prêtres, convertis à la foi, mouroient avec la même résignation, que ceux auprès de qui ils sollicitoient la grace de la réconciliation. Les gendarmes, chargés de les accompagner au lieu du supplice, ne pouvoient s'empêcher de l'avouer: Ces misérables, disoient-ils, meurent tous en riant. Ils le disoient sur-tout des religieuses, qui, toujours fermes dans la foi, n'avoient à se rappeler que des négligences légères. Les profanes témoins de ces scènes sanglantes ne pouvoient comprendre qu'on pût aller à la mort, comme on iroit à un festin.

A cinq heures du soir, nos héroïnes chré

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