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larmes. Il se retira en rendant hommage à une religion qui dictoit une pareille morale à ses disciples, et en disant : hors de là, je ne reconnois point de religion véritable,

Mais s'il faut à l'auteur de l'histoire des différens cultes une autorité plus prépondérante dans son opinion, en voici une qu'il ne sauroit révoquer en doute : c'est celle de Buffon, dont le génie, s'il faut en croire l'inscription fastueuse du jardin des Plantes, est égal à celui de la nature. «Les missions catholiques, dit-il, » ont formé plus d'hommes dans les nations >> barbares du Brésil, que les armées victorieu» ses dés Princes qui les ont subjuguées. Le Pa» raguai n'a été conquis que de cette façon. » La douceur, le bon exemple, la charité et » P'exercice de la vertu, constamment prati» quée par les missionnaires, ont touché ces » sauvages, et vaincu leur défiance et leur fé» rocité. Ils sont venus souvent d'eux-mêmes >> demander à connoître la loi qui rendoit les >> hommes si parfaits. Ils se sont soumis à cette >> loi et réunis en société. Rien ne fait plus » d'honneur à la Religion, que d'avoir civilisé » les nations et jeté les fondemens d'une em>>pire, sans autres armes que celles de la vertu». Hist. Nat., t. V, in-12. Disc. sur les variétés de l'espèce humaine.

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Nous ferons connoître dans un prochain n°., les vues et le plan de l'ouvrage du C. Delaunaye, dont les circonstances retardent d'ailleurs si fort l'impression, que les livraisons du premier volume paroissent à peine. La typographie ne laisse rien à desirer.

MEMOIRES pour servir à l'histoire de la religion et de ses ministres.

Il s'est passé, depuis le 10 août 1792, jusqu'à ce jour, une multitude de faits concernant la religion et ses ministres qui méritent d'être recueillis et de servir de monument à l'histoire. Nous en offrirons successivement à nos lecteurs le récit fidèle, mais sans nous abstreindre néanmoins à aucun ordre de dates.

Nous commencerons par la relation suivante, dont l'authenticité ne sauroit être contestée, et dont les détails nous ont paru d'un intérêt général.

RELATION du C. Sicard, instituteur des

Sourds et Muets, sur les dangers qu'il a courus les 2 et 3 septembre 1792, à un de

ses amis.

Les malheureux évènemens des 2 et 3 septembre, dont j'étois une des victimes désignées, occupent dans mon souvenir une place trop importante, pour que je ne sois pas toujours prêt à vous en faire le récit le plus, exact. Mais vous ne vous contentez pas, ami trop sensible, de ce que je vous en ai rapporté dans l'intimité de la confiance; vous voulez en avoir l'histoire par écrit. Je dois trop à votre bon cœur pour vous rien refuser. Je vais donc écrire cette histoire si déshonorante pour notre siècle, et dont la postérité concevra difficilement toutes les horreurs.

Le serment à la constitution civile du Clergé,

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exigé de tous les fonctionnaires publics ecclésiastiques, avoit jeté dans le Ŝanctuaire le germe d'une division fatale. L'assemblée constituante, en décrétant l'obligation de ce serment, laissoit les fonctionnaires publics libres de le prêter ou de le refuser. Le refus, aux termes de la loi, valoit une démission. Quelques-uns le prêtèrent. Le plus grand nombre le refusa et fut dépossedé. La loi laissoit le choix entièrement libre, et cependant on donna aux uns le titre de bons citoyens, les autres furent appelés réfractaires.

Dans le mois d'août 1792, la même assemblée crut devoir commander un second serment, qui fut appelé le serment de la liberté et de l'égalité. Le premier n'étoit point dans mes principes religieux, et l'on ne l'exigea point de moi. Mais quand j'appris que l'on avoit décrété un second serment purement civil, je crus devoir en offrir la prestation, que j'accompagnai d'un don civique de deux cens livres.

C'étoit l'instant où la municipalité de Paris remplissoit les prisons des malheureuses victimes dont elle avoit projeté le massacre. Plusieurs sections arrêtèrent par ses ordres tous les prêtres appelés réfractaires, et ceux qu'on savoit avoir quelques liaisons avec eux. Toutes les haines se réveillèrent, et nul homme de bien ne fut à l'abri de la suspicion.

Je n'avois qu'un seul ennemi, dont je tairai le nom et l'intrigue, et qui me devoit plus d'un bienfait. Il n'attendoit que le moment de me perdre ; il se réunit à quelques factieux, dont le 9 thermidor a puni depuis les nombreux attentats; il obtient un mandat d'arrêt con

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tre moi, et on vient l'exécuter, le 26 août 1792.

C'étoit le moment où j'allois faire la leçon des sourds et muets; j'étois occupé à ma correspondance, quand je vois entrer dans mon cabinet un menuisier du voisinage, nommé Mercier, accompagné d'un officier municipal, tous deux suivis d'environ soixante hommes armés de fusils, de sabres et de piques. Mercier m'annonce qu'il vient de la part de la commune pour me mettre en arrestation. Je l'écoute de sang-froid, et lui demande s'il m'est permis de prendre les lettres que je viens d'écrire pour les envoyer à la poste. Mercier répond qu'il se saisit de mes lettres, et qu'il faut même que je vuide mes poches pour lui donner tout ce qui s'y trouve; qu'il va procéder à mettre le scellé sur tous mes effets. Je demande s'il me sera permis d'emporter mon bréviaire, et je prends en même-temps un volume de plus, intitulé: Religion Chrétienne, méditée dans le véritable esprit de ses maximes. Mercier m'arrache ce livre des mains, et faisant effort pour en lire le titre, il dit à chaque mot, c'est contre-révolutionnaire; il faut faire mention dans le procèsverbal que Sicard a voulu prendre ce livre et l'emporter à la place de son bréviaire. Le menuisier fouilla dans toutes les armoires, en a homme du métier, jusques à ôter tous les fonds, soupçonnant qu'il n'y eut quelque écrit digne de sa censure.

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Enfin quatre heures s'étant passées à l'exae men et au scellé de mes effets, je suis mené, e avec tout cet appareil militaire, au comité de ma section (c'étoit celle de l'Arsenal); le co

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mité étoit complet. Plusieurs membres en me voyant arriver ne purent se défendre d'une secrète joie. On me fait asseoir à l'écart. On se regarde, et le rédacteur du procès-verbal de mon arrestation demande tout bas au président Que dirons-nous pour motiver son arrestation? Il n'y qu'à dire, répondit le président, qu'il faisoit des rassemblemens de prêtres chez lui. Personne ne m'adresse la moindre parole. Mercier seul est interpellé pour savoir qui me conduiroit à la mairie ? Celui-ci répond qu'il a du monde à dîner, et qu'il ne peut revenir que fort tard. On rit de son scrupule, et on l'invite de ne revenir qu'à sa commodité, Sicard, ajoute-t-on, est fait pour t'attendre.

On se retire et on me laisse sous la garde de quelques sans-culottes.

On revient à cinq heures pour m'amener au comité d'exécution. On me propose de prendre une voiture, pour éviter les désagrémens d'être conduit par des soldats. Je réponds à Mercier, que si la honte est pour moi, je veux la subir toute entière, que si elle est pour eux, je ne dois pas les y soustraire.

Nous marchons donc à pied vers la mairie, précédés et suivis de bayonnettes.

L'un des deux officiers ayant affaire dans une maison près de la place de Grêve, l'autre l'y suivit, et je me trouvai seul avec mes gardes; lorsqu'un de ces volontaires, étonné de voir ainsi mener en prison un homme, dont l'extérieur tranquille n'annonçoit rien de criminel, me demanda mon nom. Il ne l'out pas plutôt entendu, qu'il leva les yeux et les mains vers les Cieux, en s'écriant: « Quoi! >> c'est

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