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salle d'arrestation. Les plus timides se rassuroient à la vue de leurs confreres, et se félicitoient avec eux, de souffrir pour la cause de Jésus Christ.

Vers les dix heures du soir, du 11 août, on vint leur annoncer l'ordre du comité de comparoître en sa présence. Ils obéirent. Le président leur fit cette demande. « Avez-vous » prêté le serment décrété par l'Assemblée»? et sur leur réponse négative, le même président leur dit : « Y a-t-il quelqu'un de vous qui veuille » le prêter en ce moment? il en est temps en» core». Tous répondirent que ce serment, étant contraire à leur conscience, ils ne le prêteroient jamais ; il fut aussi-tôt enjoint à des exécuteurs subalternes de s'assurer de leurs personnes, de les fouiller, de leur ôter leurs cannes, leurs couteaux, et de les conduire dans l'église des Carmes, rue de Vaugirard, ce qui fut exécuté.

Arrivés dans cette église, la consigne fut donnée, pour les empêcher de communiquer entr'eux, sous aucun prétexte. Les détenus furent donc obligés de passer la nuit, chacun sur une chaise, et plusieurs, sans avoir ni dîné, ni soupé. Mais ce qui caractérise bien la fureur du moment, on ne leur permit pas même de se mettre à genoux, pour faire le Seigneur dépositaire de leurs peines, et lui demander grace pour leurs persécuteurs.

« Au lieu des saintes hymnes, que nous au» rions voulu chanter, à la gloire de ce Dieu, » pour lequel nous souffrions, dit un de ces » prêtres échapés au carnage, il nous falloit » entendre pendant toute la nuit, les invec

tives, les blasphêmes horribles, et les dé>> goûtantes obscénités de nos gardes. Nous » étions tous tranquilles et assis sur nos chai»ses, sans prononcer un mot. Ils se prome» noient autour de nous; ils nous fixoient > nous regardoient en face, et leur plaisir » étoit sur-tout, d'observer l'horreur que nous inspiroient leurs juremens et leurs impréca» tions: car, pour leurs menaces, Dieu nous » faisoit la grace d'y être peu sensibles. Pour » nous donner un avant goût du sort qui nous » attendoit, ils s'aviserent de monter presque

tous à la tribune, de contrefaire les céré» monies de l'église, et tous les sons lugubres

d'une messe de morts, qu'ils chanterent sur » nous. Les malheureux ne savoient pas que » ce présage, loin d'effrayer nos cœurs, nous > annonçoit tout ce que nous pouvions espérer » de plus consolant.

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» Le lendemain matin se passa à-peu-près » de même, dans un profond silence de no» tre part et des outrages continuels de la » part de nos gardes. Mais on nous permit » d'envoyer chercher à nos dépens de quoi » dîner et réparer nos forces abattues, bien plus par le mauvais traitement de nos gardes, que par le défaut de nourriture et de » sommeil. La sainteté du dimanche nous en» hardit à faire demander à la section qu'il >> nous fût permis d'entendre la messe. Après une bien longue délibération, cette permission fut accordée, mais en nous annonçant, » comme pour modérer notre joie, que dans » la suite, nous n'aurions plus d'autre messe, » que celle d'un prêtre assermenté; c'étoit

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nous dire que nous n'en aurions plus du tout; » car l'on connoissoit bien à cet égard la ri »gueur de nos principes ».

Les jours suivans on usa envers nous d'un peu plus d'humanité. Il nous fut permis de prier Dieu et de converser ensemble. Dès cet instant, il nous sembla avoir recouvré toute notre liberté. Les journées se passoient en prieres, en lectures de piété, à des conversations chrétiennes, dans lesquelles nous nous encou ragions, mutuellement à souffrir avec résigna tion et avec courage, comme les saints confesseurs qui nous avoient précédés.

Chaque jour voyoit s'accroître le nombre des prêtres prisonniers, qui, dès la fin de la premiere semaine, se trouverent entassés au nombre de cent vingt dans l'église des Carmes. Leurs besoins devenoient extrêmes, lorsqu'on permit enfin à leurs parens, à leurs amis et aux fideles, de venir les visiter, à certaines heures de la journée. Ils avoient passé deur jours et deux nuits sans autre lit qu'une chaise. Plusieurs de ceux qu'on y amenoit à chaque heure du jour et de la nuit, étoient accablés, ou de vieillesse, ou d'infirmités; plusieurs étoient réduits à une indigence, qui ne leur laissoit pas même de quoi pourvoir à leur nourriture. Leur état frappa un de ces sectionaires qui, jusqu'alors, avoit montré le plus de fureur pour leur incarcération. Il fit donner aux gardes la permission de laisser entrer ce qu'on apporteroit aux prisonniers, en prenant néanmoins toutes les précautions nécessaires pour s'assurer qu'il n'y avoit point d'armes. Il fut ensuite lui-même dans les maisons des en

virons, inviter les ames charitables à secourir les prêtres prisonniers. Les fideles qui soupiroient après cette permission, apporterent aussi-tôt à l'église des Carmes, des lits, du linge, et diverses nourritures. Une dame, qui voulut demeurer inconnue, fournit constamment le dîner et le souper à vingt de ces prêtres; tous furent secourus.

Leur prison se changea dès-lors en une véritable Catacombe des anciens confesseurs. Qu'on se représente une église d'une grandeur très-médiocre, et dans tout son contour, sur le pavé de la nef même, sur celui des chapelles, jusques sur le marche-pied des autels, des matelats, serrés les uns contre les autres, c'étoit là qu'ils dormoient, et sans doute plus tranquillement, que leurs persécuteurs ne le faisoient sur le davet et lorsque la pensée, que peat-être leurs bourreaux arriveroient dans la nuit même se présentoit à eux, la seule grace qu'ils demandoient à Dieu, étoit de confesser son nom jusqu'à la fin. On ne leur laissoit pas la consolation de célébrer les saints mysteres, leur piété y suppléoit chaque jour, en répétant les prieres de la Ste. messe, en s'unissant au sacrifice adorable offert en ce moment sur les divers autels catholiques du monde. A toutes les heures du jour, une grande partie d'entr'eux, prosternés dans le sanctuaire, faisoient de leur prison, le temple d'une perpétuelle adoration. Ce n'étoit plus là le Clergé, à qui les hommes, et peut-être le ciel, reprochoient la tiédeur, c'étoit vraiment les prêtres de Jésus-Christ; leur conversation, lorsqu'ils se reposoient de ces prieres ferventes, étoit en

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core la conversation des saints. Ils parloient du bonheur qu'ils avoient de se voir captifs pour la foi; ils se fortifioient dans cette idée par de saintes lectures.

Quand l'heure des repas arrivoit, c'étoit un étrange contraste, que celui des gardes farouches; les uns occupés à visiter les mets qu'on apportoit, fouillant avec leurs sabres, et le pain et la viande, et jusques dans les bouillons des malades, pour s'assurer qu'il n'y avoit ni lettres, ni instrumens de mort; les autres, rodant avec leurs piques autour des tables, et l'honnêteté mutuelle des détenus, ce soin de prévenir les besoins, les uns des autres, et cette tranquillité d'ame qui les faisoit sourire, des précautions que l'on prenoit envers eux, pour les tenir sans armes, dans la captivité.

Les détenus avoient obtenu, sur la demande de l'officier de santé, de se promener dans le jardin. La promenade fût d'une heure le matin et d'une heure le soir. Tantôt, il fût permis de la prendre tous ensemble, tantôt, on n'en laissoit sortir que la moitié, suivant le caprice des gardes. Ces promenades étoient encore saintes. Les uns, et en grand nombre, aimoient à retrouver dans le fond du jardin, une espèce d'oratoire ou de salle abritée, dans laquelle se trouvoit l'image de la Ste. Vierge. Là, respirant un air plus sain, ils puisoient aux pieds de la patrone des martyrs, de nouvelles graces qui fortifioient leurs ames; les autres, ou disoient leur bréviaire, ou s'entretenoient pieusement des objets religieux, et ils ne rentroient pas dans leurs prisons, sans éprouver au-dedans d'eux-mêmes, que les plus gran

des

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