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minez. Ces personnages là, n'ont-ils pas l'air » de redoutables conjurés »! Manuel se contenta d'ajouter Votre déportation est résolue, on

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s'occupe de l'exécution. Les sexagénaires et » les infirmes doivent être renfermés dans une » maison commune. Je venois m'informer si » vous en connoîtriez une plus propre à cet objet, que celle de Port-Royal. Manuel poussa ses hypocrites attentions, jusqu'à permettre la promenade du jardin, depuis quel ques jours interdite aux prisonniers; et comme dans une seconde visite qu'il leur fit, quelques-uns lui demanderent s'il leur seroit permis d'emporter quelques effets dans leur exil; Manuel répondit: Ne vous en mettez pas » en peine; vous serez toujours plus riches que Jésus-Christ, qui n'avoit pas ой reposer sa

» tête ».

Cependant, lorsque plusieurs des détenus croyoient à la parole de Manuel, plusieurs autres soupçonnoient en lui les projets les plus sinistres.

L'Archevêque d'Arles, les deux Evêques de Saintes et de Beauvais étoient de ce nombre. Ils donnerent ordre à leurs domestiques, & qui on permettoit de les visiter, de ne pas revenir le lendemain sans avoir payé leurs dettes, et sans apporter les quittances de celles qu'ils auroient payées. Ceux même qui répugnoient; le plus à recevoir les paiemens, tel que le tailleur de M. Dulau, qui pleuroit, et protestoit ne pouvoir accepter de l'argent, dans une cir constance, où le Prélat avoit lui-même des be soins si pressans, furent obligés d'accepter, pour ne pas affliger leurs vénérables débiteurs,

Le mercredi qui précéda le 2 septembre, les détenus purent juger d'une maniere trèsévidente, qu'on ne s'occupoit de fien moins que de leur élargissement. Dès le moment qu'ils étoient arrivés aux Carmes, on les avoit fous fouillés avec les plus grandes précautions, ne leur laissant pas le moindre instrument tranchant, pas même un canif on des ciseaux. A l'heure de leur repas, on ne leur apportoit que quatorze couteaux pour un si grand nombre de personnes, et après le repas, on s'assuroit bien spécialement qu'il n'en restoit pas un seul à leur disposition. Très-souvent en-. core, on visitoit avec scrupule, sur-tout les lits, pour voir, s'il n'y avoit pas quelques armes cachées. Ce jour là, cette visite, non-seulement fut répétée deux fois, mais l'église fut dépouillée de tout ce qui tenoit au service divin. On enleva tout ce qui restoit sur les autels, jusqu'au Crucifix; une autre Croix, placée sur la chapelle à droite, fat brisée. Mais il en fut ensuite trouvé une troisieme, de bois, que les prêtres se hâterent de placer sur l'autel, pour lui continuer les homimages de leur dévouement et de leur amour.

Pleins de confiance en ce Dieu crucifié, ils lui avoient tous ensemble fait l'offrande géné reuse de leur vie, avant que de prendre le repos de la nuit. Is dormoient tranquillement sous le couteau qui devoit les égorger, lorsqu'un nouveau trait de la plus perfide dissimulation vint les réveiller. C'étoit Péthion et Manuel qui leur envoyoient signifier le décret de Déportation sur les onze heures du soir. Plu

M A

sieurs se rendormirent dans la sécurité, s'attendant à voir, le lendemain, les portes de leur prison s'ouvrir, pour leur donner le temps accordé par la loi, annoncé par Manuel, pour se préparer à leur exil. Or, dans cet instant même, on creusoit leur fosse au cimetiere de S. Sulpice. Oui, le même jour auquel leur sommeil fut troublé, par l'annonce dont nous parlons, le vendredi, 30 août, des hommes commandés avoient arrêté un marché, pour creuser dans le cimetiere, une fosse, capable de contenir environ deux cens victimes. Le prix convenu pour chacun des ouvriers étoit de eent écus.

Le samedi se passa, de la part des prisonniers, dans les exercices ordinaires de leur piété, et dans l'attente inutile des ordres que le maire Péthion devoit donner pour leur déli vrance. Le dimanche, même sécurité; cependant la promenade du matin fut retardée; quel ques-uns s'apperçurent qu'ils étoient plus surveillés. En rentrant, ils trouverent leurs gardes changés plutôt qu'à l'ordinaire.

C'étoit le jour fatal qui devoit éclairer tant de massacres. Le tocsin et le canon d'allarme tenoient une partie de Paris dans la tristesse et la consternation, et l'autre, dans tous les transports d'une fureur aveugle.

Cependant on servit le dîner à la même heure que les autres jours aux prêtres détenus dans l'église des Carmes. Un officier de garde leur dit en ce moment, et leur répéta plusieurs fois ces paroles. « Lorsque vous sortirez, on rous rendra à chacun, ce qui vous appar

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» tient ». Les prêtres dînerent tranquillement, lorsque leurs bourreaux étoient déja cachés dans les corridors de la raison.

La promenade fut différée; les prêtres crurent qu'ils n'en auroient pas, ce jour là; nonseulement on la permit vers les quatre heures; mais, contre Pusage, on força les vieillards, les infirmes, et tous ceux qui continuoient leurs prieres dans l'église, à passer dans le jardin. Ils y trouverent la garde doublée. Ce jardin est un quarré divisé par des allées en quatre compartimens. Au midi, les mars du couvent; à l'orient, une partie de P'église, d'où on s'y rendoit, en traversant un corridor; à l'angle du nord, et vers le fond, étoit cette espece de chapelle ouverte, soutenue par des barreaux, et dans laquelle toujours quelques prêtres se retiroient pendant la promenade, pour ne pas cesser de prier, en respirant un nouvel air. Elle se trouvoit aussi fermée, contre l'usage. L'officier de garde l'ouvrit, à la demande de l'évêque de Saintes..

Les cent quatre-vingt prêtres, réunis dans ce jardin, commençoient à s'y livrer à leurs exercices ordinaires pendant la promenade, lorsque tout-à-coup un bruit se fait entendre au loin; c'étoit celui d'une partie des bourreaux, qui traversoient une rue voisine, en se rendant à l'Abbaye. Ceux de leur troupe qui étoient cachés dans le corridor donnant sur le jardin, ne se possédent plus; à travers les barreaux des fenêtres, ils tendent contre les prêtres, leurs bayonnettes et leurs sabres, its brandissent leurs piques, en criant: Scélérats, voici donc enfin le temps de vous punir, et ils ajoutent

mille imprécations. A cet aspect, les prêtres se retirerent vers le fond du jardin, se mettent à genoux, offrent à Dieu le sacrifice de leur vie, et se donnent mutuellement la derniere bénédiction.

(La suite au numéro prochain.)

ÉGLISE DE PARIS.
Février 1796.

On desire savoir dans les départemens ce qu'ont fait les prêtres catholiques de Paris à l'égard de la derniere soumission exigée des ministres de tous les cultes. La plupart l'ont consentie, quelques-uns ont cru devoir s'en abstenir par principe de conscience, mais sans blâmer les premiers, et sans s'élever contre leur conduite.

Les églises rouvertes sont extrêmement simples dans leurs décorations. Leur plus beau lustre leur vient de la piété des ministres et de celle des fideles. Le jour de Noël, il a été rouvert une nouvelle église, celle de S. Nicolas du Chardonet.

Les prêtres catholiques de Paris méritent cet éloge; qu'ils se sont constamment conduits avec soumission aux loix civiles, sans déclamation sur les affaires politiques, sans aigreur contre les prêtres, ci-devant constitutionnels, desirant leur réunion, et la demandant, tous les jours, à Dieu dans le saint sacrifice. Mais quel est aujourd'hui le fidele ministre de Jésus

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