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qu'à la porte de l'église la trouverent fermée, Enfin il fut possible d'entrer. Les premiers arrivés se précipiterent à genoux dans le sanctuaire. Les autres y couroient à travers les assassins, qui partie, les y chassoient, partie continuoient à faire feu sur eux, à mesure qu'ils s'en approchoient.

A l'extrêmité da jardin, sur-tout, le massacre ne cessoit pas encore. Là même cependant, se passoit une autre scene, qui laisse presque réspirer l'humanité. M. l'abbé Dutillet, avec quelques autres prêtres, se trouvoit resserré contre un mur et restoit immobile. Un des assassins le coucha en joue jusqu'à trois fois, sans que l'arme prit feu. Dans son étonnement, voilà un prêtre invulnérable s'écria-t-il, cependant je n'essayerai pas un quatrieme coup. - Pour moi, dit un second je le prends sous ma protection, il a l'air d'un honnête homme ; et en disant ces mots, il le couvre de son corps. A la faveur du tois marseillois, M. Dutillet fut presque regardé comme compatriote par son protecteur; et quoiqu'il fut forcé d'entrer dans l'église avec les autres prêtres, le Marseillois ne le perdit pas de vue, et vint à bout de le soustraire au second acte du carnage.

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Dans cet intervalle, le reste des prêtres se réfugioit dans le sanctuaire ou dans le choeur, derriere Pautel, car on les empêchoit de se répandre dans la nef; d'autres assassins continuoient à faire feu sur les vieillards qui avançoient plus lentement. Toujours imaginant qu'on ne cherchoit qu'à leur ôter le reste de leurs victimes, ils vinrent furieux vers l'église,

Le commissaire réussit à leur en défendre l'entrée. Alors ils se porterent vers la grilla du choeur, et comme des lions rugissant, rodant autour de cette cloison de fer, à travers laquelle ils voyoient leur proie; vingt fais ils essaverent de l'arracher.

Quelques temps leurs efforts semblerent devoir être inutiles. Le commissaire fit parler la loi, l'humanité, il leur dit que la vengeance du peuple étoit juste, mais qu'il étoit des innocens; qu'un assez grand nombre de victimes étoit tombé. En ce moment il se fit un grand silence. Quel étrange composé de compassion et de cruauté ! C'étoit M. l'Evêque de Beauvais, que ses propres assassins appor toient avec une espece de respect : ils le déposerent dans l'église sur des matelats, comme s'ils eussent voulu le guérir de ses blessures. M. l'Evêque de Saintes son frere ignoroit encore son sort. En entrant dans le choeur, il avoit dit qu'est devenu mon frere! Mon Dieu, je vous en prie, ne me séparez pas de mon frere. Averti par l'abbé Bardet, qui avoit enfendu ces paroles, il courut à so frere, il l'embrassa, mais il ne lui fut pas permis de rester long-temps auprès de lui,

La rage des assassins reprit toute sa force. Le commissaire veut encore faire entendre sa voix, elle est impuissante. Ils pénetrent dans l'église. L'aspect de tous ces prêtres à genoux devant l'autel, au lieu de les toucher, les révolte encore. Il leur tarde de consommer le sacrifice; ils l'eussent fait sur le champ même et aux pieds de l'autel; et déja sous les yeux des prêtres, ils aiguisoient les sabres et

les piques sur la table sainte, lorsque le com missaire leur représenta, qu'au moins ne falloit-il pas que tant de sang fut versé dans le

lieu saint.

Afin de procéder plus méthodiquement au massacre des prêtres, encore au nombre d'environ cent, ce même commissaire, qui les appelloit dans l'église, en promettant qu'il ne leur seroit point fait de inal, établit son bureau auprès du corridor qui conduit au jardin, désigné désormais sous le nom de Parc aux cerfs. C'est devant lui que vont défiler les victimes. Prendre leur nom, et s'assurer qu'elles ont été successivement immolées, sera l'exercice de son autorité. Il en dérobera cepen-dant quelques-unes à la mort.

Les gendarmes qui, de garde en ce jour, et supérieurs en nombre aux assassins, leur avoient laissé le champ libre, sont, partie dans l'église, rangés en haie devant le sanctuaire, pour tenir les victimes entassées sous la main de leurs bourreaux, et partie, distribués dans l'intérieur de la maison, auprès des portes, pour empêcher le peuple de troubler les massacreurs. Ceux-ci ont pris leur poste au bas, et sur le haut de l'escalier qui conduit au jardin. C'est là désormais le champ de l'holocauste. C'est là que, deux à deux, les prêtres sont conduits par ceux des assassins désignés pour choisir les victimes.

A l'aspect de chacun de ces prêtres, sortant du sanctuaire, les bourreaux poussent des cris de joie. C'est à qui portera le premier coup de hache ou de pique, de sabre ou de fusil. La victime assaillie, au cri de vive

la nation, est tantôt immolée sur le perron, tantôt précipitée au pied de l'escalier, et là, percée de mille coups. Quand elle a cessé de respirer, de nouveaux hurlemens célebrent la victoire, et donnent le signal, pour amener de

nouvelles victimes.

En priere dans l'église, les prêtres entendoient retenir ces cris de morts. Le ciel ne permit pas que leur constance en fut ébranlée. Aussi-tôt que leur tour arrivoit, ils se levoient, les uns avec cette sérénité, à travers laquelle perce la joie d'une ame assurée de l'instant qui va la mettre dans le sein de son Dieu; les autres avec l'empressement, avec tous les transports de l'innocence, invitée par les anges aux nôces de l'agneau. Ce-lui-là, dédaignant d'interrompre le cours de ses prieres, alloit, les yeux fixés sur son bréviaire; et jusques sous le glaive des assas sins, , payoit à Dieu le tribut de ses louanges. Celui-ci avançoit, les promesses divines, les écritures saintes à la main; et dans ces oracles sacrés, puisoit toute la force des martyrs dans leur dernier combat. Quelques-uns jettoient sur leurs assassins un œil de pitié, et couroient affronter leurs piques et leurs haches. Plusieurs d'entr'eux avoient, dans les chaires publiques, dans de savans écrits, consacré leur génie à défendre la religion; ils se levoient, en bénissant leur Dieu, d'avoir à sceller de leur sang cette foi, qu'ils avoient soutenue par leurs écrits. D'autres enfin, au moment où on les appelloit, jettoient un dernier regard sur l'image du Dieu crucifié, et lui disoient ce qu'il avoit lui-même fait en

tendre à son pere: Seigneur, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font.

Ce spectacle étoit si frappant qu'il excita Padmiration du commissaire même qui avoit présidé au massacre. Cet homme, qu'on ne peut soupçonner d'avoir cherché à relever la gloire de ces victimes, parlant deux jours après à ceux des prêtres qu'on avoit arrachés à leurs bourreaux, mais qui étoient encore détenus à la section, leur disoit dans un enthousiasme involontaire : « Je me perds, je » m'abyme d'étonnement, je n'y conçois » rien, et tous ceux qui auroient pu le » voir n'en seroient pas moins surpris que » moi. Vos prêtres alloient à la mort avec la même joie, que s'ils fussent allez aux

» nôces ».

Il n'étoit cependant pas difficile de comprendre, que la source de cette joie étoit dans le calme de leur conscience, et que tout leur crime ne consistoit que dans le refus du serment. En effet, pour toute preuve que chacun de ces prêtres devoit être mis à mort, on avoit demandé à plusieurs d'entr'eux: avezvous fait le serment? Ils avoient répondu : non. Et il en est un qui ajouta : il en est même plusieurs parmi nous à qui la loi ne le demandoit pas, parce qu'ils n'étoient pas fonctionnaires publics. C'est égal, reprirent les assassins, où le serment, cù vous périrez tous.

Ainsi furent d'abord immolés, tous ceux qui, en entrant dans l'église, avoient pu trouver place dans le sanctuaire; les autres, dans le choeur des religieux, derriere l'autel, atten

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