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rent pour la vertu, la même émulation que les méchans ont pour le vice. Or, cette religion, où l'esprit, comme l'on voit, a moins de part que le cœur, qui est plutôt l'effet d'un besoin, d'un instinct de la nature, que la suite d'une instruction ou d'une croyance raisonnée; cette religion du sentiment est inséparable du culte public. C'est ce qu'il importe sur-tout de prouver à cette classe de gens bien, que des systèmes évidemment impies ne feroient que révolter; mais qui, trop peu en garde contre le sophisme des nouvelles opinions, ne résistent pas au desir trompeur de se séparer de tout culte populaire, sous le spécieux prétexte d'un culte plus pur et plus parfait.

de

De toutes les erreurs d'une fausse sagesse, je l'avoue, c'est iei, peut-être, la plus séduisante pour l'orgueil humain. Comment résister, en effet, à la vaine gloire de paroître plus éclairé que nos semblables, quand il doit ne nous en coûter d'autre travail que de sui-vre avec plus de nonchalance la pente de notre paresse et celle de notre orgueil. C'est ainsi que les sophistes ont des maximes accommodées pour toute sorte d'esprits; pour les hommes naturellement amis du bien, comme pour ceux qui ne cherchent qu'à s'aveugler eux-mêmes. Dieu ne demande, disent-ils, que le sacrifice des bonnes œuvres, et il n'est point de culte plus agréable à ses yeux que celui du sentiment. - Oui, sans doute, mais est-ce lui offrir un pareil culte que de concentrer au dedans de soi un sentiment, qui de sa nature ne cherche qu'à se produire au de

hors, et à se répandre en signes éclatans de joie, d'admiration et d'alégresse? Quoi! vous méditerez Dieu dans votre propre cœur, et votre bouche restera muette sur ses merveilles! Vous le remercierez de ses dons en vousmêmes, et vous rougirez de lui rendre de publiques actions de graces? Ses bienfaits seront présens à votre mémoire, et aucun monument n'en rappellera le souvenir sur la terre! Vous aimerez à contempler quelquefois sa miséricorde et sa justice, et vous n'associerez jamais vos semblables an devoir le plus consolant et le plus sublime de votre nature! Certes! la Religion, quand elle pénétre bien avant dans une ame, lui inspire d'autres pensées et d'autres desirs. Eh! où est l'homine jaloux de la gloire de Dieu, qui ne voulat, s'il étoit en son pouvoir, associer les nations entieres à la voix de sa reconnoissance et de son amour (1).

Que prétendent-ils done ces sophistes, inconséquens avec toute la pompe de leurs dis

(1) Si nous avions de l'entendement, dit Epitecte que devrions-nous faire en public et en particulier que, louer et bénir la Divinité, et lui rendre des actions de graces Ne devrions-nous pas en travaillant et en mangeant, célébrer les louanges de Dien Grand Dieu! c'est vous qui nous avez donné ces mains.... les organes du manger et de la digestion, la faculté de croître imperceptiblement, de respirer pendant le sommeil. C'est ce que nous devrions chanter en toute occasion, et enton-, ner l'hymne le plus solemnel et le plus divin, en reconnoissance de ce que Dieu nous a donné le pouvoir d'atteindre à ces sublimes connoissances et de les méditer. Epitecte dans Arrien.

cours? I's louent dans l'homme les témoigna ges publics de sa sensibilité envers ceux dont il a reçu quelque bienfait ici bas, et ils veulent les lui interdire envers cette Providence supréme, dont il a reçu tous les bienfaits! Ils lui font un devoir de se montrer généreux et fidelle envers ses semblables, et ils veulent lui faire bonte de se montrer encore tel envers son auteur! Ah! la religion du sentiment tient à l'homme un autre langage. Voyez quels ont été les premiers rendez-vous des nations, les premiers monumens des peuples, les premiers asyles des vertus sociales? Des lieux consacrés à la Divinité, des temples (1), des au

(1) La nécessité d'associer Dieu à son existence est tellement liée à la nature même de l'homme, que ses premiers pas vers la civilisation, en quelque coin isolé du globe où la Providence l'ait fait naître, le portent à se réunir à ses semblables pour louer et bénir en commun un Dieu créateur et conservateur. « Les pagodes les plus anciennes de l'Inde paroissent n'avoir été que des excavations dans les parties montagneuses du pays, formées probablement, dit Robertson (Recherches historiques sur la connoissance que les anciens avoient de l'Inde, et sur les progrès du commerce avec cette partie du monde avant la découverte du passage par le Cap de Bonne-Espérance. Traduit de l'anglais de W. Robertson, vol. in-8°. Paris, 1792), à l'imitation des cavernes naturelles, où les premiers habitans se retiroient en sûreté durant la nuit, et où ils trouvoient un abri contre la rigueur des saisons. La plus célebre et, sans doute, la plus ancienne de toutes celles-ci est la pagode de l'isle Elephanta, à peu de distance de Bombay. Elle a été taillée à main d'homme dans un rocher massif, à moitié chemin d'une haute montagne, et formée dans une aire spacieuse de plus de cent vingt pieds quarrés. Pour supporter le toit et le poids de la

tels, des pyramides, des tombeaux. Voyez
quelle fut l'origine des arts et des sciences?
Par-tout vous trouverez le sentiment de la
Divinité leur donner naissance et concourir à
leur perfectionnement. C'est pour célébrer la
gloire et la magnificence du Créateur, que
la poésie et la musique furent inventées. Les
sens, les accens ordinaires ne pouvant suf-
fire à
tout ce que l'homme sensible et reli-
gieux sentoit en lui d'enthousiasme céleste, il
eut recours à Pharmonie des paroles, et il
travailla la nature
en tirer de nouveaux
pour
sons (1). C'est ainsi que l'architecture à com-
mencé par des chefs-d'oeuvres, dont les rui-
nes nous étonnent, et que l'astronomie a été
d'abord cultivée pour régler le cours des fêtes

montagne, on a tiré du même roc un nombre de pilliers massifs, d'une forme assez élégante, à des distances si régulieres, que la premiere entrée offre à l'œil du spectateur une apparence de beauté et de solidité.' Une grande partie de l'intérieur est remplie de figures humaines, en relief, d'une taille gigantesque, de formes singulieres, et ornée d'une variété de symboles représentant probablement les attributs des Divinités que les Indiens adoroient, ou les actions des héros qu'ils admiroient ».

Il est ainsi remarquable, que les premiers et les plus grands monumens des nations ont eu le culte public pour objet, et que l'homme ne s'est élevé d'abord à des idées sublimes, à des travaux gigantesques, que dans le dessein de rendre à Dieu un culte plus digne

de lui.

(1) Tous les peuples ont eu recours au langage fguré de la poésie dans leurs différens cultes; et l'on retrouve la coutume de célébrer les lonanges de la Divinité par des hymnes et des cantiques, jusques chez les hordes sauvages.

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et des solemnités; et si nous avions le temps de parcourir l'histoire de toutes les connoissances humaines, l'homme no nous paroîtroit jamais plus grand que, lorsque poussé par un instinct divin, il a essayé de manifester au dehors ce culie et cette adoration, vrais prin cipes de sa grandeur, et sans lequel l'homme lui-même n'a plus rien de reconnoissable.

Les sophistes se flattent néanmoins de régé nérer la morale de leurs disciples en leur inspirant un plus grand éloignement pour le culte public. Ils veulent le conduire, disent-ils, à une hauteur de principes auquel le vulgaire ignorant ne sauroit atteindre.

Je pourrois d'abord appeller cette derniere parole le blasphême de leur orgueil. Méritet-elle en effet d'être autrement caractérisée cette morale outrageante pour la Divinité, qui isole l'homme de l'homme, et ne laisse plus d'espoir aux esprits simples et grossiers de pouvoir se gouverner jamais eux-mêmes, selon les regles de la véritable justice, Une telle morale peut-elle fixer les voeux de la raison? Peut-elle avoir quelque charme pour les ames sensibles? Ne voit-on pas trop clairement que c'est l'égoïsme qui l'a enfantée, qu'elle n'est qu'un prétexte de plus, imaginé par les incrédules pour excuser leur commode indifférence pour toutes les religions, et qu'en se séparant ainsi du culte public, il se séparent en même-temps des plus douces affections sociales, et ils font à-la-fois cette injure à Dieu et à leurs semblables, de croire Dieu indifférent à la vérité et au mensonge, et de condamner leurs semblables à être les

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